Les traités d'Hippocrate

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== DE LA MALADIE SACREE ==

Voici ce qu'il en est de la maladie dite sacrée : elle ne me paraît avoir rien de plus divin ni de plus sacré que les autres, mais la nature et la source en sont les mêmes que pour les autres maladies. Sans doute c'est grâce à l'inexpérience et au merveilleux qu'on en a regardé la nature et la cause comme quelque chose de divin ; en effet elle ne ressemble en rien aux autres affections. Mais si l'impuissance où l'on est de s'en faire une idée lui conserve un caractère divin, d'autre part ce caractère lui est enlevé par la facilité d'employer le traitement que les gens mettent en œuvre, traitement

qui consiste en purifications et en incantations. Veut-on la supposer divine à cause du merveilleux qu'elle présente? mais alors il y aura beaucoup de maladies sacrées et non une seule; car je montrerai que d'autres maladies, que personne ne considère comme sacrées, ne sont ni moins merveilleuses ni moins effrayantes. En effet, d'un côté, les fièvres quotidiennes, tierces et quartes ne me paraissent aucunement moins sacrées ni moins dues à la divinité que cette maladie, et cependant personne ne s'en émerveille; d'un autre côté, je vois des hommes saisis de transport et de délire sans aucune cause manifeste faire une foule d'actes insensés; j'en vois beaucoup qui dans le sommeil poussent des gémissements et des cris, qui sont suffoqués, qui s'élancent, fuient au dehors et délirent jusqu'à ce qu'ils soient réveillés ; puis les voilà sains et raisonnables comme auparavant, restant néanmoins pâles et faibles, et cela, non pas une fois, mais plusieurs. Je pourrais citer encore des cas de ce genre nombreux et variés; mais ce serait trop allonger le discours que d'entrer, pour chacun, dans le détail. Ceux qui, les premiers, ont sanctifié cette maladie, furent à mon avis ce que sont aujourd'hui les mages, les expiateurs, les charlatans, les imposteurs, tous gens qui prennent des semblants de piété et de science supérieure. Jetant donc la divinité comme un manteau et un prétexte qui abritassent leur impuissance à procurer chose qui fût utile, ces gens, afin que leur ignorance ne devînt pas manifeste, prétendirent que cette maladie était sacrée. A l'aide de raisonnements appropriés, ils arrangèrent un traitement où tout était sûr pour eux, prescrivant des expiations et des incantations, défendant les bains et

divers aliments peu convenables à des malades : en fait de poissons de mer, le mulet, le mélanurus, le muge, l'anguille (ces poissons sont en effet ceux qui incommodent le plus) ; en fait de viandes, celles de chèvre, de cerf, de cochon de lait, de chien (ces viandes sont en effet celles qui dérangent le plus le ventre); en fait d'oiseaux, le coq, la tourterelle, l'outarde, et, en général, tous les oiseaux dont la viande passe pour être très substantielle; en fait de légumes verts, la menthe, l'ail, l'oignon (en effet ce qui est âcre ne convient pas à un malade); voulant qu'on ne porte pas un vêtement noir (le noir est mortel), qu'on ne couche pas sur une peau de chèvre et qu'en n'en porte pas, qu'on ne mette pas un pied sur l'autre, une main sur l'autre (tout cela forme autant d'empêchements). Ces observances, ils les imposent en vue du caractère divin du mal, se donnant l'air d'en savoir plus que les autres et alléguant diverses causes, afin que, si le malade guérit, la gloire en revienne à leur habileté, et que, s'il meurt, ils aient des apologies toutes prêtes, et puissent détourner d'eux la responsabilité du malheur et la jeter sur les dieux; car ni aliments qu'ils aient donnés à manger, ni médicaments qu'ils aient fait boire, ni bains où ils aient cuit les patients, n'en peuvent être accusés. Pour moi je pense que, parmi les Libyens habitant l'intérieur des terres, nul ne se porte bien, vu qu'ils couchent sur des peaux de chèvres et se nourrissent de viande de chèvre, n'ayant ni couchette, ni couverture, ni chaussure qui

ne vienne pas de cet animal. En effet leur bétail consiste uniquement en chèvres et en bœuf. Si employer ces choses et s'en nourrir engendre et accroît la maladie, et n'en pas manger la guérit, la divinité n'y est pour rien, les expiations sont complètement inutiles; ce sont les aliments qui guérissent et qui nuisent, la puissance divine disparaît. Donc, à mon avis, ceux qui entreprennent la cure de telles maladies par de tels moyens ne considèrent ces affections ni comme sacrées ni comme divines. Car lorsque des maladies se déplacent par l'influence des expiations et d'un traitement de cette sorte, qui empêche que par d'autres pratiques analogues on ne les appelle et fasse tomber sur les hommes? A ce point, la cause n'est plus divine et elle est tout humaine. Celui qui, par des purifications et de la magie, a le pouvoir de chasser une telle affection, celui-là est en état, par des procédés différents, de la provoquer; et une telle argumentation supprime, sans plus, l'intervention divine. Avec ces discours et ces artifices ils se donnent pour posséder un savoir supérieur, et trompent le monde en prescrivant des expiations et des purifications; car ils ne parlent guère que de l'influence des dieux et des démons. Dans leur opinion de tels discours vont à la piété; mais, dans la mienne, ils vont bien plutôt à l'impiété, et nient l'existence des dieux ; ce qui, d'après ces gens, est religieux et divin, est, comme je vais le faire voir, irréligieux et impie. En effet ils prétendent savoir les moyens de faire

descendre la lune, d'éclipser le soleil, de provoquer l'orage et le beau temps, la pluie et la sécheresse, de rendre la terre et la mer infécondes, et tant d'autres merveilles. Quelle que soit la cause, soit rites, soit toute autre connaissance ou pratique, dont les gens de ce métier disent tenir leur pouvoir, ils ne m'en paraissent pas moins être dans l'impiété et ne pas croire qu'il y ait des dieux, ou, le croyant, penser que ces dieux sont sans force et dans l'impuissance d'empêcher aucune de ces merveilles suprêmes qu'ils promettent. Or, exécutant de pareilles merveilles, comment ne seraient-ils pas redoutables aux dieux mêmes? Si un homme, par des arts magiques et des sacrifices, fait descendre la lune, éclipse le soleil, provoque le calme ou l'orage, je ne vois là rien qui soit divin ; bien au contraire, tout est humain, car la puissance divine est surmontée et asservie par l'intelligence d'un homme. Sans doute il n'en est pas ainsi ; mais des gens pressés par le besoin s'ingénient de mille manières et ont les imaginations les plus diverses pour la maladie dont il s'agit comme pour tout le reste, attribuant, pour chaque forme de l'affection, la cause à un dieu. Car ils rappellent ces idées non pas une fois mais cent : si le malade imite le bêlement de la chèvre, s'il grince des dents, s'il a des convulsions du côté droit, ils disent que la Mère des dieux est la cause du mal. Pousse-t-il des cris plus aigus et plus forts? ils le comparent à un cheval et accusent Neptune. Si quelque peu d'excrément est rendu (ce qui arrive souvent par les efforts que fait faire la maladie), le surnom est la déesse Enodie. Si ces excréments sont plus ténus et plus fréquents comme

chez les oiseaux, le surnom est Apollon Nomius. Avec l'écume à la bouche et des battements de pieds, c'est Mars qui est inculpé. Quand, la nuit, surviennent des peurs, des terreurs, des délires, des sauts hors du lit, des visions effrayantes, des fuites hors de la maison, ce sont, disent-ils, des assauts d'Hécate, des irruptions des Héros. Alors ils emploient les purifications et les incantations, faisant, à mon sens, de la divinité ce qu'il y a de moins saint et de moins divin ; car ils purifient les personnes atteintes de la maladie avec du sang et autres choses de ce genre, comme si c'étaient gens ayant quelque souillure, des scélérats, des individus frappés d'un charme, ou ayant commis quelque action sacrilège. Loin de là, il faudrait employer des pratiques contraires, sacrifier, prier, et, allant dans les temples, implorer les dieux; mais ils n'ont recours à rien de tout cela, et n'emploient que les purifications. Quant aux objets purifiants, ils les cachent dans la terre, ils les jettent dans la mer, ils les transportent dans les montagnes, là où personne n'y touchera, ni ne marchera dessus. Mais il faudrait porter ces objets dans les temples et en faire offrande à la divinité, si tant est que la divinité soit en cause. Pour moi, je pense que le corps de l'homme n'est pas souillé par la divinité, ce qu'il y a de plus frêle par ce qu'il y a de plus pur. Mais s'il arrive que

