Lettre 778, 1680 (Sévigné)

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1680

778. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ ET DE CHARLES DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.

À Paris, vendredi 2e février.

de madame de sévigné.

Vous[1] m’avez trop écrit, ma très-chère ; vous vous laissez tenter à l’envie de causer, et vous abusez ainsi de votre délicate santé ; si j’étois aussi aisée à succomber à l’envie de vous entendre discourir dans vos lettres, ce seroit une belle chose : je m’amuserois au plaisir de vous entendre conter le combat du petit garçon, que vous réduisez en 1680 quatre lignes le plus plaisamment du monde. Vous dites que vous n’êtes pas forte sur la narration : vous avez grand tort, ma fille, on ne peut mieux abréger un récit. Je comprends que vous vous soyez divertie de ce petit garçon, qui croit s’être battu à la rigueur. La sagesse du petit marquis me plaît. Vous me représentez fort bien les divers sentiments de Mlles de Grignan ; j’avois envie de les savoir[2] ; vos prophéties sont bonnes, il faut souhaiter qu’elles ne soient point fausses. Je suis fort aise d’être encore dans le souvenir de Mlles de Grignan. Ce que vous dites de Pauline est incomparable, aussi bien que l’usage que vous faites de votre délicatesse pour éviter les déplaisirs[3] du carnaval. Je n’oublierai jamais la hâte que vous aviez de vous divertir vitement, avalant les jours gras comme une médecine, pour vous trouver promptement dans le repos du carême. Vos personnes qualifiées au pluriel et au singulier vous soulagent beaucoup, et font très-bien leur personnage. Il ne faut pas douter que de vous entendre expliquer tout cela ne soit fort délicieux ; mais cependant, ma fille, je chasse cette tentation par la pensée que rien ne vous est plus mauvais que d’écrire[4], et que vous retomberez dans un moment à la douleur dont vous sortez, qui est tout ce que nous avons au monde à éviter. Je vous conjure donc, ma fille, de ne vous plus jouer à m’écrire autant que la dernière fois, si vous ne voulez que je réduise mes lettres à une demi-page ; car je vous jure, ma chère enfant, que ce soit une vengeance ou non, j’en userai ainsi pour vous faire voir que vous me forcez à rompre tout commerce : voyez si vous 1680 voulez me faire taire dans un temps où il y a tant à parler. J’embrasse[5] M. de Grignan, puisqu’enfin, avec tant de peine et tant d’adresse, vous l’avez obligé à me pardonner ; il ne falloit pas moins d’habileté que vous en avez pour les négociations pour faire cette paix[6], et je le prie, en faveur de cette réconciliation, de prendre soin d’accourcir les lignes que je veux de vous. Il me paroît que vous l’avez trompé, et Montgobert aussi, dans la quantité de celles que vous m’avez écrites ; je vous demande tendrement de n’y plus retourner.

Vos raisonnements sur Mme de Saint-Géran sont bien à propos : il y a trois semaines que Mme de Bury est établie dans la place où vous la croyiez[7]. Madame la Dauphine n’aura point de dames : vous connoissez sa dame d’honneur et ses dames d’atour ; voilà tout. Il y a huit jours qu’elles sont parties avec toute la maison pour Sélestat ; les filles le sont aussi[8] ; elles sont de grandes maisons et naissance[9], sans nulle beauté extraordinaire : Laval[10], 1680 les Birons[11], Tonnerre[12], Rambures[13], et la bonne 1680 dindonnière Montchevreuil[14] à leurs trousses. On laissa la 1680 sixième place à quelque Allemande[15], si Madame la Dauphine en veut amener. Le Roi caresse et traite si tendrement Mme la princesse de Conti, que cela fait plaisir : quand elle entre[16], il la baise et l’embrasse, et cause avec elle ; il ne contraint plus l’inclination qu’il a pour elle ; c’est sa vraie fille, il ne l’appelle[17] plus autrement : tirez toutes vos conséquences.

