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Les travaux d’Hercule, ou la rocambole de la fouterie/Autres contes

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AUTRES CONTES.

Certain nigaud, grand faiseur de neuvaines,
Contoit son cas, aux pieds d’un franciscain ;
Puis, quand il eut nombré quelques fredaines,
Il s’accusa qu’une jeune nonain,
L’avoit prié de l’amoureuse affaire.
Le fîtes-vous ? nanni, de par saint Pierre,
Jamais ne fut souillé de tels forfaits.
Dieu d’Israël ! dit le révérend père !
Conduis un peu tel gibier dans mes rets,
Puis tu verras si je n’ose le faire.



Un capucin, ardent et plein de feu,
Dans un bordel, excitoit une nonne
Au jeu d’aimer, mais pour l’amour de dieu,
Gratis s’entend ; non pas dit la friponne,
Laissez-donc, père Zorobabel !
Je vis du con, comme Vous de l’autel.
Tirez de l’or, autrement point d’affaires.
De l’or à nous ! répond le bouc sacré,

Las, par nos vœux nous l’avons abjuré,
Mais je dirai pour vous quatre rosaires.



Le médecin d’un écolier malade,
Recommanda qu’on gardât de son eau ;
On en serra : mais la garde maussade,
L’ayant fait cheoir, à son propre tonneau,
Vîte en retire, et remplit le vaisseau.
Le docteur vient et dit : ce sont eaux claires
De femme grosse ; on ne m’y trompe guères,
La garde rit, le docteur se défend ;
Lors l’écolier : je l’ai bien dit aux pères
Qu’ils me feroient tôt où tard un enfant.



Ah ! Zizi, ma chère merveille !
Sur mon honneur je ne mens pas,
Quand je vous dis que vos appas
Font que jamais je ne sommeille.
Que si malgré tous les propos,
Témoins de mon peu de repos,
Vous croyez que je dissimule ;
Couchez cette nuit avec moi,
Et vous verrez, belle incrédule,
Combien je suis digne de foi.


Des jeunes gens, filles craignez l’abord,
Disoit en chaire, un curé de village.
N’éveillez pas chez eux le chat qui dort,
De peur, chez vous, qu’il ne courre au fromage.
Voyez la vierge, elle qui fut si sage !
Elle ne fut que le tems d’un ave,
Avec un ange honnête et réservé.
Non, qu’elle eut tort et que moins je l’en prise ;
Mais après tout qu’en est-il arrivé ?
Et concepit ! elle-même y fut prise.



Certain novice, auprès d’un Loyoliste,
Se confessoit d’être entiché d’orgueil,
Et cependant le vilain sodomiste,
Au jouvenceau faisant joyeux accueil,
Brûloit tout vif en son sacré fauteuil.
Tant qu’à la fin, sous l’ardente gouttière,
Approchant vîte une des mains du frère,
Et l’inondant : tiens, dit l’humble profès,
Regarde, enfant d’orgueil et de misère,
Ex quo luto, nascentur homines.



Lise, en son lit, lutoit contre la parque,
La faculté la laissoit sans espoir.

L’époux voulut lui donner une marque,
Même en mourant du conjugal devoir.
Lise revint, surpris de la revoir,
Son médecin dit : quel est ce mystère !
Quelle recette ! ah ! que j’ai de regret !
Reprit l’époux : quand je perdis mon père,
De n’avoir pas employé ce secret.



Le frère Luc, ayant mis bas bissac,
Froc et manteau, pour dame de Cussec ;
Bien l’exploitoit au fond d’un cul-de-sac,

Mains sur les tétons, œil contre œil, langue en bec.

Puis, tout-à-coup, Luc, d’un goût un peu grec,
La vire droit, fiche où savez son pic.
Pour l’en ôter, sifflant comme un aspic,
La dame alloit et de taille et d’estoc
Se remuant : sacré froc d’abacuc !
Trop bien allez, lui dit le porte froc,
Mieux qu’un prélat vous traitez frère Luc.



Grand magistrat, qui par ta vigilance,
Des filles de Paris, trouble les plus beaux jours.
En ma faveur laisse agir ta clémence,

Lorsque tout rit, pleurerai-je toujours.
Sur moi jette un regard propice ;
Ne m’oublies point en ces lieux.
Souvent on corrige le vice
En pardonnant aux vicieux.
Mais quand même il seroit possible
Que l’on me revit à Cypris,
Quand je serois incorrigible !…
Qu’est-ce qu’une putain de plus dans un Paris.



Frère Frapart, en un réduit bien clos,
Par un matin, à gentille tourière,
En vrai béat, refait par le repos,
Insinuoit sa cheville ouvrière.
On sonne alors : ah ! contretems maudit !
Foin de la cloche, et de qui la fondit,
S’écrie Agnès, en doublant la croupière.
Le pénaillon, qui plus fort se raidit,
Piquant des deux pour finir sa carrière,
Serre la sœur, et prêt à faire feu :
Parbleu, dit-il, tu t’étonnes de peu,
Laisse sonner et répond du derrière.