ce corps reçoive, d'autre part, souillure ou souffrance, il sera sans doute nettoyé et purifié par le dieu loin d'être souillé. C'est donc la divinité qui nettoie et purifie les plus grandes et les plus impies de nos fautes, c'est elle qui nous lave; nous-mêmes nous traçons autour des temples des dieux et de leurs enceintes des limites que personne ne doit franchir s'il n'est en état de pureté; et, les franchissant, nous faisons des ablutions, non pas comme recevant quelque souillure, mais comme nous purifiant de toute tache si nous en apportons quelqu'une. Voilà quelle est mon opinion sur les expiations. Quant à la maladie dont il s'agit ici, elle ne me paraît pas plus divine que le reste, mais elle a la nature qu'ont les autres maladies, et la cause dont chacune dérive. Cela (la nature et la cause) est le divin d'où provient tout le reste. Elle est curable, et elle ne l'est pas moins que les autres affections, pourvu qu'un long temps ne l'ait point enracinée de manière à la rendre plus forte que les remèdes administrés. Elle naît, comme les autres maladies, par hérédité ; si, en effet, d'un phlegmatique naît un phlegmatique, d'un bilieux un bilieux, d'un phthisique un phthisique, d'un individu à rate malade un individu à rate malade, où est l'obstacle que la maladie dont le père ou la mère a été affecté n'affecte aussi quelqu'un des enfants? car le sperme, venant de toutes les parties du corps, vient sain des parties saines, malade des parties malades. Une autre grande preuve que cette affection n'est en rien plus divine que le reste, c'est qu'elle survient naturellement chez les phlegmatiques et n'attaque

pas les bilieux; cependant, si elle était plus divine que les autres, il faudrait qu'elle attaquât indistinctement tous les tempéraments et qu'elle ne fit acception ni de bilieux ni de phlegmatiques. La vérité est que le cerveau est l'origine de cette affection comme de toutes les autres très grandes maladies; de quelle façon et par quelle cause? je vais l'expliquer clairement. Le cerveau est double chez l'homme comme chez tous les autres animaux; le milieu en est cloisonné par une membrane mince. Aussi la souffrance ne se fait-elle pas toujours sentir dans le même point de la tête, mais elle est tantôt d'un côté, tantôt de l'autre, et quelquefois aussi partout. Des veines y arrivent de tout le corps, nombreuses et menues, mais deux grosses, l'une du foie, l'autre de la rate. Celle du foie se comporte ainsi : une certaine partie de la veine descend à droite le long du rein et des lombes jusqu'au dedans de la cuisse et arrive au pied, on la nomme veine cave; l'autre portion marche en haut à travers le diaphragme droit et le poumon, elle donne une branche au cœur et au bras droit, le reste monte par la clavicule à la droite du cou sous la peau même, où elle est visible. Près de l'oreille elle se cache et là se divise : la portion la plus grosse, la plus grande et la plus creuse se termine dans le cerveau; l'autre portion se rend d'une part dans l'oreille droite (et ce n'est qu'une veine menue), d'autre part dans l'œil droit, d'autre part enfin dans la narine. Telle est la disposition des veines provenant du foie. Quant à celle de la rate, elle se distribue à gauche en bas et en haut comme celle du foie; elle est plus menue et plus faible.

Par ces veines nous attirons la plus grande partie de l'air; car ce sont pour nous des soupiraux du corps qui aspirent l'air. Elles le distribuent partout à l'aide des petites veines; puis elles l'exhalent, ayant ainsi procuré le rafraîchissement. Car le souffle ne peut rester en place, mais il va en haut: et en bas ; en effet, s'il s'arrête en quelque point et y est intercepté, la partie où il s'arrête devient incapable de se mouvoir. En voici la preuve : quand, assis ou couché, des veines sont tellement comprimées que l'air ne puisse y passer, il survient aussitôt un engourdissement. Telle est la condition des veines et du reste. La maladie dont il s'agit attaque les phlegmatiques et non les bilieux; le germe en commence chez l'embryon encore enfermé dans l'utérus. En effet, le cerveau, comme les autres parties avant la naissance, se purge et a une efflorescence. Par cette purgation, si elle s'opère bien et dans une juste mesure, et qu'il ne s'écoule rien de trop ni rien de trop peu, l'individu aura la tète la plus saine. Mais si l'écoulement de tout le cerveau est trop abondant et qu'il y ait une fonte considérable, il aura, grandissant, la tète malsaine, pleine de bruit, et ne pourra supporter ni le soleil, ni le froid. Si l'écoulement provient d'une seule partie, de l'œil par exemple, ou de l'oreille, ou si quelque veine s'est contractée, cette partie est lésée en proportion de la fonte qui a eu lieu.

Enfin si la purgation ne s'est pas opérée, et qu'il y ait eu concentration dans le cerveau, le sujet sera nécessairement pituiteux. Ceux qui, dans leur enfance, ont des éruptions à la tête, aux oreilles et au reste du corps, et sont affectés d'écoulements salivaire et nasal, ceux-là se portent le mieux à mesure qu'ils avancent en âge; car de cette façon se décharge et se purge le phlegme dont l'économie aurait dû se débarrasser dans l'utérus. Ainsi purifiés, ils ne sont guère exposés à cette affection; mais ceux dont le corps est net, et qui n'ont ni ulcération, ni flux muqueux, ni flux salivaire, sans avoir, dans la matrice, passé par la purification préalable, sont dans le danger d'être ainsi affectés. Si le flux prend sa marche vers le cœur, il survient des palpitations, de la dyspnée, la poitrine s'altère, quelques-uns même deviennent bossus. En effet la pituite froide, descendant sur le poumon ou sur le cœur, refroidit le sang; les veines, saisies violemment par ce refroidissement, battent contre le poumon et le cœur, le cœur palpite et il en résulte nécessairement la gène de la respiration et l'orthopnée, car le patient ne reçoit pas le souffle autant qu'il le veut, tant que le phlegme affluant n'a pas été surmonté, échauffé et dispersé dans les veines. Alors cessent les palpitations et la dyspnée, et elles cessent dans la mesure de la quantité du flux, c'est-à-dire plus lentement si le flux est plus considérable, plus vite s'il est moindre. De la

même façon, des flux qui se répètent fréquemment produisent des accès fréquents; éloignés, des accès éloignés. Voilà ce qui se passe quand le flux va sur le poumon et sur le cœur. Mais s'il se rend dans le ventre, c'est la diarrhée qui survient. Le flux est-il au contraire coupé de ces voies, et pénètre-t-il dans les veines que j'ai indiquées plus haut? le sujet perd la voix et étouffe, l'écume lui sort de la bouche, il grince des dents, les mains se tordent, les yeux divergent, toute connaissance est perdue, quelquefois même il y a sortie des excréments. De tels accidents se manifestent tantôt à gauche, tantôt à droite, tantôt des deux côtés. Je vais expliquer comment chacun de ces accidents survient. Le sujet perd la voix parce que le phlegme, descendant tout à coup dans les veines, intercepte l'air, qui n'est plus reçu ni dans le cerveau, ni dans les veines caves, ni dans les cavités, la respiration étant interceptée. En effet, quand on aspire le souffle par la bouche et les narines, ce souffle va d'abord au cerveau ; puis la plus grande partie va dans le ventre, et le reste dans le poumon et dans les veines; de là il se répand, par les veines, dans les autres parties. La portion qui va dans le ventre rafraîchit le ventre et n'a pas d'autre usage. Mais l'air qui va dans le poumon et dans les veines, s'introduisant dans les cavités et dans le cerveau, concourt et produit ainsi l'intelligence, et, dans les membres, le mouvement. De la sorte, quand par le phlegme l'air est exclu des veines, qui ne le reçoivent plus, le patient

perd la voix et la connaissance. Les mains deviennent impuissantes et se tordent, vu que le sang demeure immobile et ne se répand pas comme à son ordinaire. Les yeux divergent parce que les veines ne reçoivent plus l'air et battent. L'écume qui sort de la bouche provient du poumon ; car, l'air n'y pénétrant pas, cet organe jette de l'écume et bouillonne comme si la mort approchait. Les excréments sortent par la force de la suffocation, suffocation qui est le résultat de la pression du foie et du ventre en haut contre le diaphragme et du resserrement du conduit (œsophage) de l'estomac. Cette pression survient quand le souffle n'entre pas dans la bouche comme à l'ordinaire. Le malade frappe des pieds parce que l'air est intercepté dans les membres et ne peut s'en dégager à cause du phlegme. L'air, s'agitant en haut et en bas dans le sang, cause spasme et douleur; de là les coups de pieds. Tous ces accidents s'offrent à la fois quand le phlegme froid coule dans le sang, qui est chaud ; il le refroidit et l'arrête. Si le flux est abondant et épais, la mort est immédiate, car il triomphe du sang par le froid et le coagule; s'il est moindre, dans le moment il a le dessus, interceptant la respiration ; puis, au bout de quelque temps, s'étant répandu dans les veines et mêlé au sang, qui est abondant et chaud, il a le dessous, les veines admettent l'air et la connaissance revient. Les enfants tout petits qui sont pris de cette affection, succombent pour la plupart, si la fluxion est considérable et que le vent souffle du midi. Les