Elle est toujours des grâces le modèle[18],
et croît beaucoup : elle n’est point surintendante[19]et n’a 1680

point eu cent mille écus de pension[20] ; j’ai sur le cœur ces deux faussetés. Vous devriez lire les gazettes ; elles sont bonnes, et point exagérées, ni flatteuses comme autrefois[21]. Elles vous auront appris un million, cent mille francs de pension, et vingt-cinq mille écus à M. le prince de Conti, cinquante mille écus pour les noces, cent mille francs pour les habits de la princesse. Mais quelle folie de parler[22] d’autre chose que de Mme Voisin et de M. le Sage[23] !


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de charles de sévigné.

Ce u’est pas M. le Sage qui prend la plume, comme vous voyez. Me revoilà enfin, ma belle petite sœur, tout planté à Paris, à côté de maman mignonne, que l’on ne m’accuse point encore d’avoir voulu empoisonner ; et je vous assure que dans le temps qui court, ce n’est pas un petit mérite. Je suis dans les mêmes sentiments pour ma petite sœur ; c’est pourquoi je souhaite ardemment le retour de votre santé ; après celui-là, nous en souhaiterons un autre.

de madame de sévigné.

Vous voyez, si les montagnes ne se rencontrent point, les personnes se rencontrent[24]. Le voilà arrivé, ce fripon de Sévigné. J’avois dessein de le gronder, et j’en aurois[25] tous les sujets du monde ; j’avois préparé même un petit discours raisonné, et que j’avois divisé en dix-sept points, comme la harangue de Vassé ; mais je ne sais comme tout cela s’est brouillé et si bien mêlé, que nous avons tout confondu, sans dire : « Frappe à côté, » comme dit la chanson[26].

On continue toujours à blâmer un peu la sagesse des juges qui a fait tant de bruit, et nommé

1680 scandaleusement de si grands noms pour si peu de chose[27]. M. de Bouillon a demandé permission au Roi de faire imprimer l’interrogatoire de sa femme, pour l’envoyer en Italie et par toute l’Europe, où l’on croiroit que sa femme[28] est une empoisonneuse. La maréchale de la Ferté[29], ravie d’être innocente une fois en sa vie, a voulu à toute force jouir de cette qualité ; et quoiqu’on lui eût mandé[30] de ne point venir si elle ne vouloit, elle le voulut, et cela fut encore plus léger que Mme de Bouillon[31]. Feuquières[32] et 1680 Mme du Roure[33], toujours des peccadilles ; mais voici ce qui est désagréable pour les prisonniers, c’est que la 1680 chambre ne travaillera de vingt jours, soit pour tâcher de se racquitter en trouvant des informations nouvelles, ou en faisant venir[34] de loin des gens accusés, comme par exemple cette Polignac[35], qui a un décret comme la

1680 comtesse de Soissons[36]. Enfin voilà vingt jours de repos, ou de désespoir ; cependant la comtesse de Soissons gagne pays, et fait fort bien : il n’est rien tel que de mettre son crime ou son innocence au grand air.

J’ai[37] eu toutes les peines du monde à découvrir que cette pauvre Bertillac est morte[38], et l’abbé Foucquet[39], et M. Mandat[40], conseiller de la grand’chambre, en un

instant, comme d’un coup de canon, en quittant Corbinelli, qui venoit de le divertir par toutes les nouvelles : c’est la plus subite mort de toutes les morts subites.

Adieu, ma très-bonne et très-chère[41] : je suis toute à vous, avec une tendresse et une sensibilité très-digne de vous.

