Les tendres épigrammes de Cydno la Lesbienne/09
Bibliothèque des curieux, (p. 41-43).
IX
PRÉCOCITÉ DE GYRINNÔ
Il n’y a plus d’enfants.
Mon amie Baukis, la veuve du gros marchand qui nous divertissait par sa goinfrerie porcine, dut s’absenter, la semaine dernière ; en partant pour l’Asie Mineure, elle me confia sa fillette de neuf ans, Gyrinnô.
Je pris la mignonne dans mon lit, maternellement.
Mais, ne voilà-t-il pas qu’une chatouille délicieuse me réveille ! Nue, toute bleue sous le clair de lune, penchée sur mon ventre qu’elle a sournoisement mis à nu, l’enfant me fait la suprême caresse, mieux qu’Atalante ou Déjanire.
Baukis est de retour. Elle m’interroge, rieuse :
— « Eh bien ? Gyrinnô a-t-elle été sage ? »
Alors, en rougissant, je lui confesse, à mi-voix, ce qui s’est passé… Baukis m’interrompt et, entre deux baisers de colombe :
— « Tranquillise-toi, ma chère Cydno ! C’est moi qui ai fait son éducation ! »
Cette Gyrinnô subtile n’en avait pas moins des dispositions extraordinaires.
Le soir du même jour, nous couchâmes toutes les trois ensemble : la mignonne nous étonna par ses inventions.
À la fin, dans la perversité ambiante d’avant l’aube, nous l’assîmes, parmi des coussins, telle une idole nue, et nous l’adorâmes tour à tour.
Je la vois encore : ses yeux, écarquillés, luisent comme des émeraudes grossissantes ; on dirait qu’ils vont jaillir des orbites.