veines étant menues ne peuvent recevoir une pituite épaisse et abondante, le sang se refroidit et se coagule, et la mort survient. Mais si la fluxion, étant petite, se porte dans les deux veines ou dans celle d'un côté, le sujet survit, mais en conservant des marques de la maladie; ou la bouche est déviée, on bien un œil, ou le cou, ou une main, suivant la veine qui, remplie par la pituite, a été surmontée et amoindrie. Nécessairement donc, en raison de cette veine, la partie du corps qui est lésée se trouve plus incomplète et plus faible; mais c'est un mal qui à la longue a de l'utilité, le sujet n'est plus exposé à l'épilepsie, une fois passée cette explosion du mal. En voici la raison : sous cette influence morbide les autres veines s'altèrent et se contractent dans une certaine proportion, de manière que, tout en recevant encore l'air, elles cessent de recevoir avec la même facilité le flux de pituite. Mais il est évident que, les veines ayant ainsi souffert, les membres doivent devenir plus faibles. Si au contraire il se fait une fluxion très peu considérable pendant le vent du nord et du côté droit, le patient réchappe sans en conserver de marque; mais il est à craindre que le mal ne se nourrisse et ne s'accroisse avec le sujet si on ne le combat par des remèdes appropriés. C'est de cette façon ou d'une façon très analogue que les choses se passent chez les enfants. Mais à un âge plus avancé, l'épilepsie, quand elle survient, ne cause ni la mort ni des distorsions; en effet, les veines sont amples et pleines d'un sang chaud. La pituite ne peut ni l'emporter ni refroidir le sang de manière à le coaguler; au contraire elle est promptement vaincue et se mêle au sang. De la sorte, les veines reçoivent

l'air, l'intelligence ne se perd pas, et les signes indiqués plus haut se manifestent avec moins de force à cause de la vigueur du sujet. A un âge tout à fait avancé, l'épilepsie, si elle survient, cause la mort ou la paralysie, parce que les veines sont vides et que le sang est en petite quantité, ténu et aqueux. Si donc la fluxion se fait avec abondance et pendant l'hiver, elle tue; car elle obstrue les issues et congèle le sang, si elle s'opère des deux côtés; elle paralyse si elle ne s'opère que d'un côté. En effet, le sang, étant ténu, froid et peu abondant, ne peut vaincre la pituite, mais, vaincu lui-même, il se congèle, et les parties où le sang a subi cette altération deviennent impuissantes. La fluxion se fait plus souvent à droite qu'à gauche, parce que les veines sont, à droite, plus amples et plus nombreuses; en effet les veines viennent du foie et de la rate. La fluxion et la fonte d'humeur surviennent chez les enfants surtout, quand ils ont eu la tète échauffée par le soleil ou par le feu et qu'un froid subit a saisi le cerveau. Alors en effet la pituite se sépare. Elle se fond par la chaleur et la dilatation du cerveau, elle se sépare par le refroidissement et la contraction ; et c'est ainsi que s'opère la fluxion. Chez les uns telle est la cause déterminante ; chez d'autres, c'est quand le vent du midi, succédant subitement à des vents du nord, détend et relâche subitement le cerveau resserré et vigoureux, de sorte que la pituite abonde et que lu fluxion s'opère. Une cause non apparente peut encore la produire,

par exemple une crainte, si l'enfant a peur de quelqu'un qui crie, ou encore l'impossibilité de reprendre promptement haleine dans l'intervalle de cris et de pleurs, ce qui arrive souvent à cet âge. Sous l'influence d'une quelconque de ces causes, le corps est saisi d'un froid soudain, le sujet, perdant la voix, ne respire plus ; dès lors le souffle demeure en repos, le cerveau se resserre, le sang s'arrête, et ainsi la pituite se sépare et s'écoule. Ce sont là chez les enfants les causes déterminantes de l'épilepsie au commencement. Chez les personnes âgées l'hiver est la saison la plus défavorable; en effet, quand ces personnes, s'étant échauffé la tête et le cerveau près d'un grand feu, viennent à l'air libre et sont saisies du froid, ou réciproquement si elles passent du froid à un lieu couvert et se mettent auprès du feu, elles éprouvent les mêmes accidents et deviennent épileptiques comme il a été dit plus haut. Le danger est grand encore de contracter cette maladie pendant le printemps, si la tête est frappée par le soleil. C'est en été que le risque est le moindre, vu qu'alors il n'y a point de brusque changement. Passé vingt ans on n'est guère attaqué de cette maladie, à moins que le germe n'en date de l'enfance ; et elle ne survient que chez peu ou point de sujets; alors les veines sont pleines de sang, le cerveau est consistant et compact, de sorte qu'il ne se fait point de fluxion dans les veines; ou, s'il s'en fait, la fluxion ne triomphe pas du sang, qui est abondant et chaud. Mais celui chez qui le germe date de l'enfance et a grandi, prend l'habitude d'éprouver ces accidents aux changements de vents. C'est alors la plupart

du temps que les accidents le prennent, surtout quand souffle le vent du midi. Et la guérison est difficile; car le cerveau est devenu plus humide que dans l'état naturel, et le phlegme y abonde. De la sorte, d'une part les fluxions sont plus fréquentes; de l'autre le phlegme ne peut plus être évacué; et le cerveau, incapable de se dessécher, demeure tout pénétré d'humidité. Vous vous en apercevrez très bien chez les animaux affectés da cette maladie, et particulièrement chez les chèvres, qui y sont le plus exposées : ouvrez la tête, et vous trouverez le cerveau humide, rempli d'eau d'hydropisie et sentant mauvais ; et là vous reconnaîtrez évidemment que c'est, non pas la divinité, mais la maladie, qui altère ainsi le corps. Il en est de même pour l'homme aussi; en effet, quand l'épilepsie a duré longtemps, elle n'est plus curable, le cerveau est rongé par la pituite, et il se fond; la portion ainsi fondue devient de l'eau qui entoure au dehors le cerveau et le baigne, ce qui rend les accès plus fréquents et plus faciles. D'autre part, la maladie dure longtemps, parce que le liquide affluant, étant ténu à cause de son abondance, est aussitôt vaincu par le sang et échauffé. Les patients qui sont déjà habitués à la maladie pressentent quand ils vont avoir un accès; ils fuient loin des regards, chez eux, si leur logis est proche; sinon, dans le lieu le plus solitaire, là où leur chute aura le moins de témoins, et aussitôt ils se cachent. Ils agissent ainsi par honte de leur maladie, et non, comme plusieurs le croient, par crainte de la divinité qui les obsède. Voyez en effet les enfants : d'abord ils tombent là où ils se trouvent, à cause qu'ils ne sont pas habitués; puis,

quand ils ont eu plusieurs accès, ils pressentent l'attaque et s'enfuient près de leur mère ou de la personne qu'ils connaissent le plus, et cela par la terreur du mal qui les menace ; car, à des enfants, la honte est encore étrangère. C'est dans les changements de vents que l'épilepsie se produit. Au premier rang sont les vents du midi, puis viennent les vents du nord, ensuite les autres vents. En effet les vents du midi et du nord sont les plus forts et les plus opposés pour la lutte et la puissance. Voici, suivant moi, 1a raison de cette influence : le vent du nord contracte l'air, en dissipe la partie brumeuse et nuageuse, et le rend clair et transparent; il exerce une même action purifiante sur tout ce qui s'élève de la mer et des eaux; en effet, de tout, même du corps de l'homme, il sépare ce qui est humide et trouble, aussi est-il le plus salubre des vents. Celui du midi a des effets contraires ; d'abord il commence par fondre et raréfier l'air condensé, ne soufflant pas tout aussitôt avec force, mais, au début, apportant la tranquillité, vu qu'il ne peut au premier moment triompher de l'air devenu antérieurement dense et resserré. Cependant peu à peu il le dissout; il exerce la même influence sur la terre, sur la mer, sur les fleuves, sur les fontaines, sur les puits, sur tout ce que le sol engendre, sur tout ce qui renferme de l'humidité ; or, tout en renferme, ici plus, là moins. Tout donc se sent de ce