  1. Lettre 778 (revue en grande partie sur une ancienne copie). — 1. Les deux premiers membres de phrase de cette lettre manquent dans l’édition de 1754, et ce qui suit y est tout différent du texte de 1734 : « Si je succombois aussi aisément à la tentation de vous entendre discourir dans vos lettres, que vous succombez à l’envie de causer, ce seroit une belle chose : je m’amuserois du combat du petit garçon, que vous réduisez en quatre lignes le plus plaisamment du monde ; vous dites que vous n’êtes pas forte sur la narration, et je vous dis, moi, qu’on ne peut mieux abréger un récit. »
  2. 2. Ce membre de phrase, et tout ce qui suit jusqu’à : « Ce que vous dites de Pauline, » n’est que dans la première édition de Perrin (1734).
  3. 3. « Les plaisirs. » (Édition de 1754.)
  4. 4. La phrase s’arrête ici dans le texte de 1754.
  5. 5. « …que je réduise mes lettres à une demi-page, et que j’en use ainsi pour vous faire voir que vous me forcez à rompre tout commerce. J’embrasse, etc. » (Édition de 1754.)
  6. 6. Ce membre de phrase manque dans l’édition de 1754 ; mais ce qui suit, jusqu’à la fin de l’alinéa, n’est pas dans le texte de 1734.
  7. 7. « Où vous croyiez Mme de Saint-Géran. » (Édition de 17S4.)
  8. 8. Le texte de la Haye (1726), qui commence à « Madame la Dauphine, » s’arrête ici pour reprendre à : « Le Roi caresse. »
  9. 9. « Elles sont de grande naissance. » (Éditions de 1734 et de 1754.)
  10. 10. Marie-Louise de Laval, fille de Guy de Laval, marquis de la Plesse, mariée le 20 mai 1683 au duc de Roquelaure, morte à Paris le 12 mars 1735 : « Mlle de Laval, dit Mme de Caylus (tome LXVI, p. 422 et 423), avoit un grand air, une belle taille, un visage agréable, et dansoit parfaitement bien. » On lit dans Saint-Simon (tome V, p. 77 et 78) : « Le Roi, épris de Mlle de Laval, fille d’honneur de Madame la Dauphine, la maria à Biran, fils de Roquelaure, duc à brevet, moyennant un autre brevet de duc pour lui… Le Roi eut toujours de la considération pour Mme de Roquelaure, née aussi plus que personne que j’aie connu pour cheminer dans une10. Marie-Louise de Laval, fille de Guy de Laval, marquis de la Plesse, mariée le 20 mai 1683 au duc de Roquelaure, morte à Paris le 12 mars 1735 : « Mlle de Laval, dit Mme de Caylus (tome LXVI, p. 422 et 423), avoit un grand air, une belle taille, un visage agréable, et dansoit parfaitement bien. » On lit dans Saint-Simon (tome V, p. 77 et 78) : « Le Roi, épris de Mlle de Laval, fille d’honneur de Madame la Dauphine, la maria à Biran, fils de Roquelaure, duc à brevet, moyennant un autre brevet de duc pour lui… Le Roi eut toujours de la considération pour Mme de Roquelaure, née aussi plus que personne que j’aie connu pour cheminer dans une cour… Elle n’apporta pas un écu en mariage, dans une maison fort obérée. Son art et son crédit la rendirent une des plus solidement riches ; mais la beauté heureuse étoit sous Louis XIV la dot des dots. »