Un mousquetaire, aux pieds d’un vieux billette,
Son cas joyeux déduisoit clair et net.
J’ai, dit-il, avec un tendre objet,
Depuis long-tems, une intrigue secrette :
Ce n’est le tout : item, je suis sujet…
A quoi ? voyons : à le faire en levrette.
D’où vient cela, reprit père Ségain ?
C’est que j’y trouve un pouce au moins de gain :
Ah ! mon enfant, dit le saint personnage
Pour ton salut, reviens à l’avant-main ;
L’esprit pervers, avec ce beau ménage,
Ma fourvoyé cent fois de mon chemin.



Bonjour, ma belle mignonne,
Disoit Lucas, l’autre jour ;
Que mon aventure est bonne
De vous trouver de retour :
Ça, permettez-moi, de grace,
De vous rendre un petit soin ;
Il n’est rien qui tant délasse,
Et vous arrivez de loin.
Alix, sans être intriguée,
Répond, grand merci Lucas,

Je ne suis point fatiguée,
Mais mon pauvre âne est bien las.



Aux pieds d’un vieil hermite, un jeune adolescent,

Le carême passé, dit, en se confessant,
Que par un accident sinistre,
Dont il avoit bien du regret,
Il avoit trois fois, en secret,
Baisé la femme d’un ministre.
Alors le bon hermite, homme plein de savoir,
Dit : baiser une femme est un crime bien noir,
Quand c’est celle d’un catholique :
Et que de fois j’en ai frémi !
Mais pour celle d’un hérétique,
Bon ! c’est autant de pris sur l’ennemi.



Jean, quatre mois après sa noce,
Se trouva père : il s’en fâcha.
Au beau-père il le reprocha.
Lequel lui dit : D’un fruit précoce,
Ma femme ainsi me régala :
J’eusse fait du bruit plus que trente :
Par un contrat de mille écus de rente

Mon beau-père me consola ;
Ce même contrat le voilà :
Il doit rester dans la famille,
A votre gendre il conviendra,
Si vous mariez votre fille.



Gage un écu, je mets le double,
Que tu ne me dis pas pourquoi
Toutes les femmes pissent trouble,
Disoit, au médecin le Roi,
Une dame alerte et gaillarde.
Le disciple de Gallien,
Avec surprise, la regarde,
Et ne pouvoit répondre à rien.
Va, ne cherches point, c’est folie,
Mais apprens de moi le secret :
Tonneau percé, près de la lie,
Ne donne point de vin clairet.



Jeune blondine, aimoit jeune garçon,
Mais un vieillard l’obtint en hyménée.
Pour ses écus, et par force menée
Au sacrement ; elle eut longue leçon
Sur ses devoirs. Il falloit voir le prêtre

La sermonner : aimez bien votre maître,
C’est à lui seul que vous joint l’éternel,
Par un saint nœud, par un nœud solemnel,
Un nœud divin, le plus grand nœud du monde.
Elle en pâlit ; encor plus son amant.
Mais en sortant, lui dit tout bas la blonde :
Consoles-toi, ce n’est qu’un nœud coulant.



Un gros manant, maltraitoit fort sa femme,
Après soupé la pauvrette ayant peur
Qu’il n’achevât de lui chanter sa gamme,
Courut d’abord au pacificateur
Et se coucha. L’homme d’humeur sournoise,
Restoit assis sur un banc près du feu,
Tout en chemise, et d’apaiser la noise
Par un baiser, s’embarassoit fort peu.
Survint un chat, qui, comme une furie,
S’alloit jetter sur un met délicat.
L’épouse au guet, par charité, s’écrie :
Batteur de femme ! ah ! prens donc garde au chat.



La femme d’un cavalier
Vivandier,
Par les hussards pillée et sa charrette prise,

Revenoit au camp en chemise.
Comment, morbleu, dit le mari !
Tu n’a donc rien sauvé ? nous voilà sans ressource,
Si fait, dit-elle, mon ami,
J’ai sauvé la tasse et la bourse.
A ce discours le mari radouci :
La bourse ? où l’as-tu donc cachée ?
Où vous savez, dit-elle, la voici.
Et pourquoi reprit-il, t’es tu pas avisée
D’y fourrer les chevaux et la charrette aussi.



Mon cher frère, disoit Julie,
Si tu quittois le jeu que je serois ravie !
Ne le pourras-tu point abandonner un jour ?
Oui, ma sœur, j’en perdrai l’envie
Quand tu ne feras plus l’amour.
Vas, méchant ! tu joueras toute la vie.