souffle et devient terne de brillant, chaud de froid, humide de sec. Les vases de terre pleins de vin ou de quelque autre liquide qui sont dans les maisons ou sous terre éprouvent l'action du vent du midi et sont modifiés dans leur forme. Enfin le soleil, la lune et les astres perdent beaucoup de leur éclat. Puis donc que des choses si grandes et si puissantes en éprouvent une telle influence, et que le corps se ressent des changements de ces vents et en est modifié, il résulte nécessairement que les vents du midi relâchent le cerveau, le remplissent d'humidité et élargissent les veines, et que les vents du nord réunissent la partie la plus saine du cerveau et séparent la partie la plus malsaine et la plus humide, de sorte que l'humeur le baigne au dehors et que les fluxions se produisent lors des changements de ces vents. Ainsi cette maladie naît et s'accroît et par ce qui entre dans le corps et parce qui en sort, elle n'est. pas plus embarrassante que les autres, soit à traiter soit à connaître, et n'a rien de plus divin. Il faut savoir que, d'une part, les plaisirs, les joies, les ris et les jeux, d'autre part, les chagrins, les peines, les mécontentements et les plaintes ne nous proviennent que de là (du cerveau). C'est par là surtout que nous pensons, comprenons, voyons, entendons, que nous connaissons le laid et le beau, le mal et le bien, l'agréable et le désagréable, soit que nous distinguions ces choses par les conventions d'usage, soit que nous les reconnaissions par l'utilité qu'elles nous procurent, ressentant, dans cette utilité même, le plaisir et le déplaisir, suivant les opportunités, les mêmes objets ne nous plaisant pas. C'est encore par là que nous sommes fous, que

nous délirons, que des craintes et des terreurs nous assiègent, soit la nuit, soit après la venue du jour, des songes, des erreurs inopportunes, des soucis sans motifs, l'ignorance du présent, l'inhabitude, l'inexpérience. Tout cela, nous l'éprouvons par le cerveau quand il n'est pas sain, c'est-à-dire quand il est trop chaud, ou trop froid, ou trop humide, ou trop sec, ou quand il a éprouvé quelque autre lésion contre nature à laquelle il n'est pas habitué. La folie provient de son humidité; en effet, devenu trop humide, il se meut nécessairement; se mouvant, ni la vue, ni l'ouïe ne sont sûres, le patient voit et entend tantôt une chose tantôt une autre; la langue exprime ce qu'il voit et entend. Mais, tout le temps que le cerveau est dans le repos, l'homme a sa connaissance. L'altération du cerveau se fait par la pituite ou par la bile. Voici les signes distinctifs : les fous par l'effet de la pituite sont paisibles et ne crient ni ne s'agitent, les fous par l'effet de la bile sont criards, malfaisants, toujours en mouvement, toujours occupés à faire quelque mal. Telles sont les causes qui font que la folie est continue. Si le patient est en proie à des craintes et à des terreurs, cela provient du changement qu'éprouve le cerveau; or, le cerveau change quand il s'échauffe, et il s'échauffe grâce à la bile qui s'y précipite du reste du corps par les veines sanguines; alors la crainte assiège le patient jusqu'à ce que la bile rentre dans les veines et dans le corps ; c'est à ce moment que le calme revient. D'autre part, le patient est livré à des tristesses et à des angoisses sans motif quand le cerveau se refroidit et se contracte contre son

habitude ; c'est là un effet de la pituite. Cette affection produit encore la perte de la mémoire. Ce sont au contraire des cris et des clameurs que le patient pousse la nuit si le cerveau s'échauffe subitement. Cet échauffement survient chez les bilieux et non chez les phlegmatiques, et il survient quand le sang afflue en abondance au cerveau et y bouillonne ; le sang y arrive en abondance par les veines susdites quand le patient se trouve avoir un songe effrayant qui le frappe de terreur. De même donc que, dans l'état de veille, le visage s'enflamme et les yeux rougissent surtout quand l'individu a de la crainte et que l'esprit médite quelque action violente, de même ces phénomènes se manifestent dans le sommeil ; mais cet état cesse quand le réveil ramène la connaissance et que le sang se disperse de nouveau dans les veines susdites. Pour ces raisons je regarde le cerveau comme l'organe ayant le plus de puissance dans l'homme, car il nous est, quand il se trouve sain, l'interprète des effets que l'air produit ; or, l'air lui donne l'intelligence. Les yeux, les oreilles, la langue, les mains, les pieds agissent suivant que le cerveau a de la connaissance, en effet tout le corps participe à l'intelligence dans la proportion qu'il participe à l'air; or, pour l'intelligence le cerveau est le messager. Quand l'homme attire en lui le souffle, ce souffle arrive d'abord au cerveau, et c'est de cette façon que l'air se disperse dans le reste du corps, laissant dans le cerveau sa partie la plus active, celle qui est intelligente et connaissante. Si en effet l'air se rendait d'abord dans le corps, pour se rendre de là au cerveau, il laisserait l'intelligence dans les chairs et dans les veines, il arriverait échauffé au cerveau, et il

y arriverait non pur mais mêlé avec l'humeur provenant des chairs et du sang, de sorte qu'il n'aurait plus ses qualités parfaites. Je dis donc que le cerveau est l'interprète de l'intelligence. Mais le phren (diaphragme) a un nom (de g-phroneoh, penser) qu'il doit au hasard et à l'usage, mais non à la réalité et à la nature. Je ne vois pas en effet quelle influence il a pour la pensée et l'intelligence. A la vérité, quand on éprouve à l'improviste un excès de joie ou de chagrin, il tressaille et cause des soubresauts; mais cela tient à son peu d'épaisseur et à ce que dans le corps il est le plus étendu en largeur. Il n'a point de cavité où il puisse recevoir le bien ou le mal qui survient ; mais il est troublé par l'une et l'autre de ces passions à cause de la faiblesse de sa nature. Il ne ressent rien avant les autres parties du corps, et c'est en vain qu'il a un tel nom et une telle attribution, comme cet appendice du coeur qu'on appelle oreille et qui ne contribue en rien à l'ouïe. Quelques-uns disent que nous pensons par le coeur, et que cet organe est ce qui éprouve le chagrin et les soucis; il n'en est rien. Le coeur se contracte comme le diaphragme et davantage encore pour ces causes-ci : des veines se rendent de tout le corps au coeur, et il les ferme, de sorte qu'il se ressent de tout travail, de toute tension qui arrive à l'individu. En effet, nécessairement, dans l'état de chagrin, le corps a le frisson et se contracte; il en est de même dans l'excès

de la joie. De tout cela le coeur et le diaphragme se ressentent le plus. Toutefois ni l'un ni l'autre n'a part à l'intelligence; c'est le cerveau qui est la cause de tout ce que j'ai indiqué. Donc, de même que, avant toute autre partie du corps, il reçoit l'impression de l'intelligence qui provient de l'air, de même, s'il arrive quelque changement notable dans l'air par l'effet des saisons et que l'air devienne différent de lui-même, le cerveau le premier en reçoit l'impression. Aussi je maintiens que le cerveau est exposé aux maladies les plus aiguës, les plus considérables, les plus dangereuses et de la crise la plus difficile pour les médecins inexpérimentés. Quant à cette maladie dite sacrée, elle naît des mêmes influences que les autres, c'est-à–dire de ce qui arrive et de ce qui s'en va, de la froidure, du soleil, des vents qui changent sans cesse et ne sont jamais en repos. Ces choses-là sont divines, de sorte que cette maladie n'a aucun caractère qui la fasse regarder comme plus divine; mais toutes sont divines et toutes sont humaines. Chaque maladie a, par elle-même, sa nature et sa puissance, et aucune n'est inaccessible et réfractaire. La plupart sont curables par les mêmes influences qui les produisent ; car ce qui est aliment pour une chose est destruction pour une autre. Donc c'est une connaissance que le médecin doit avoir, afin que, discernant l'opportunité de chaque cas, il donne l'aliment à ceci qui en sera augmenté et le retranche à cela qui, par ce retranchement, sera diminué. Il faut, dans cette maladie comme dans toutes

les autres, ne pas accroître le mal, mais se hâter de l'abattre en administrant ce qui lui est le plus contraire, et non ce qui lui est favorable et habituel. En effet le mal prospère et s'accroît par ce qui lui est habituel, mais se consume et se détruit par ce qui lui est contraire. Quiconque sait produire chez l'homme un tel changement et peut, par le régime, rendre le corps du sujet et humide, et sec, et chaud, et froid, est capable aussi de guérir cette maladie, à la condition de distinguer l'opportunité des moyens utiles, sans les purifications, les artifices magiques et tout ce charlatanisme.