  11. 11. Louise et Marie-Madeleine-Agnès, qu’on appelait Mlles de Biron. — Louise de Gontaut, fille du marquis de Biron et d’Elisabeth de Cossé-Brissac, épousa en juillet 1688 Louis de Louet, dit le marquis de Nogaret, qui était fils de Jean-Louis de Louet, marquis de Cauvisson. Son mari fut tué à la bataille de Fleurus, le 1er juillet 1690. En 1696, elle fut nommée dame du palais de la duchesse de Bourgogne. Elle mourut le 14 août 1724, chez les filles de Sainte-Marie du faubourg Saint-Jacques, dans sa soixante et onzième année. « Elle étoit sœur de Biron, dit Saint-Simon (tome I, p. 362), et la maréchale de Villeroi et elle étoient enfants du frère et de la sœur, et en grande liaison. C’étoit une femme de beaucoup d’esprit, de finesse et de délicatesse, sous un air simple et naturel, de la meilleure compagnie du monde, et qui, n’aimant rien, ne laissoit pas d’avoir des amis. Elle n’avoit ni feu ni lieu, ni autre être que la cour, et presque point de subsistance. Laide, grosse, avec une physionomie qui réparoit tout… Elle n’étoit point méchante, et avoit tout ce qu’il falloit pour l’être et pour se faire fort craindre ; mais, avec un très-bon esprit, elle aima mieux se faire aimer. » Voyez aussi Mme de Caylus, tome LXVI, p. 423. — Marie-Madeleine-Agnès fut mariée par le Roi, en septembre 1684, à Joseph-Marie de Lascaris, marquis d’Urfé, enseigne dans les gardes du corps, et qui fut fait à cette occasion menin de Monseigneur. On l’appelait souvent Mlle de Gontaut, pour la distinguer de sa sœur. Elle fut dame d’honneur de la princesse de Conti, fille du Roi. « Mlle de Gontaut, dit Mme de Caylus (tome LXVI, p. 423 et 424), avoit de la beauté, peu d’esprit, mais une si grande douceur et tant d’égalité d’humeur, qu’elle s’est toujours fait aimer et honorer de tous ceux qui l’ont connue. » Son mari était petit-neveu du célèbre romancier Honoré d’Urfé.
  12. 12. Louise, fille de Jacques de Clermont, comte de Tonnerre. « Mlle de Tonnerre n’étoit pas belle, mais bien faite, folle et malheureuse. M. de Rhodes, grand maître des cérémonies, encore plus fou qu’elle dans ce temps-là, en devint amoureux, et fit des extravagances si publiques pour elle, qu’il la fit chasser de la cour. » {Madame de Caylus, tome LXVI, p. 424.) Elle se retira à Port-Royal ; mais Dangeau annonce, à la date du 31 janvier 1686, son mariage avec un gentilhomme du Dauphiné, nommé de Musy, dont la mère était aussi de la maison de Clermont.
  13. 13. Marie-Armande, fille du marquis de Rambures et de Marie Bautru. Elle était sœur du marquis de Rambures, le dernier de sa maison, tué en juillet 1676 (voyez tome IV, p. 549, et note 21). Elle épousa, le 24 avril 1686, Sidoine-Apollinaire-Gaspard-Scipion, marquis de Polignac, celui qui voulut épouser Mlle d’Alerac (voyez la lettre du 1er mars 1684), et elle mourut en 1706. Mme de Caylus (tome LXVI, p. 424) dit de Mlle de Rambures qu’elle « avoit le style de la famille des Nogent, dont étoit Madame sa mère ; vive, hardie, et avec l’esprit qu’il faut pour plaire aux hommes sans être belle. Elle attaqua le Roi, et ne lui déplut pas, c’est-à-dire assez pour lui adresser la parole plutôt qu’à une autre. Elle en voulut ensuite à Monseigneur, et elle réussit dans ce dernier projet ; Madame la Dauphine s’en désespéra, mais elle ne devoit s’en prendre qu’à elle-même et à ses façons d’agir. » Saint-Simon (tome V, p. 197) parle d’elle en ces termes : « Mme de Polignac, seul reste de la maison de Rambures avec Mme de Caderousse sa sœur. Elle avoit été fille