Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes/Don LORENZO Monaco

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Traduction par Weiss, Charles (18...-19...; commandant).
DORBON-AINÉ (1p. 248-250).
Don LORENZO Monaco
Du couvent degli Angeli, peintre, né vers 1370, mort en 1425 (?)

Je crois qu’une personne qui s’est vouée à la vie religieuse trouvera un grand contentement à se livrer quelquefois à une occupation honorable, telle que les belles-lettres, la musique, la peinture ou bien encore les arts libéraux ou mécaniques qu’on ne saurait blâmer, mais dont on peut tirer utilité et agrément, par exemple au sortir des offices divins. Ajoutons que cette personne sera estimée et recherchée pendant sa vie, et en retirera après sa mort la grande renommée attachée au nom de tous ceux qui ont produit de grandes choses. Enfin, en employant ainsi son temps, elle mènera une vie tranquille à l’abri des tourments, de l’ambition et de l’ennui, qui trop souvent s’attaquent à ceux qui sont oisifs ou ignorants. Et, si elle se trouve en butte aux traits de l’envie, le temps guérira leurs blessures et la postérité révèrera sa mémoire.

Don Lorenzo[1], peintre florentin, fut moine de l’ordre des Camaldules, dans le monastère degli Angeli, fondé en 1294[2] par Fra Guittone d’Arezzo, qui appartenait à l’ordre vulgairement appelé de’Frati Gaudenti. Dès sa jeunesse, Lorenzo s’appliqua avec tant d’ardeur au dessin et à la peinture, qu’il fut depuis compté parmi les meilleurs artistes de son temps. Il suivit la manière de Taddeo Gaddi et de son école, et produisit ses premières œuvres au monastère degli Angeli, où, entre autres choses, il peignit le tableau du maître-autel[3], que l’on voit encore dans cette église, et qui fut terminé en 1413, comme on peut le voir par l’inscription placée au bas du cadre. Il peignit également un Couronnement de la Vierge[4], comme il avait fait pour son tableau degli Angeli, sur un tableau qui était autrefois dans le monastère de San Benedetto, du même ordre des Camaldules, hors de la Porta a Pinti qui fut détruit pendant le siège de 1529 ; il est actuellement dans le premier cloître du monastère degli Angeli, chapelle degli Alberti, à main droite[5]. À la même époque, et peut-être avant, il peignit à Santa Trinità de Florence une fresque et le tableau dans la chapelle degli Ardinghelli, où il représenta au naturel Dante et Pétrarque, et qui fut très loué [6]. À San Pier Maggiore, il peignit la chapelle des Fioravanti[7], ainsi que le tableau d’une chapelle à San Piero Scheraggio[8] et la chapelle des Bartolini, dans l’église de Santa Trinità. On voit aussi de sa main, à San Jacopo sopra Arno, un tableau bien exécuté suivant la manière du temps[9]. Il peignit pareillement, dans la Chartreuse hors de Florence, quelques œuvres témoignant d’une grande pratique, et à San Michele de Pise, monastère de son ordre, quelques tableaux qui sont remarquables[10]. De même à Florence, dans l’église des Romiti, des Camaldules, qui a été détruite en même temps que le monastère, et qui a laissé le nom de Camaldules à cette partie au delà de l’Arno, outre d’autres œuvres, il fit un Christ en croix sur un tableau et un saint Jean, qui furent jugés admirables[11]. Finalement, après avoir souffert plusieurs mois d’un violent abcès, il mourut à l’âge de 55 ans ; ses frères lui donnèrent une sépulture digne de son mérite dans le chapitre de leur couvent[12].

De même qu’une seule souche donne souvent, avec le temps et par l’industrie des hommes, de nombreux rejets, ainsi dans le monastère degli Angeli, où de tout temps les moines s’adonnèrent à la peinture et au dessin, non seulement don Lorenzo, mais d’autres, avant lui, florirent dans les arts du dessin. Nous citerons un certain don Jacopo, Florentin, bien antérieur à don Lorenzo, qui fut le plus habile calligraphe, non seulement de Toscane, mais encore de toute l’Europe, comme le prouvent les vingt livres de chœur de grandes dimensions qu’il laissa dans son couvent[13], qui sont peut-être les plus beaux quant à l’écriture et les plus grands de l’Italie. À cause de ses travaux, le bon Père mérita que sa main droite, qui avait écrit de si beaux livres, fût conservée dans un tabernacle, avec grande vénération, en même temps que celle d’un autre moine, appelé don Silvestro, qui enlumina non moins excellemment les livres que don Jacopo avait écrits[14]. Leurs œuvres datent de l’année 1350 environ. Enfin, le même monastère degli Angeli renferme plusieurs ouvrages de broderie très anciens[15], d’un style riche et d’un beau dessin, exécutés par les anciens moines qui, jusqu’en 1470, conservèrent le nom d’ermites et ne sortirent jamais de leur couvent, comme les sœurs et religieuses cloîtrées de notre temps.



  1. Fils de Giovanni, du quartier San Michele de' Bisdomini, baptisé sous le nom de Pietro. Il fit profession après un an de noviciat, le 10 décembre 1390. Un document de monastère degli Angeli, actuellement aux Archives de Florence, établi à la date du 29 janvier 1414, l'appelle don Lorenzo dipintore da Siena. Le monastère degli Angeli a été supprimé et réuni à l'hôpital contigu de Santa Maria Nuova.
  2. Le 14 janvier 1295.
  3. Couronnement de la Vierge, signé et daté ; aux Offices.
  4. Actuellement dans l’église de la Badia di Cerreto, près de Certaldo.
  5. Tableau non retrouvé.
  6. Les peintures de don Lorenzo à Santa Trinità n’existent plus.
  7. Ibid.
  8. Église supprimée. Le tableau est perdu.
  9. Il en reste trois morceaux dans la sacristie. (Christ en Croix, saint-Jean, la. Vierge).
  10. Qui sont perdus.
  11. Ibid.
  12. Il avait quitté le couvent, dès le commencement du XVe siècle. Nous avons de lui un tableau de 1408 au musée de Cluny.
  13. Aciuellement à la bibliothèque Laurentienne.
  14. Milanesi dit avoir vu ces mains dans la sacristie degli Angeli.
  15. Qui ont disparu depuis.