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Les trois chercheurs de pistes/16

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Bibliothèque à cinq cents (p. 61-63).

CHAPITRE XVI
LE SERMENT ACCOMPLI

Le vieil éclaireur fit un bond de panthère, et saisissant le sauvage à la gorge, lui enfonça la lame de son couteau jusqu’au manche dans le dos.

Un jet de sang tacheta le feuillage, une contorsion du blessé, et un soupir accompagné d’un son rauque sortant de ses lèvres, puis tout rentra dans le silence.

Le jeune guerrier était bien parti pour « le rivage noir. »

« Vieux Rocher » mit le corps à terre et attendit.

La sentinelle qui restait se dirigea vers la rivière, pensant que son compagnon était allé chercher de l’eau et qu’il lui était arrivé un accident. Une minute après, le corps de ce nouvel Apache était étendu près de l’autre. Les mustangs et les guerriers de « Loup Rouge » n’étaient plus surveillés, car le Caddo avait aussi tué son homme.

« Chat Rampant » revint bientôt avec un magnifique cheval qu’il avait capturé dans le camp, et qu’il destinait à Marion. D’un coup d’œil « Vieux Rocher » vit aussi que Munroe avait réussi, car Marion n’était plus attachée à l’arbre. Alors il retourna à son point de départ et y trouva Munroe, sa femme et le Caddo.

Jusque-là, tout allait bien, mais nos amis n’étaient pas encore hors de danger, et d’un autre côté ils n’avaient pas oublié leur serment de vengeance.

Marion fut placée sur le cheval que « Yeux d’Étoiles » avait donné à Munroe, et reçut ordre de prendre la plaine et de se diriger vers le nord : ses trois compagnons promirent de la rejoindre bientôt.

Quoique tremblante à l’idée du nouveau péril auquel son mari s’exposait, Marion obéit sans hésiter.

Alors nos trois amis songèrent à accomplir leur serment.

Montant en selle, ils allèrent se placer sans bruit sur le côté nord du camp où il y avait un passage pour descendre dans la plaine.

Alors tirant leurs revolvers ils visèrent les sauvages les plus près d’eux.

Tous pressèrent la détente ensemble.

Une détonation formidable, accompagnée de clameurs effroyables, retentit alors dans la nuit et mit tout le camp en émoi. En même temps, une fusillade nourrie succédait à ce premier signal d’attaque.

Les mustangs des sauvages bondirent dans la plaine affolés de terreur.

Les Apaches, réveillés en sursaut et aveuglés par cette grêle de balles, se précipitèrent tous ensemble sur leurs armes, se bousculant et se tuant les uns les autres, au milieu de la décharge des armes à feu et des cris féroces du Caddo et de ses deux compagnons. Les morts et les blessés culbutaient pêle-mêle avec les vivants dans une confusion indescriptible.

Nos amis ne s’enfuirent que lorsque leurs armes furent vides. Ils rejoignirent bientôt Marion, que les détonations d’armes à feu avaient effrayée et qui s’était arrêtée.

Le danger était passé, car les Apaches ne pouvaient se mettre à la poursuite, n’ayant pas de chevaux.

Le Caddo, Munroe et « Chat Rampant » venaient d’accomplir l’acte le plus audacieux et le plus dangereux qui eût encore été tenté sur la frontière.

À trois, ils avaient tué une dizaine d’Apaches, blessé un grand nombre d’autres, et pris tous les mustangs. Et tout cela après l’enlèvement de Marion qui était, à lui seul, un acte héroïque.

Après avoir rejoint la jeune femme, ils se dirigèrent vers l’ouest, emmenant avec eux les mustangs des sauvages qu’ils n’eurent pas de peine à rejoindre.

La bande apache se montra bientôt au sortir du bois ; les sauvages avaient reconnu Munroe, et cette apparition d’un homme qu’ils croyaient mort les remplit de terreur.

Les mustangs capturés furent vendus, et les trois éclaireurs s’en partagèrent l’argent.

La joie de Marion fut, comme on le pense bien immense, en se retrouvant dans les bras de son mari qu’elle avait cru écrasé par les buffles, et lorsque « Yeux d’Étoiles » lui remit son enfant elle pleura de bonheur.

La barbe de « Vieux Rocher » était mouillée de larmes lorsqu’il contemplait ce spectacle.

Ç’a été une affaire à vous donner de la bile, mais je suis maintenant plus malade qu’un loup de prairie après qu’il a trop mangé.

Inutile de dire que Munroe amena sa famille au Fort Mason et ne l’exposa plus sur la frontière.

« Chef Rampant, » « Vieux Rocher » et « Yeux d’Étoiles » reçurent les félicitations qu’ils méritaient des officiers du camp Johnston, avec les remerciements et l’amitié éternelle de la famille Munroe.

Les trois amis ne se séparèrent pas, et plus d’une fois encore ils accomplirent ensemble des prouesses remarquables dans ces plaines de l’Ouest, où le danger et la mort surgissent à chaque pas.

Fin