DU RÉGIME SALUTAIRE[modifier]

Les particuliers doivent ainsi régler leur régime : en hiver, manger le plus, boire le moins; la boisson sera du vin aussi pur qu'il sera possible ; les aliments seront du pain et tous mets rôtis; en cette saison, on usera aussi peu que possible de légumes; de la sorte le corps sera à son maximum de sécheresse et de chaleur. Quand vient le printemps, alors on boira davantage, du vin plus trempé et par petits coups ; on usera d'aliments plus émollients et en moindre quantité; au pain on substituera la pâte de farine d'orge ; on diminuera par la même raison ce qu'on mange en fait de mets, lesquels seront tous des mets bouillis; au printemps on commencera à prendre des légumes en petite quantité, afin de se disposer pour l'été à l'aide de substances plus émollientes, de mets bouillis, de légumes bouillis et crus, ainsi qu'à l'aide de boissons aussi trempées et aussi abondantes qu'il sera possible, mais en évitant, par un usage progressif et sans brusquerie, tout grand changement. En été, on se nourrira de molle pâte d'orge, de boisson très trempée et abondante et de mets bouillis : c'est, en effet, ce dont il faut user en été, afin d'

avoir le corps frais et relâché, la saison étant chaude et sèche et rendant les corps brûlants et arides; conditions que l'on doit combattre par ces précautions. Comme pour le passage de l'hiver au printemps, on se disposera pour celui du printemps à l'été en diminuant les aliments, en augmentant la boisson. De la même façon, on opposera les contraires aux contraires pour aller de l'été à l'hiver. Dans l'automne, on reviendra à une nourriture plus abondante et plus sèche, les plats seront en conséquence, la boisson sera moindre et moins trempée, de façon que l'hiver se passe bien et que l'on puisse user et de boissons peu trempées et peu abondantes, et d'aliments le plus abondants et le plus secs qu'il sera possible ; de la sorte on se portera le mieux et on aura froid le moins; en effet, cette saison est très froide et très humide. Aux individus en bon point, à chair souple, colorés, il importe d'user, la plus grande partie de l'année, d'un régime assez sec ; car leur constitution est humide. Quant aux personnes à complexion dense, grêles, d'un blond tirant sur le rouge ou noir, leur régime doit être assez humide pendant la plus grande partie du temps ; car elles ont le corps sec. Les jeunes gens aussi feront bien d'user d'un régime assez émollient et humide ; car cet âge est sec, et le corps y a de la fermeté. Au contraire les personnes sur le retour se tiendront la plupart du temps à un mode assez

sec, le corps à cette époque de la vie étant humide, relâché et froid. Il faut donc régler le régime suivant l'âge, la saison, l'habitude, le pays et la complexion, en s'opposant respectivement au règne des chaleurs et des froids; c'est de cette façon qu'on se portera le mieux. Quant à la marche, il faut aller vite en hiver, doucement en été, à moins qu'on ne marche à l'ardeur du soleil ; les personnes qui ont de l'embonpoint doivent marcher plus vite; les personnes grêles plus doucement. En été on se baignera beaucoup, moins en hiver ; les personnes grêles se baigneront plus que les personnes d'embonpoint. En hiver, on portera des vêtements nets, en été des vêtements huilés. Les gens gros et tous ceux qui veulent devenir plus minces, doivent faire à jeun toute chose laborieuse, et se mettre à manger encore essoufflés par la fatigue, sans se rafraîchir, et après avoir bu du vin trempé et non très froid ; leurs mets seront apprêtés avec du sésame, des douceurs et autres substances semblables, et ces plats seront gras ; de cette façon on se rassasiera en mangeant le moins; mais en outre on ne fera qu'un repas, on ne prendra pas de bain, on couchera sur un lit dur, on se promènera nu autant qu'on le pourra. Ceux au contraire qui, de minces veulent devenir gros, doivent faire

tout l'opposé de ce que je viens de dire, et n'exécuter à jeun aucune chose laborieuse. Quant aux vomissements et aux clystères, voici comment il faut en user: on se fera vomir pendant les six mois hibernaux; car cet intervalle est plus pituiteux que les autres six mois, et les maladies attaquent la tête et la région située au-dessus du diaphragme. Mais pendant la chaleur, on emploiera les clystères ; car, la saison étant brûlante, le corps devient plus bilieux, des pesanteurs se font sentir aux lombes et aux genoux; il survient des chaleurs, et, dans le ventre des tranchées. Il faut donc rafraîchir le corps et évacuer par le bas, hors des viscères, les humeurs qui se soulèvent. Que les clystères soient, pour les personnes grosses et humides, plus salés et plus ténus, pour les personnes sèches, grêles et faibles, plus gras et plus épais. Les clystères gras et épais se préparent avec le lait, avec l'eau de pois chiches cuits (cicer arietinum, Lin.), et choses semblables; les clystères ténus et salés, avec la saumure, l'eau de mer et autres. Quant au vomissement, voici comment on procédera : les individus gros vomiront à jeun, après avoir couru ou marché rapidement dans le milieu du jour; le vomitif sera une demi-cotyle (0,13 litre) d'hysope (hysopus officinalis, Lin.) pilé dans un choeus (3,24 litres) d'eau ; on boira le tout en y mettant du vinaigre et du sel, de manière

à rendre le breuvage aussi agréable qu'il se peut ; on en prendra d'abord modérément à la fois, puis davantage. Les individus plus grêles et plus faibles doivent vomir après avoir mangé, de cette façon : on prendra un bain chaud, ensuite on avalera une cotyle (0,27 litre) de vin pur ; après quoi on mangera des aliments de toute espèce, sans boire ni en mangeant ni après avoir mangé, mais on attendra le temps nécessaire pour parcourir dix stades (dix-huit cents mètres); alors on boira un mélange de trois vins, astringent, doux et acide ; d'abord le vin sera pur, puis en petite quantité et à de longs intervalles, puis trempé, pris à des intervalles rapprochés et en quantité. Pour celui qui a l'habitude de vomir deux fois par mois, il vaut mieux le faire en deux jours consécutifs que de quinze en quinze jours ; or, on fait tout le contraire. Les individus à qui il est avantageux de revomir les aliments, et ceux chez qui les voies abdominales ne sont pas coulantes, tous ceux-là feront bien de manger plusieurs fois le jour et d'user d'aliments de toute sorte, de mets préparés de toute manière, et de vins de deux et trois espèces ; mais à ceux qui ne vomissent pas les aliments ou qui ont le ventre humide, il conviendra de suivre une pratique opposée. Aux enfants en bas âge on fera prendre des bains chauds prolongés, on donnera le vin trempé et non tout à fait froid, et on donnera un vin qui ne gonfle pas le ventre ni ne cause de flatuosités; on

prend ces précautions pour qu'ils soient moins sujets aux convulsions et qu'ils aient plus d'embonpoint et de couleur. Les femmes doivent user d'un régime assez sec; en effet, les aliments assez secs conviennent mieux à la mollesse des chairs féminines, et la boisson médiocrement trempée vaut mieux pour la matrice et les grossesses. Les gens qui se livrent à la gymnastique doivent en hiver et courir et lutter, en été peu lutter et ne pas courir, mais se promener beaucoup au frais. Ceux que la course fatigue doivent lutter; ceux que la lutte fatigue, courir; c'est ainsi que tout en s'exerçant on peut le plus réchauffer, raffermir et reposer la partie qui se fatigue. Des individus livrés à la gymnastique, ceux qui sont pris de diarrhée et qui ont les selles composées de matières alimentaires et non digérées, réduiront leurs exercices d'un tiers au moins, et leurs aliments de moitié; car évidemment le ventre n'a pas assez de chaleur pour digérer la quantité des aliments. Ces personnes prendront pour nourriture du pain très cuit, émietté dans du vin; la boisson sera aussi peu abondante et aussi peu trempée qu'il se pourra; elles ne se promèneront pas après le manger; pendant ce temps elles ne feront par jour qu'un repas ; de cette façon le ventre aura le plus de chaleur et triomphera des aliments ingérés. Cette espèce de

diarrhée survient surtout chez les individus à chair dense, quand, ainsi constitués, ils sont mis au régime de la viande, car les veines resserrées ne reçoivent pas les aliments introduits; une pareille complexion n'a pas de stabilité, elle tourne rapidement au mal ou au bien, et dans des corps ainsi disposés le summum de vigueur ne persiste que peu de temps. Mais les complexions plus lâches et plus velues s'accommodent davantage du régime de viande, supportent mieux la fatigue, et le summum de la vigueur y est plus durable. Aux personnes qui ont, le lendemain, des régurgitations de matières alimentaires et chez qui, vu que la nourriture n'est pas digérée, les hypochondres se gonflent, il convient de prolonger le sommeil; mais du reste elles s'assujettiront à tous les exercices, boiront du vin pur et en plus grande quantité, et diminueront les aliments pendant ce temps ; car manifestement le ventre est trop faible et trop froid pour digérer la quantité des aliments. Chez ceux qui ressentent des soifs, il faut diminuer les aliments et les fatigues; ils boiront du vin trempé et aussi froid que possible. Dans les cas où il survient des douleurs des viscères à la suite soit d'exercices, soit de toute autre fatigue, il convient de se reposer à jeun, et d'user de la boisson qui, introduite dans le corps en la moindre quantité, fera évacuer le plus d'urine, afin que les veines qui sont dans les viscères ne soient pas distendues par là réplétion ; car c'est de cette façon que naissent les tumeurs et les fièvres. Quand des maladies proviennent

de l'encéphale, la tête est d'abord saisie d'engourdissement, le malade urine fréquemment, et du reste éprouve les accidents de la strangurie; cela dure pendant neuf jours; et s'il s'écoule par les narines ou les oreilles de l'eau ou des mucosités, la maladie se dissipe et la strangurie cesse; il rend sans douleur beaucoup d'urine blanche jusqu'au delà du terme de vingt jours; la douleur de tête s'en va ; mais quand il regarde, la vue est lésée. Il faut que l'homme qui est intelligent, comprenant que la santé est le premier des biens, sache se secourir de son chef dans les maladies.

