Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes/sculp7

La bibliothèque libre.
Traduction par Weiss, Charles (18...-19...; commandant).
DORBON-AINÉ (1p. 62-63).
De la sculpture : chapitre VII


Chapitre VII. — Comment on fait les statues en bois et quel bois est le meilleur.


Celui qui veut qu’une statue en bois puisse être traitée avec perfection, doit d’abord faire un modèle en cire ou en terre, comme nous avons dit. Cette sorte de sculpture a été très en usage dans la religion chrétienne, puisqu’une infinité de maîtres ont produit quantité de crucifix et diverses autres œuvres en bois. De fait, on ne donne jamais au bois cet aspect charnu et moelleux que nous voyons dans les statues en métal, en marbre, en stuc, en cire et en terre. Quoi qu’il en soit, le meilleur de tous les bois que l’on emploie en sculpture est le tilleul. Il a les pores égaux sur toutes ses faces, et il se soumet plus facilement à la lime et au ciseau. Mais comme l’artiste ne peut faire sa statue d’un seul bloc, s’il veut la faire grande, il faut qu’il ajoute des morceaux, soit en hauteur, soit en largeur, suivant la forme qu’il veut donner à sa statue. Pour faire cet assemblage, de manière qu’il tienne, il ne faut pas employer le mastic de menuisier qui ne tiendrait pas, mais de la colle à miroir. On la dissout, et après avoir échauffé les morceaux de bois, on les assemble et on les resserre, non pas avec des clous de fer, mais avec des chevilles du même bois. Cela fait, l’artiste travaille le bloc et le sculpte, en suivant la forme de son modèle. On a vu, de la main des artistes qui font de pareilles sculptures, des œuvres très remarquables en buis, et d’admirables ornements en noyer. Quand ils sont en beau noyer qui soit noir, ils ressemblent à du bronze. Nous avons vu également des noyaux de fruits sculptés, comme de cerises et d’abricots, sortant de la main d’artistes excellents d’Allemagne, et travaillés avec une patience et une finesse extrêmes. Bien que les étrangers n’aient pas cette perfection de dessin dont les Italiens font preuve dans leurs œuvres, ils ont travaillé et ils travaillent encore continuellement, de manière à conduire leurs œuvres à tant de finesse qu’elles excitent l’étonnement général. On peut en voir un exemple dans une statue, ou plutôt une œuvre miraculeuse en bois, due à Maestro Janni, artiste français. Celui-ci, habitant la ville de Florence qu’il avait élue pour patrie, prit si bien la manière italienne, dans les œuvres de dessin, auxquelles il se plut toujours, qu’avec la pratique qu’il avait de travailler le bois, il fit en tilleul une statue de saint Roch, grande comme nature. Il exécuta en fine sculpture les draperies, avec tant de fouillé et de souplesse, il en disposa les plis avec tant d’ampleur qu’on ne saurait voir chose plus belle. La perfection avec laquelle il exécuta pareillement la tête, la barbe, les mains et les jambes de ce saint, lui a valu, et attire encore maintenant des louanges infinies de la part de tout le monde. Bien plus, pour qu’on puisse se rendre entièrement compte de l’excellence de cet artiste, la statue est toujours en place, dans l’édifice della Nunziata de Florence, au-dessous de la chaire[1], sans qu’on l’ait recouverte de couleurs ou de peintures, conservant la teinte du bois avec toute la délicatesse et la perfection que lui donna Maestro Janni, œuvre infiniment plus belle que toutes les statues qu’on ait sculptées en bois.

Qu’il suffise d’avoir brièvement discouru de ce qui concerne la sculpture. Passons à présent à la peinture.

  1. Cette statue est toujours dans l’église de l’Annunziata, sous l’orgue.