d’honneur de Madame la Dauphine, et depuis son mariage, chassée de la cour pour avoir été très-bien avec Monseigneur… Elle s’en consola à Paris, où, avec un mari qui eut toujours pour elle des égards jusqu’au ridicule, et pour qui elle n’en eut jamais le plus léger, elle mena une vie fort libre, et joua tant qu’elle put le plus gros jeu du monde. Elle eut à la fin permission de se montrer à la cour, où elle ne parut que très-rarement et des instants… C’étoit une créature d’esprit et de boutades, qui ne se mettoit en peine de rien que de se divertir, de ne se contraindre sur quoi que ce fût, et de suivre toutes ses fantaisies. Elle joua tant et si bien, qu’elle se ruina sans ressource, et que, ne pouvant plus vivre ni peut-être se montrer à Paris, elle s’en alla au Puy, dans les terres de son mari. La tristesse et l’ennui (quelques-uns l’ont accusée d’un peu d’aide) l’y firent bientôt tomber fort malade. » Ce fut en effet au Puy qu’elle mourut. Voyez encore une note de Saint-Simon au Journal de Dangeau, tome I, p. 428.
  14. 14. « Et la bonne Montchevreuil. » (Éditions de 1734 et de 1754.) — Nous avons parlé plus haut (p. 171, note 13) de la marquise de Montchevreuil, et cité ce que Mme de Caylus dit d’elle dans ses Souvenirs. Son père était Charles Boucher, seigneur d’Orçai conseiller au parlement ; sa mère s’appelait Marguerite de Bourlon ; son mari, le marquis de Montchevreuil, mourut le 2 juin 1706, à l’âge de quatre-vingt-quatre ans. « Montchevreuil, dit Saint-Simon (tome I, p. 37), étoit un fort honnête homme, modeste, brave, mais des plus épais. Sa femme… étoit une grande créature, maigre, jaune, qui rioit niais, et montrait de longues et vilaines dents, dévote à outrance, d’un maintien composé, et à qui il ne manquoit que la baguette pour être une parfaite fée. Sans aucun esprit, elle avoit tellement captivé Mme de Maintenon qu’elle ne voyoit que par ses yeux, et ses yeux ne voyoient jamais que des apparences et la laissoient la dupe de tout. Elle étoit pourtant la surveillante de toutes les femmes de la cour, et de son témoignage dépendoient les distinctions ou les dégoûts, et souvent par enchaînement les fortunes. Tout, jusqu’aux ministres, jusqu’aux filles du Roi, trembloit devant elle ; on ne l’approchoit que difficilement ; un sourire d’elle étoit une faveur qui se comptoit pour beaucoup. Le Roi avoit pour elle une considération la plus marquée. Elle étoit de tous les voyages et toujours avec Mme de Maintenon. » Voyez aussi la lettre de Bussy du 19 novembre 1687.
  15. 15. Mlle de Löwenstein, qui prit possession de sa charge le 10 juin 1684. Voyez Mme de Caylus, tome LXVI, p. 425.
  16. 16. « Quand elle arrive. » (Édition de 1754.) — Deux lignes plus haut, et traite manque dans l’édition de la Haye (1726).
  17. 17. « On ne l’appelle. » (Édition de la Haye, 1726.)
  18. 18. Mme de Sévigné ne pouvait mieux louer les grâces et l’amabilité de la jolie princesse de Conti qu’en lui faisant l’application des vers que la Fontaine avait adressés à Mlle de Sévigné, en lui dédiant la fable du Lion amoureux (livre IV, fable 1) :
    Sévigné, de qui les attraits
    Servent aux Grâces de modèle,
    Et qui naquîtes toute belle,
    A votre indifférence près, etc.