DE LA NATURE DE L’HOMME.

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1. (Opinion de ceux qui pensent qu’il n’y a qu’une seule substance dans l’univers ; vanité et inconsistance de ce système.) L’auditeur habituel de ceux qui, dissertant sur la nature humaine, vont au delà de ses rapports avec la médecine, n’a aucun intérêt à entendre ce discours que je commence. Je dis en effet que l’homme n’est absolument ni air, ni feu, ni eau, ni terre, ni telle autre substance dont l’existence n’est pas manifeste dans le corps. Mais laissons dire là-dessus ce que l’on veut ; toutefois ceux qui soutiennent de telles opinions ne me paraissent pas avoir des notions positives. Ils ont tous même idée, mais n’arrivent pas au même terme et n’en tiennent pas moins même raisonnement. Ils disent que ce qui est un, étant à la fois l’un et le tout ; mais ils cessent de s’entendre sur les noms : suivant l’un l’air est à la fois l’un et le tout, suivant l’autre c’est le feu, suivant un autre l’eau, suivant un autre la terre, et chacun appuie son raisonnement de témoignages et d’arguments qui sont sans valeur. Or, ayant tous même idée, mais n’arrivant pas au même terme, il est évident qu’ils n’ont pas non plus une notion positive. On s’en convaincrait surtout en assistant à leur controverse ; car lorsque les mêmes argumentants dissertent devant les mêmes auditeurs, jamais le même n’est trois fois de suite victorieux dans son argumentation ;

mais tantôt l’un triomphe, tantôt l’autre, tantôt celui qui se trouve avoir le débit le plus facile devant la foule. Cependant on est en droit d’exiger de celui qui prétend avoir des notions positives sur les choses, qu’il fasse toujours triompher son argumentation, s’il s’appuie sur des réalités et s’il sait s’expliquer. Mais ces gens me semblent, par malhabileté, se réfuter eux-mêmes dans les termes mêmes de leur argumentation, et mettre sur pied le système de Mélissus (voy. note 6).

2. (Extension du système de l’unité de substances à la médecine. Objection : si l’homme était un, il n’y aurait qu’une maladie et qu’un remède.) Au reste, là-dessus je n’en dirai pas davantage. Quand aux médecins, suivant les uns l’homme n’est que sang, suivant les autres que bile, suivant d’autres que pituite ; et eux aussi tiennent tous le même raisonnement. Ils prétendent, en effet, qu’il y a une substance unique (choisie et dénommée arbitrairement par chacun d’eux), et que cette substance unique change d’apparence et de propriété sous l’influence du chaud et du froid, devenant de la sorte douce, amère, blanche, noire, et tout le reste. À mon avis, cela non plus n’est point ainsi. En opposition à ces opinions et à d’autres très-voisines que la plupart soutiennent, moi je dis que, si l’homme était un, jamais il ne souffrirait ; car où serait, pour cet être simple, la cause de souffrance ? Admettant même qu’il souffrît, il faudrait que le remède fût un aussi. Or, les remèdes sont multiples. Il y a, en effet, dans le corps beaucoup de substances qui, s’échauffant et se refroidissant, se dessé

chant et s’humectant l’une l’autre contre nature, produisent des maladies ; d’où il suit qu’il y a beaucoup de formes de maladies et en même temps beaucoup de traitements pour ces formes ; suivant moi, soutenir que l’homme n’est que sang et rien autre chose, oblige à montrer qu’il ne change pas de forme ni ne prend toutes sortes de qualités, et à signaler une époque, soit dans l’année, soit dans l’âge, où le sang seul paraisse existant ; car il faut bien qu’il y ait au moins une époque où cette humeur se fasse voir exclusivement. Mon objection est la même contre ceux qui prétendent que l’homme n’est que bile ou pituite. Quant à moi, les principes que je dirai constituer l’homme et dans le langage habituel et dans la nature, je montrerai qu’ils sont constamment et identiquement les mêmes, et dans la jeunesse, et dans la vieillesse, et dans la saison froide, et dans la chaude ; je donnerai les signes et dévoilerai les nécessités de l’accroissement et de la diminution de chaque principe dans le corps.

3. (La génération prouve que le corps humain n’est pas constitué par une seule substance.) D’abord la génération

ne peut se faire par un seul individu. Comment, en effet, un être unique engendrerait-il, sans s’unir à quelque autre ? De plus, à moins que l’union ne soit d’êtres de même race et de même vertu, la génération ne se fait pas, et notre industrie même ne réussit pas à la procurer. D’autre part, si le chaud avec le froid, et le sec avec l’humide ne se correspondent pas avec modération et égalité, mais si l’un l’emporte de beaucoup sur l’autre, et le plus fort sur le plus faible, la génération ne s’effectue pas. De la sorte, comment pourrait-il y avoir génération par un seul être, puisqu’il n’y en a pas même par l’entremise de plusieurs, à moins qu’il ne se trouve entre eux la correspondance d’un juste tempérament ? Puisque telle est la nature de tous les animaux et de l’homme en particulier, nécessairement l’homme n’est pas un, et chacun des principes qui concourent à la génération garde dans le corps la puissance suivant laquelle il y a concouru ; nécessairement aussi chaque principe retourne à sa nature propre lorsque finit le corps humain, l’humide allant à l’humide, le sec au sec, le chaud au chaud et le froid au froid. Telle est aussi la nature des animaux et de toute chose ; tout naît semblablement, et tout finit semblablement. Car la nature de tout est constituée par la combinaison de ces principes nommés plus haut, et d’après ce qui a été dit, elle y aboutit, retournant là d’où est venu chaque être composé.

4. (Le corps humain est constitué par quatre humeurs, dont le juste tempérament est la condition de la santé.) Le corps de l’homme a en lui sang, pituite, bile jaune et noire ; c’est

là ce qui en constitue la nature et ce qui y crée la maladie et la santé. Il y a essentiellement santé quand ces principes sont dans un juste rapport de crase, de force et de quantité, et que le mélange en est parfait ; il y a maladie quand un de ces principes est soit en défaut soit en excès, ou, s’isolant dans le corps, n’est pas combiné avec tout le reste. Nécessairement, en effet, quand un de ces principes s’isole et cesse de se subordonner, non-seulement le lieu qu’il a quitté s’affecte, mais celui où il s’épanche s’engorge et cause douleur et travail. Si quelque humeur flue hors du corps plus que ne le veut la surabondance, cette évacuation engendre la souffrance. Si, au contraire, c’est en dedans que se font l’évacuation, la métastase, la séparation d’avec les autres humeurs, on a fort à craindre, suivant ce qui a été dit, une double souffrance, savoir au lieu quitté et au lieu engorgé.

5. (Les quatre humeurs sont manifestement distinctes l’une de l’autre.) J’ai promis de démontrer que les principes qui constituent l’homme suivant moi, sont toujours les mêmes, et dans le langage reçu, et dans la nature ; or, je dis que ce sont le sang, la pituite, et la bile jaune et noire. Et d’abord, remarquons-le, dans l’usage ces humeurs ont des noms distincts qui ne se confondent pas ; ensuite, dans la nature, les apparences n’en sont pas moins diverses, et ni la pituite ne res

semble au sang, ni le sang à la bile, ni la bile à la pituite. En effet, quelle similitude y aurait-il entre des substances qui ne présentent ni la même couleur à la vue, ni la même sensation au toucher, n’étant ni chaudes, ni froides, ni sèches, ni humides de la même manière ? Il faut donc, avec une telle dissemblance d’apparence et de propriétés, qu’elles ne soient pas identiques, s’il est vrai que le feu et l’eau ne sont pas une seule et même substance. On peut se convaincre qu’elles ne sont pas en effet identiques, mais que chacune a une vertu et une nature particulière : donnez à un homme un médicament phlegmagogue, il vomit de la pituite : un médicament cholagogue, il vomit de la bile ; de même de la bile noire est évacuée si vous administrez un médicament qui agisse sur la bile noire ; enfin, blessez quelque point du corps de manière à faire une plaie, du sang s’écoulera. Et cela se produira devant vous chaque jour et chaque nuit, l’hiver comme l’été, tant que l’homme pourra attirer en lui le souffle et le renvoyer ; il le pourra jusqu’à ce qu’il soit privé de quelqu’une des choses congénitales. Or, ces principes que j’ai dénommés sont congénitaux. Comment, en effet, ne le seraient-ils pas ? D’abord, l’homme les a évidemment en lui sans interruption tant qu’il vit ; puis il est né d’un être humain les ayant tous, et il a été

nourri dans un être humain les ayant tous aussi, à savoir ces principes qu’ici je nomme et démontre.

