Lettres à Herzen et Ogareff/À Herzen (18-10-1869)

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Lettres à Herzen et Ogareff
Lettre de Bakounine à Herzen - 18 octobre 1869



LETTRE DE BAKOUNINE À HERZEN


18 octobre 1869. Chemin vieux Billard, 40,
chez M. Damas (Genève).


Cher Herzen,


J’envoie par Ozeroff à mon ami Aristide Rey, le commencement de mon manuscrit, d’un bouquin, si tu veux, avec différents appendices, portant ce titre retentissant : « Profession de foi d’un démocrate socialiste russe, précédée d’une étude sur les Juifs allemands. »

Le premier chapitre est déjà fait ; le deuxième, le troisième et le quatrième sont sur le point d’être finis et tout marchera comme sur des roulettes.

Le premier chapitre, qui est une polémique contre les Juifs allemands te paraîtra, peut-être, trop cru et d’une extrême grossièreté. Je t’autorise à y faire quelques retouches, quant à la forme bien entendu, mais sans apporter le moindre changement dans la substance ; tu peux, par ci, par là, adoucir un peu les expressions trop fortes ou y ajouter du sel où il n’y en a pas suffisamment — tu en as de ce sel athénien, en doses plus fortes que moi — et je suis persuadé que mes Juifs ne s’en trouveront pas très bien. Les autres chapitres auront plus de sérieux. Ils présenteront une sorte de mémoire, ou plutôt un rapport sur le mouvement révolutionnaire pendant ces dernières six années. Quant à l’esprit même de mon œuvre, il doit rester tout aussi violent, sans être aucunement atténué dans la forme. Tu sais bien que c’est dans ma nature et comment veux-tu refaire le naturel ? J’ai vécu et je mourrai comme le général Costinski.

Voici de quoi il s’agit : ton ami Rolin me fait espérer que l’éditeur Dentu se chargerait avec plaisir de l’édition de ce livre et qu’il me donnerait même quelque avance.

J’ai exposé tout cela à Rey et je l’ai prié de se rendre de ma part chez toi, en compagnie d’Ozeroff, pour discuter cette question ensemble. Mets-y ta main, Herzen, et viens-moi en aide, par ton conseil. Rey te plaira, c’est un garçon intelligent et loyal. Guide-le donc dans cette affaire et donne-lui un bon avis.

Samedi prochain je pars d’ici, directement pour Lugano, où je resterai au moins tout l’hiver. Réponds-moi donc à Lugano, poste restante, ou par Ogareff.


Ton M. Bakounine.


Nota. — Il paraît que rien n’a été publié du volume dont il est question dans cette lettre (Drag.).