    (Note de l’édition de 1818.) — Voyez la Notice, p. 100.

  19. 19. Tel est le texte des deux éditions de Perrin, qui dans sa seconde (1754) met en note : « (Surintendante) de la maison de la Reine. » Il est difficile d’admettre que le bruit ait couru que la princesse de Conti dût avoir ce titre. La leçon de l’impression de la Haye (1726), qui donne son intendante, au lieu de surintendante, permet de supposer qu’il y a ici quelque altération.
  20. 20. Mme de Sévigné avait parlé plus haut, dans la lettre du 29 décembre précédent (p. 163 et 164), d’un don de cinq cent mille écus d’or. Les renseignements plus exacts qu’elle va donner quelques lignes plus bas sont tirés de la Gazette et du Mercure, qui consacrent au mariage de la princesse de Conti, celle-là les pages 33-35 de l’année 1680, celui-ci les pages 1-88 du numéro de janvier de la même année : « Le Roi, dit la Gazette, a donné à la princesse de Conti le duché de Vaujours, un million d’argent comptant, cent mille francs de pension, et beaucoup de pierreries ; au prince de Conti, cinquante mille écus d’argent comptant, et une pension de vingt-cinq mille écus. »
  21. 21. « Vous devinez les gazettes, et point exagérantes ni flatteuses comme autrefois. » (Édition de la Haye, 1726.) — La phrase suivante ne se trouve que dans l’édition de la Haye et dans notre manuscrit, qui donne : « Elle vous aura appris, etc. »
  22. 22. « Que de parler. » (Édition de la Haye, 1726.)
  23. 23. Adam Cœuvret, dit le Sage, complice de la Voisin, n’était pas prêtre, comme Voltaire le suppose dans le Siècle de Louis XIV. Le Sage ne prend cette qualité dans aucune des pièces du procès. Ces misérables ajoutaient à tous leurs crimes d’horribles profanations, pour lesquelles ils avaient recours à deux prêtres nommés Davot et Guibourg, qui étaient leurs complices. (Note de l’édition de l818.) — Voyez cependant le tome XIII de l’Histoire de France de M. Mïchelet, p. 249 et suivantes. — La reprise de Charles de Sévigné manque dans notre manuscrit et dans l’édition de la Haye (1726) ; mais cette édition place ici son nom d’une façon singulière : « …que de parler d’autre chose que de Mme Voisin, de M. le Sage et de M. de Sévigné ! »
  24. 24. Cette phrase ne se lit qu’au texte de la Haye (1726). L’alinéa tout entier manque dans le manuscrit.
  25. 25. « J’en avois. » (Éditions de 1734 et de 1754.)
  26. 26. « J’avois même (1754 : J’avois même préparé) un petit discours raisonné, et je l’avois divisé en dix-sept points comme la harangue de Vassé ; mais je ne sais comme (1754 : de quelle façon) tout cela s’est brouillé et si bien mêlé de sérieux et de gaieté, que nous avons tout confondu. Tout père frappe à côté, comme dit la chanson. » (Éditions de 1734 et de 1754.) — L’édition de la Haye (1726), au lieu des mots de Vassé ; mais, donne de votre maire.
  27. 27. « Et méme scandale pour si peu de chose. » (La Haye, 1726.)
  28. 28. « Où l’on pourroit croire que Mme de Bouillon est une empoisonneuse. » (Édition de 1754.) — Le texte de la Haye porte : « …en Italie, partie de l’Europe où l’on écrit que sa femme… »
  29. 29. « Mme de L. F. » (Éditions de 1734 et de 1754.)
  30. 30. « Et quoiqu’on lui manda. » (Édition de la Haye, 1726.)
  31. 31. Ce membre de phrase et le suivant manquent dans le texte de la Haye (1726), qui reprend ainsi : « Ce qui est agréable pour les prisonniers, c’est que la chambre ne travaille de vingt jours, pour tâcher de trouver des informations nouvelles. On fera venir, etc.