6 (Fausses apparences qui ont trompé les partisans de l’unité de composition du corps humain. Voyez au sujet des Superpurgations mortelles ici mentionnées, Ép. v, t. v, p. 199 :) Les partisans de l’unité de l’homme me paraissent être guidés par cette opinion-ci : voyant ceux qui, prenant un médicament évacuant, périssent dans les superpurgations, vomir les uns de la bile, les autres du phlegme, ils ont pensé que l’homme était respectivement constitué par l’humeur que devant leurs yeux il rendait en mourant. Et ceux qui prétendent que l’homme est sang, n’ont pas non plus une autre opinion : voyant le sang couler hors du corps des individus égorgés, ils font de ce liquide l’âme de l’homme. Tels sont les témoignages dont tous se servent dans leurs argumentations. Mais d’abord dans les superpurgations personne jamais n’est mort n’ayant rendu que de la bile ; ce qui arrive alors après l’administration d’un médicament cholagogue, c’est qu’on vomit en premier de la bile ; ensuite de la pituite, puis de la bile noire par la violence du remède, enfin du sang pur. Les mêmes accidents se manifestent avec les médicaments phlegmagogues : on vomit d’abord de la pituite, puis de la bile jaune, puis de la noire, enfin du sang pur, et alors on meurt ; car le médicament, une fois introduit dans le corps, commence par entraîner ce qui y est le plus conforme à sa nature, puis attire et évacue le reste. Les boutures et les graines mises en terre attirent ce qui dans le sol est le plus conforme à la nature de chacune ; le sol contient, en effet, des substances acides, amè

res, douces, salées et de toutes sortes ; parmi tout cela le végétal absorbe en lui ce qui lui est le plus conforme, puis il attire aussi le reste. C’est une action analogue que les médicaments évacuants exercent dans le corps ; les cholagogues évacuent d’abord la bile la plus pure, puis une bile mélangée ; de même les phlegmagogues expulsent d’abord la pituite la plus pure, puis une pituite mélangée ; et chez les individus égorgés le sang coule d’abord le plus chaud et le plus rouge, puis il coule plus pituiteux et plus bilieux.

7. (De la prédominance de chacune des quatre humeurs suivant la saison.) La pituite augmente chez l’homme pendant l’hiver ; car, étant la plus froide de toutes les humeurs du corps, c’est celle qui est la plus conforme à cette saison. Si vous voulez vous convaincre qu’elle est la plus froide, touchez de la pituite, de la bile et du sang, et vous trouverez que la première est plus froide que les deux autres ; cependant elle a beaucoup de viscosité, et après la bile noire c’est l’humeur dont l’expulsion exige le plus de force ; or, ce qui est expulsé avec force s’échauffe par la violence même de l’effort ; et pourtant, malgré toutes ces conditions, la pituite se montre la plus froide en vertu de sa nature propre. L’influence de l’hiver sur l’augmentation de la pituite dans le corps, vous la reconnaîtrez aux signes suivants : c’est dans cette saison qu’on crache et qu’on mouche le plus de pituite et que surviennent de préférence les leucophlegmasies et les autres maladies pituiteuses, Au printemps, la pituite conserve encore de la puissance, et le sang s’accroît ; le froid se relâche, les pluies

arrivent, et le sang prévaut sous l'influence de l'eau qui tombe et des journées qui s'échauffent; ce sont les conditions de l'année qui sont le plus conformes à sa nature, car le printemps est humide et chaud. Faites, en effet, attention à ces circonstances : c'est au printemps et en été qu'il y a surtout des attaques de dysenterie, que des hémorragies se font par les narines et que le corps est rouge et le plus chaud. En été, le sang a encore de la force, mais la bile se met en mouvement dans le corps, et elle se fait sentir jusque dans l'automne. Le sang diminue dans cette dernière saison, qui lui est contraire, mais la bile domine dans le corps en été et en automne; vous en aurez pour preuves les vomissements spontanés de bile qui se font à cette époque, les évacuations éminemment bilieuses que provoquent les cathartiques, et aussi le caractère des fièvres et la coloration de la peau. La pituite est au minimum dans l'été, saison qui, étant sèche et chaude, lui est naturellement contraire. Le sang est au minimum en automne, saison sèche et qui déjà commence à refroidir le corps humain; mais c'est alors que la bile noire surabonde et prédomine. Quand l'hiver revient, d'une part la bile refroidie décroît, d'autre part la pituite augmente derechef par l'abondance des pluies et la longueur des nuits. Donc toutes ces humeurs existent constamment dans le corps humain; seulement elles y sont, par l'influence de la saison actuelle, tantôt en plus grande, tantôt en moindre quantité, chacune selon sa proportion et selon sa nature. L'année ne manque en aucune saison

d'aucun des principes, chaud, froid, sec, humide; nul, en effet, de ces principes ne subsisterait un seul instant sans la totalité des choses existant dans ce monde, et, si un seul venait à faire défaut, tous disparaîtraient; car, en vertu d'une seule et même nécessité, tous sont maintenus et alimentés l'un par l'autre. De même dans l'homme, si manquait une des humeurs congénitales, la vie ne pourrait continuer. Dans l'année règnent tantôt l'hiver, tantôt le printemps, tantôt l'été, tantôt l'automne ; semblablement dans l'homme prévalent tantôt la pituite, tantôt le sang, tantôt la bile, d'abord celle qu'on nomme jaune, puis celle qu'on nomme noire. Vous en avez la preuve la plus manifeste en donnant à la même personne le même évacuant quatre fois dans l'année : en hiver le vomissement est le plus pituiteux, au printemps le plus aqueux, en été le plus bilieux, en automne le plus noir. Les maladies engendrées au printemps, on en attendra la solution à l'automne; les maladies automnales, le printemps en amènera forcément la guérison. Mais pour toutes celles qui

dépasseront ces limites, sachez qu'elles seront annuelles. Le médecin, de son côté, doit traiter les maladies en se souvenant que chacune prévaut dans le corps suivant la saison qui lui est le plus conforme. Outre cette notion, il faut encore être instruit que les maladies dues à la plénitude se guérissent par l'évacuation ; dues à l'évacuation, par la plénitude ; dues à l'exercice, par le repos ; dues à l'oisiveté, par l'exercice. Pour résumer toute notion, le médecin doit combattre le caractère constitutionnel des maladies, des complexions, des âges, et relâcher ce qui est resserré, ainsi que resserrer ce qui est relâché ; de la sorte, la partie souffrante sera le plus en repos; c'est en quoi me paraît surtout consister le traitement. Les maladies proviennent les unes du régime, les autres de l'air, dont l'inspiration nous fait vivre. On distinguera ainsi ces deux séries : quand un grand nombre d'hommes sont saisis en même temps d'une même maladie, la cause en doit être attribuée à ce qui est le plus commun, à ce qui sert le plus à tous ; or, cela, c'est l'air que nous respirons. Évidemment, en effet, on ne peut imputer au régime suivi par chacun de nous une maladie qui attaque

sans interruption tout le monde, les jeunes comme les vieux, les hommes comme les femmes, ceux qui boivent du vin et ceux qui boivent de l'eau, ceux qui mangent de la pâte d'orge et ceux qui mangent du pain, ceux qui font beaucoup d'exercice et ceux qui en font peu. Certes la cause ne gît pas dans le régime, puisque des sujets suivant les régimes les plus divers sont saisis de la même maladie. Mais quand les maladies sont de toutes sortes dans le même temps, manifestement alors elles sont respectivement imputables au régime de chacun ; et il faut diriger le traitement contre la cause, comme je l'ai dit aussi ailleurs, et changer le régime ; car, on le voit, celui que le sujet suit habituellement, lui est mauvais ou complètement ou en grande partie, ou du moins en un point. La chose ainsi déterminée, on fera le changement ; tenant compte de la nature du malade, de son âge, de sa complexion, de la saison de l'année et du caractère de la maladie, on dirigera le traitement ; et tantôt retranchant, tantôt ajoutant, comme il a déjà été dit par moi depuis longtemps, on combattra chacune des conditions de l'âge, de la saison, de la complexion, de la maladie, et par les remèdes et par le régime. Mais au temps où une maladie règne épidémiquement, il est clair que la cause en est non dans le régime, mais dans l'air que nous respirons et qui laisse échapper quelque exhalaison morbifique contenue en lui. Voici les conseils qu'il faut alors donner : ne pas changer

