Lettre de monsieur de Vendosme au Roy (De Vendôme)
SIRE, Ayant tenu depuis l’aduenement de voſtre Majeſté à la Couronne, toutes mes actions en vne profonde innocence, & neant-moins eſprouué vn traictement bien eſloigné de celuy que ie deuois attendre : mes maux à la longue m’ont faict venir la parole, pour la ſupplier tres-humblement d’y faire apporter du remede. Paſſant par deſſus les anciens pour venir aux plus recens, vous ſçauez, Sire, le commandement que la Royne me fiſt au mois de Ianuier dernier en voſtre preſence, de ne partir point de la Cour, pour quelque cauſe que ce fuſt, iuſques à ce que i’en euſſe la permiſſion, encore que ce fuſt à la ruine de mes affaires domeſtiques, qui demandoient dés ce temps la vn ordre tres-prompt. Ie ne laiſſay pas neant-moins d’obeyr : dix-huict iours apres ſans eſtre conuaincu d’auoir eſſayé de me departir de l’obeyſſance, me repoſant ſur le teſmoignage d’vne droicte conſcience, & ſur la ſeureté où ie croyois eſtre en Cour, ie fus fait priſonnier, & gardé en la ſorte que voſtre Majeſté a ſceu : neuf iours apres Dieu me traictant ſelon la pureté qu’il auoit touſiours veu en mes intentions, me miſt en liberté, & au lieu de m’inſpirer vne retraicte courte & aiſee, m’en conſeilla vne tres lõgue & impoſſible, s’il ne m’euſt conduit par la main, pour me rendre dans mes maiſons, & me faire par ce moyen euiter le blaſme que voſtre Majeſté m’euſt peu donner ſi ie me fuſſe retiré ailleurs. Ceſte procedure, Sire, me ſembloit propre à procurer la paix à celuy qui monſtroit ſi clairement ne reſpirer autre choſe. Ie ſuis bien eſloigné de la iouyſſance d’vn ſi reglé deſir, ie n’ay pas eſté pluſtoſt icy que i’ay ſceu premierement, que Nantes, depuis que toute la prouince eſtoit en armes contre moy, les bruits encores n’euſſent pas eu la force d’eſmouuoir ma creance ; mais eſtant tombé entre mes mains deux domeſtiques de Monſieur de Montbazon, ie les ay trouuez ſaiſis d’vne commiſſion & de deux lettres de cachet, pour me depoſſeder du gouuernement du Comté de Nantes, & transferer ma charge audit ſieur de Montbazon. Si i’ay deu conceuoir de là une douleur plus ſenſible que la mort meſme, voſtre Majeſté le peut iuger, d’autant plus que la Commiſſion m’a appris que le meſme mal m’eſtoit fait en tout le reſte de mon gouuernement où, i’ay ſçeu d’ailleurs que les autres Lieutenans eſtoient preſts à ſe rendre chacun d’eux auec ma deſpouille en ſon departement. En Cour, quand i’ay deſiré d’en partir pour mes affaires d’omeſtiques, on me l’a deffendu. Ayãt deffere à la deffence, on m’a fait priſonnier, Dieu m’ayant eſlargy & rendu en ma maiſon, ſa bonté eſt deuenu crime pour moy, on m’a deſpouillé de mon gouuernement. Ce n’eſt pas encores aſſez on à armé contre moy, ie ne ſuis plus aſſeuré en aucun lieu, Sire : jamais perſonne n’eut tant d’occaſion de demander iuſtice à ſon Roy. Releuez moy i’en supplie tres humblement voſtre Majeſté, de toutes ſes afflictiõs, i’ay innocemment et vtilement ſeruy, ie ne dois donc pas eſtre deſpouillé de ma charge, ie ſuis en eſtat paisible. Il n’eſt par conſequent aucun beſoin d’armer la prouince contre moy. Par ma naiſſance & par tant d’autres grands reſpects ie ſuis plus attache au ſeruice de voſtre Majeſté qu’aucun du Royaume, cela doit faire mieux iuger de moy que de ceux en qui on prẽd icy toute confiance, ie tiens du feu Roy voſtre pere, mon honneur, mes biẽs & tout ce que i’ay eu en ce mõde, il eſt viuant en voſtre perſonne, ie ſuis bien fõdé à vous ſupplier de me vouloir traitter comme il m’a traitté, outre la reputation de Iuſtice que voſtre Majeſté en remportera. Voſtre Prouince de bretaigne ſera remiſe en paix la conſequence s’en pourra eſtendre plus loing, & moy en eſtat de vous pouuoir ſeruir de la vie & des biens aux occaſions, ou i’auray l’honneur, d’eſtre employé, que i’attendray auec pacience, & les executeray auec la fidélité,
À Ancenis ce premier jour de Mars, 1614.