  32. 32. Antoine de Pas, marquis de Feuquières, fut interrogé le 1er février 1680. Il avait été une fois chez Marie Vandon, femme de Mathurin Vigoureux, tailleur de Mme de Feuquières, sa mère, et il s’était trouvé chez la marquise du Fontet avec M. de Luxembourg, le jour que le Sage y était venu. On lit dans l’Histoire de Montmorency (tome V, p. 56) la manière dont le maréchal présenta cette scène dans ses interrogatoires. Son récit est un peu différent de celui de Mme du Fontet. Interrogée le 28 janvier 1680, elle se renferma dans une dénégation presque absolue, et, le 6 mars suivant, elle déclara « qu’ayant appris que l’instruction que l’on faisoit regardoit le service du Roi… la considération du bien public l’obligeoit de déclarer que M. le duc de Luxembourg et le marquis de Feuquières étant venus chez elle… M. de Feuquières, un moment après, vint lui demander du papier et de l’encre pour écrire un mot… et ledit sieur de Feuquières retourna dans sa grande chambre, où ils écrivirent… Peu de temps après, M. de Luxembourg, M. de Feuquières, et un autre homme nommé du Buisson (nom que prenoit le Sage), montèrent tous trois, avec un laquais qui portoit un réchaud de feu, dans une chambre haute… Ils firent sortir le laquais, ne demeurèrent pas longtemps dans cette chambre, et sortirent ensuite sans parler à Mme du Fontet, et sans qu’elle ait su ce qui s’étoit passé chez elle. » Mme du Fontet ajouta que du Buisson revint chez elle au bout de quelques jours, et fut étonné de ce que ces Messieurs n’étaient pas revenus. Il était mécontent de n’avoir reçu que dix pistoles. Mme du Fontet ayant revu le maréchal peu de jours après, il lui dit que du Buisson était un fripon qui ne savait rien. La marquise du Fontet fit une nouvelle déclaration le 12 mars suivant, de laquelle il résulte que M. de Feuquières lui avait dit que du Buisson ou le Sage était un escroc, qu’il lui avait fait faire une fosse dans laquelle il lui avait fait enterrer de la cire et dix pistoles, lui promettant de lui faire retrouver une chose perdue ; mais qu’étant retourné depuis à cet endroit, il s’était aperçu que l’argent avait été enlevé. M. de Feuquières lui raconta ensuite la mystification des billets brûiés, à peu près de la même manière qu’on la lit dans Desormeaux. (Interrogatoire et déclarations de Marie de la Marck, femme du marquis du Fontet… Manuscrits de PArsenal.)(No ! e de l’édition de 18l8.) — « Le marquis de Feuquières étoit un homme de qualité, dit Saint-Simon (tome III, p. 381 et 382), d’infiniment d’esprit et fort orné, d’une grande valeur, et à qui personne ne disputoit les premiers talents pour la guerre, mais le plus méchant homme qui fût sous le ciel, qui se plaisoit au mal pour le mal, et à perdre d’honneur qui il pouvoit, même sans aucun profit… Les mémoires qu’il a laissés, et qui disent avec art tout le mal qu’il peut de tous ceux avec qui et surtout sous qui il a servi, sont peut-être le plus excellent ouvrage qui puisse former un grand capitaine, et d’autant plus d’usage qu’ils instruisent par les examens et les exemples, et font beaucoup regretter que tant de capacité, de talents, de réflexions, se soient trouvés unis à un cœur aussi corrompu et à une aussi méchante âme, qui les ont tous rendus inutiles par leur perversité. Il avoit épousé l’héritière d’Hocquincourt, qui la devint par l’événement. Il acheva sa vie abandonné, abhorré, obscur et pauvre. Son fils unique mourut sans enfants, sa fille fut misérablement mariée. » — Voyez tome IV, p. 44, note 1 ; voyez encore, sur lui et sur sa famille, Saint-Simon, tome IX, p. 43 et 44. Son frère puîné, François, dont il a été question p. 9 de ce volume, prit le nom de comte de Rebenac par son mariage avec l’héritière de cette maison en Béarn, et fut lieutenant général de Navarre et de Béarn, ambassadeur extraordinaire en Espagne à la place de son père (Isaac, mort le 6 mars 1688), puis en Savoie ; il mourut dans sa quarante-cinquième année, le 22 juin 1694.
  33. 33. Claude-Marie du Gast d’Artigny, femme (en 1666) de Louis- Pierre-Scipion de Grimoard de Beauvoir de Monûaur, comte du Roure, cousin du duc de Créquy, avait été accusée par la Voisin d’être venue chez elle lui demander les moyens de se faire aimer du Roi, et de faire mourir Mme de la Vallière. Elle fut confrontée avec la Voisin le 16 février 1680, à Vincennes, mais n’en fut pas reconnue. La Voisin déclara qu’il y avait quatorze ans environ que cela s’était passé. {Procès-verbal de confrontation.) (Note de l’édition de 1818.) — C’était, dit Saint-Simon, qui donne beaucoup de détails sur sa famille et sur son mariage (tome XVII, p. 470 et 471), « une intrigante de beaucoup d’esprit