le régime, puisqu'il n'est pour rien dans la maladie, mais réduire le corps au moindre embonpoint et à la plus grande atténuation en diminuant peu à peu la quantité habituelle des aliments et des boissons (peu à peu, car avec un changement subit il y aurait à craindre quelque perturbation dans le corps, et il faut user, en l'atténuant, du régime ordinaire lorsqu'il paraît ne faire aucun mal) ; quant à l'air, faire en sorte que l'inspiration en soit aussi petite et la qualité aussi étrangère que possible, c'est-à–dire d'une part s'éloigner autant qu'on peut, dans le pays, des localités envahies par la maladie, d'autre part atténuer le corps, atténuation qui réduit chez les hommes le besoin d'une forte et fréquente respiration. Les maladies qui naissent de la partie du corps la plus forte, sont les plus fâcheuses. En effet, restent–elles là où elles ont commencé ? nécessairement tout le corps souffre, la partie la plus forte souffrant ; se portent–elles sur une partie plus faible? les solutions deviennent difficiles. Mais elles sont plus aisées quand le mal passe d'une partie plus faible sur une partie plus forte, qui, en vertu de sa force même, consumera aisément les humeurs affluentes.

Les plus grosses veines sont ainsi disposées : il y en a quatre paires dans le corps. L'une de ces paires, partant de derrière la tète, passe par le cou, parcourt en arrière le rachis et arrive à droite et à gauche aux hanches et aux membres inférieurs, puis gagne par les jambes les malléoles externes et les pieds. Il faut donc faire à la partie externe des jarrets et des malléoles les saignées que l'on pratique pour les douleurs du dos et des hanches. Les veines de la seconde paire, nommées jugulaires, viennent de la tête près des oreilles, passent par le cou, longent le rachis en avant des deux côtés, et arrivent le long des lombes aux testicules et aux cuisses, puis par la partie interne des jarrets et par les jambes aux malléoles internes et aux pieds. Il faut donc dans les douleurs des lombes et des testicules faire les saignées au côté interne des jarrets et aux malléoles internes. La troisième paire de veines se rend des tempes par le col aux omoplates, puis se porte au poumon et arrive, celle du côté droit à gauche, celle du côté gauche à droite, celle de droite allant du poumon dans la mamelle, à la rate et au rein, celle de gauche allant du poumon à droite dans la mamelle, au foie et au rein, toutes deux finissant

à l'anus. La quatrième paire va du devant de la tète et des yeux sous le cou et les clavicules, puis d'en haut par les bras au pli du coude, puis par les avant-bras aux carpes et aux doigts, puis des doigts elle remonte par les paumes des mains et les avant-bras au pli du coude, par la partie inférieure des bras aux aisselles, et d'en haut, par les côtes, l'une se rend à la rate, l'autre au foie, toutes deux allant se terminer par le ventre aux parties génitales. Telle est la distribution des grosses veines. Il est aussi des veines venant du ventre qui sont distribuées dans le corps en grand nombre et de toute façon, et par lesquelles la nourriture arrive aux parties. D'autre part les grosses veines en fournissent qui se rendent tant du dedans que du dehors au ventre et au reste du corps, et qui communiquent entre elles les unes de dedans en dehors et les autres de dehors en dedans. C'est donc d'après ces considérations qu'il faut pratiquer les saignées ; mais il faut avoir soin qu'elles soient aussi loin que possible du lieu où les douleurs se font sentir d'habitude et où le sang se rassemble. De cette façon, en effet, il ne se fera pas soudainement un grand changement, et en rompant l'habitude vous empêcherez le sang de continuer à se rassembler dans le même lieu.

Ceux qui crachent beaucoup de pus sans avoir de la fièvre, ceux dont l'urine laisse déposer beaucoup de pus sans qu'il y ait douleur, et ceux dont les selles sont sanguinolentes comme dans les dysenteries et demeurent telles longtemps (l'âge étant de trente-cinq ans et plus), tous ceux-là deviennent malades par la même cause : en effet, nécessairement, ces individus ont mené une vie dure, et ont été gens de travail corporel et de métier pendant leur jeunesse, mais plus tard, délivrés de leurs labeurs, ils ont pris de l'embonpoint dû à une chair molle et bien différente de l'ancienne, et dans leur corps, profondément divisé entre la constitution antécédente et la constitution acquise, il n'y a plus accord. Lors donc qu'une maladie saisit des gens dans une telle disposition, ils en réchappent tout d'abord, mais ensuite le corps se fond à la longue, et une humeur ichoreuse s'écoule par les veines là où elle trouve la voie la plus large. Si le flux se fait dans le ventre inférieur, les selles deviennent à peu près telles que ce que le corps renferme; car, la voie étant déclive, le séjour n'est pas long dans l'intestin. Si le flux se fait dans la poitrine, la purulence s'établit; car, l'évacuation étant à contre-mont, le liquide séjourne longtemps dans le thorax, se corrompt et devient purulent. Si l'éruption se fait dans la vessie, le liquide, par la chaleur du lieu, s'échauffe, blanchit et se sépare : la partie la plus ténue va en haut, la plus épaisse en bas, ce qu'on nomme pus. C'est

aussi par la chaleur de la vessie et de tout le corps que chez les enfants se forment les calculs, formation que le froid du corps prévient chez les adultes. Chez l'homme, en effet, il faut bien le savoir, le maximum de la chaleur est au premier jour de l'existence, le minimum au dernier. De toute nécessité, le corps qui croît et se développe avec effort, est chaud; mais quand il entre sur la pente facile de la décadence, il se refroidit; et en vertu de cette proportion, l'homme, qui, au premier jour, croissant le plus, est le plus chaud, au dernier jour, décroissant le plus, est le plus froid. Les gens dans l'état indiqué plus haut guérissent spontanément, la plupart en quarante-cinq jours à partir du moment où la colliquation a commencé; pour ceux qui dépassent cet intervalle, ils se rétablissent spontanément au bout d'une année, à moins qu'il ne leur survienne quelque mal d'ailleurs. Les maladies dont le temps de préparation est court et dont on connaît bien les causes, sont celles dont le pronostic a le plus de sûreté ; il faut les traiter en s'opposant à la cause; de la sorte se résoudra ce qui détermine la maladie dans le corps. Chez ceux dont l'urine dépose du sable ou des tophus, il y a eu d'abord auprès

de la grosse veine (veine cave) une tumeur qui suppura ; puis, la tumeur ne s'étant pas rompue promptement, il s'est, du sein du pus, engendré des tophus, lesquels sont expulsés par la veine avec l'urine dans la vessie. Quand les urines ne contiennent que du sang, les veines ont souffert. Quand dans une urine épaisse sont rendus de petits filaments de chair comme des cheveux, il faut savoir que cela vient des reins et des affections arthritiques. Quand l'urine est de temps en temps limpide, mais que le liquide contient comme des particules furfuracées, la vessie est affectée de spore. La plupart des fièvres proviennent de la bile ; il y en a quatre espèces, indépendamment de celles qui naissent dans les douleurs à siège distinct; on les nomme synoque, quotidienne, tierce et quarte. La synoque provient de la bile la plus abondante et la plus intempérée, et a les crises dans le temps le plus court ; en effet, le corps, n'ayant aucun intervalle de refroidissement, se fond vite par l'action de la grande chaleur. La quotidienne, après la synoque, est produite par le plus de bile, et cesse plus promptement que les suivantes, mais elle est plus longue que la synoque dans la proportion d'une bile moindre et en raison des intermissions; or, il n'y a point d'intermission dans la synoque. La tierce est plus longue que la quotidienne et provient d'une bile moindre ; autant l'intermission de la première surpasse en durée celle de la seconde, autant

la tierce surpasse en durée la quotidienne. La fièvre quarte suit la même règle ; elle dépasse d'autant plus la tierce en durée, qu'elle a moins de cette bile qui fait la chaleur, et qu'elle a de plus grands intervalles où le corps est frais. C'est la bile noire qui lui donne cet excès de durée et cette ténacité ; l'atrabile, en effet, est, de toutes les humeurs du corps, la plus visqueuse et celle qui se fixe le plus longtemps. Un signe montrant que les fièvres quartes ont un élément atrabilaire, c'est qu'elles sont les plus fréquentes en automne et dans l'âge de vingt-cinq ans à quarante-cinq; or, cet âge est celui où l'atrabile domine surtout, et l'automne est la saison qui en favorise le plus la production. Mais quand on est pris de fièvre quarte hors de cette saison et de cet âge, croyez que la fièvre ne sera pas de durée, à moins qu'il ne survienne quelque mal d'ailleurs.