Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes/Francesco di GIORGIO et Lorenzo VECCHIETTO

La bibliothèque libre.
Traduction par Weiss, Charles (18...-19...; commandant).
DORBON-AINÉ (1p. 417-419).
Francesco di GIORGIO
et Lorenzo VECCHIETTO
Le premier, sculpteur et architecte siennois, né en 1439, mort en 1502 ; le second, sculpteur et peintre siennois, né en 1412 ( ?), mort en 1480


Francesco di Giorgio[1] Siennois, qui fut sculpteur et architecte excellent, est l’auteur des deux Anges en bronze[2], qui sont sur le maître-autel du Dôme de cette cité ; ils sont vraiment d’un beau jet, et il les répara avec tout le soin imaginable. Il put le faire tout à son aise, étant possesseur de la richesse[3] non moins que d’un rare esprit, et il travaillait non par désir du gain, mais pour son plaisir, réussissant ses œuvres assez bien, et pour laisser de lui une glorieuse renommée. Il s’occupa également de peinture, mais avec moins de succès qu’en sculpture[4]. En architecture, il eut beaucoup de jugement, et montra qu’il s’y entendait parfaitement, comme en fait foi le palais[5] qu’il construisit à Urbin, pour le duc Federigo Feltro ; la distribution intérieure est commode et judicieuse, les escaliers sont aussi originaux que bien entendus. Les salles sont grandes et magnifiques, et les appartements particuliers aussi décorés que commodes. En un mot, ce palais, en bonté et en beauté, ne le cède à aucun de ceux qui avait été construits jusqu’alors.

En outre, Francesco était très savant ingénieur, et il appliqua son talent surtout aux machines de guerre, comme il le montra dans une frise du palais d’Urbin, sur laquelle il peignit toutes sortes de choses relatives à la guerre[6]. Il laissa quelques livres pleins de dessins de ce genre : le meilleur appartient au seigneur duc Cosme de Médicis qui le conserve parrai ses choses les plus précieuses[7]. Le duc Federigo Feltro, dont il reproduisit les traits sur des médailles et en peinture, lui prodigua sa faveur, de sorte qu’il revint à Sienne aussi honoré que récompensé. Il fit, pour le pape Pie II, tous les dessins et modèles[8] pour le palais et l’evêché de Pienza, patrie de ce pape, qui en fit une ville et lui donna son nom, en échange de celui de Corsignano. Francesco s’acquitta avec soin de cette entreprise, et dessina la forme et les fortifications de la ville, ainsi que le palais et la loggia du pape. Il passa le reste de sa vie honorablement à Sienne, où il fut promu à la suprême magistrature du Priorat[9]. Il mourut à l’âge de quarante-sept ans[10]; ses œuvres datent de l’an 1480 environ.

Lorenzo, fils de Piero Vecchietto[11], fut également Siennois et sculpteur très estimé. Après avoir exercé avec succès l’état d’orfèvre, il se consacra finalement à la sculpture et à la fonte du bronze ; il s’y appliqua avec tant d’assiduité, qu’étant devenu maître excellent, on lui donna à faire en bronze le tabernacle du maître-autel[12], dans le Dôme de Sienne, avec ces ornements de marbre qu’on y voit encore. Ce travail admirable lui acquit une grande renommée pour les proportions et la grâce qui sont répandues dans toutes ses parties. Il fit aussi, dans une belle coulée de métal, pour la chapelle des peintres siennois, dans le grand hôpital della Scala, un Christ nu tenant la croix[13], de grandeur naturelle. Dans la même maison, dans l’hôtellerie des pèlerins, on voit une peinture de lui[14], et sur la porte de San Giovanni un arc peint à fresque[15]. Comme les fonts baptismaux n’étaient pas encore achevés, il y exécuta quelques figurines en bronze[16], et y mena à bonne fin un bas-relief autrefois commencé par Donatello[17]. À la loggia degli Officiali in Banchi[18], il fit deux Statues en marbre, grandes comme nature, représentant saint Pierre et saint Paul[19], travaillées avec grâce et grande habileté professionnelle. Il était d’humeur mélancolique, ami de la solitude, et se tenait toujours en réflexion, ce qui avança peut-être l’instant de sa mort, car il mourut à l’âge de cinquante-huit ans[20]. Ses productions datent de l’an 1482 environ.


  1. Né le 23 septembre 1489 [livre des Baptêmes], fils de Giorgio Martino, marchand de volailles.
  2. Existent encore, 1497-1499.
  3. Francesco dit le contraire, dans son Traité d’archilecture.
  4. Quelques œuvres subsistent de lui à Sienne.
  5. Fausse attribution ; le palais fut commencé en 1447, sur les dessins de Laurana Dalmata.
  6. Frise sculptée, et non peinte, par Ambrogio Barocci de Milan.
  7. Ces livres ont été publiés ; l’exemplaire de Cosme est peut-être celui conservé à la Bibliothèque Magliabecchiana.
  8. Tous ces travaux sont dus à Bernardo Rossellino, comme le déclare Pie II dans ses commentaires.
  9. En 1485 et en 1493.
  10. Mort en 1502, à l’âge de soixante-trois ans.
  11. Lorenzo di Pietro di Giovanni di Lando, né à Castiglione di Vald’orcia, vers 1412, peintre, orfèvre, sculpteur et architecte.
  12. Existe encore il coûta 1.650 livres. Signé : OPUS. LAURENTII. PETRI. PICTORIS. ALIAS.VECCHIETTA DE SENIS. MCCCCLXXII.
  13. En place, signé et daté 1466.
  14. Une Madone, peinte en 1441, qui n’existe plus.
  15. Représentant les douze Apôtres ; existe encore, peint en 1450.
  16. Attribution incertaine.
  17. Il ne fit que le restaurer en 1478.
  18. Aujourd’hui Casino de’ Nobili.
  19. Existent encore, 1458-1460, signées opvs lavrentii pétri pictoris.
  20. Mort le 6 juin 1480, et enterré à l’Hôpital. Il est inscrit au rôle des peintres siennois en 1428.