Lettre *769, 1680 (Sévigné)

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1680

*769. — DE JEAN-BAPTISTE DE GRIGNAN, COADJUTEUR D’ARLES, À MONSIEUR DE POMPONE[1].

À Arles, le 6e janvier 1680.
Monsieur,

J’étois dans le plus fort d’une très-fâcheuse maladie, dont je ne suis dehors que depuis quelques jours, lorsque j’appris le changement qu’il a plu à la Providence de mettre dans votre fortune. Je puis vous protester, Monsieur, que je fus bien moins touché du danger où j’étois, que de la nouvelle surprenante de ce fâcheux événement. Je sais bien que si on ne le regarde que par rapport à vous, il doit faire moins de peine à vos serviteurs : la force de votre esprit et votre vertu vous mettent au-dessus de ces révolutions, et comme elles ne peuvent diminuer votre mérite, elles ne sauroient aussi troubler votre tranquillité. Mais il faut, s’il vous plaît, Monsieur, que vous permettiez à ceux qui vous sont aussi dévoués que moi d’être affligés pour eux-mêmes ; je le dois être encore comme évêque de vous voir hors d’une place où vous pouviez être et où vous étiez tous les jours si utile à l’Église. Comme mon attachement pour vous, Monsieur, ne tenoit qu’à votre personne et non point à votre fortune, je vous supplie très-humblement de croire qu’il sera éternel et qu’il vous suivra partout. Je n’oublierai jamais les marques de bonté que j’ai reçues de vous, et je serai toute ma vie, avec une égale reconnoissance et avec le même respect et le même abandonnement,

Monsieur,

Votre très-humble et très-obéissant serviteur,
Le coadjuteur d’Arles.

  1. Lettre 769 (revue sur l’autographe). — 1. Voyez plus haut, p. 147 et 148, note 1, la lettre de l’archevêque d’Arles.