et que la faveur de Mlle de la Vallière avoit accoutumée à beaucoup de hauteur. Elle se trouva mêlée dans beaucoup de choses avec la comtesse de Soissons, qui les firent chasser de la cour, puis avec la même dans les dépositions de la Voisin… Elle en fut quitte pour l’exil en Languedoc, où elle a passé le reste de sa vie, excepté un voyage de peu de mois qu’elle obtint de faire à Paris quelques années avant sa mort. On la craignoit partout. Elle vivoit d’ordinaire dans un château, et son mari dans un autre. » — Mme du Roure et son mari, lieutenant général pour le Roi en Languedoc, gouverneur du Pont-Saint-Esprit, avaient signé au contrat du comte de Grignan. Voyez la Notice, p. 329.
  34. 34. « …en faisant des informations nouvelles, soit en faisant venir, etc. » (Édition de 1754.)
  35. 35. Jacqueline, fille de Scipion de Grimoard de Beauvoir de Montlaur, comte du Roure, morte le 7 novembre 1711, à l’âge de quatre-vingts ans, troisième femme de Louis-Armand, vicomte de Polignac, gouverneur de la ville du Puy en Velay, chevalier des ordres en 1661, qui mourut le 3 septembre 1692. Ils avaient l’un et l’autre signé au contrat du comte de Grignan. Voyez la Notice, p. 329. Elle était sœur du comte du Roure dont il est question plus haut (note 33), et fut la mère. du mari de Mlle de Rambures et du cardinal de Polignac. « C’étoit, dit Saint-Simon (tome XVIII, p. 209), une grande femme, qui avoit été belle et bien faite, sentant fort sa grande dame, qu’elle étoit fort dans le grand monde dans son temps. Beaucoup d’esprit, encore plus d’intrigue, fort mêlée avec la comtesse de Soissons et Mme de Bouillon dans l’affaire de la Voisin, dont elle eut grand’peine à se tirer, et en fut exilée au Puy et en Languedoc, d’où elle ne revint qu’après la mort du Roi. » — « Cette Mme de Polignac, dit ailleurs Saint-Simon (addition au Journal de Dangeau, tome I, p. 305), étoit une maîtresse femme de grande intrigue et de fâcheuses affaires ; son mari, un honnête homme, chevalier de l’ordre. Elle étoit aussi très-galante. »
  36. 36. « Contre la comtesse de Soissons. » (Édition de la Haye, 1726.) — « Ainsi que la comtesse de S. » (Édition de 1754.) Il paraît qu’on accusait aussi la comtesse de Soissons d’avoir empoisonné son mari (mort le 7 juin 1673). Rivière écrivait à Bussy, le 5 février 1680, que Mme de Soissons n’avait pas pris le parti d’une innocente ; mais il s’étonne qu’elle ait pu faire mourir un homme qui lui laissait tant de liberté. — De tout ce qui suit, le texte de la Haye ne donne plus que la phrase qui termine la lettre.
  37. 37. Cet alinéa n’est en entier que dans notre manuscrit. L’édition de 1734 ne le donne pas ; celle de 1754 finit aux mots : « est morte. »
  38. 38. Voyez ci-dessus, p. 211 et 212.
  39. 39. Frère du surintendant et de l’évéque d’Agde. Voyez tome I, p. 406, notes 3 et 4. — L’abbé Foucquet, comme ou le voit par la Correspondance de Bussy (tome V, p. 41 et 50), a dû mourir dans les derniers jours de janvier. Bussy écrit le 23 janvier à la Rivière : « L’abbé Foucquet est à l’extrémité. Je dînai hier avec Villiers chez le premier président, qui me dit qu’il l’avoit vu la veille, et qu’il ressembloit à un squelette. Il ne laissera de vacant que l’abbaye de Barbeaux ; il a remis à ses neveux les autres petits bénéfices qu’il avoit. » — « Il étoit, dit le Mercure de février, en annonçant sa mort (p. 272 et 273), abbé dé Barbeaux en Bourgogne et de Rigny dans le diocèse de Tours. Il avoit outre cela un prieuré dans l’île de France et vingt-cinq mille livres de pension sur l’archevêché de Narbonne… Il portoit le cordon bleu, parce qu’il avoit été chancelier des ordres du Roi, et qu’en ce temps-là le cordon demeuroit à ceux qui avoient possédé des charges dans l’ordre, quoiqu’ils s’en fussent défaits. »
  40. 40. Mandat, conseiller d’État, l’un des ancêtres de celui qui périt au 10 août 1792, avait épousé Catherine Lioni, d’une famille noble de Florence, alliée à celle de Corbinelli. (Note de l’édition de 1818, à la lettre du 6 mars 1680.)
  41. 41. « Adieu, ma très-chère. » (Édition de 1734.)