28 décembre 1848.
Je reconnais votre bonté et celle de M. Schwabe à l’insistance que vous mettez à m’attirer une seconde fois sous le toit hospitalier de Crumpsall-house. Croyez que je n’ai pas besoin d’autres excitations que celles de mon cœur, alors même que vous ne m’offririez pas en perspective le bonheur de serrer la main à Cobden et d’entendre la grande artiste Jenny Lind. Mais vraiment Manchester est trop loin. Ceci n’est peut-être pas très galant pour un Français ; mais à mon âge on peut bien parler raison. Acceptez au moins l’expression de ma vive reconnaissance.
Est-ce que mademoiselle Jenny Lind a conçu de la haine pour ma chère patrie ? D’après ce que vous me dites, son cœur doit être étranger à ce vilain sentiment. Oh ! qu’elle vienne donc à Paris ! Elle y sera environnée d’hommages et d’enthousiasme. Qu’elle vienne jeter un rayon de joie sur cette ville désolée, si passionnée pour tout ce qui est généreux et beau ! Je suis sûr que Jenny Lind nous fera oublier nos discordes civiles. Si j’osais dire toute ma pensée, j’entrevois pour elle la plus belle palme à cueillir. Elle pourrait arranger les choses de manière à rapporter, sinon beaucoup d’argent, au moins le plus doux souvenir de sa vie. Ne paraître à Paris que dans deux concerts et choisir elle-même les bienfaits à répandre. Quelle pure gloire et quelle noble manière de se venger, s’il est vrai, comme on le dit, qu’elle y a été méconnue ! Voyez, bonne madame Schwabe, à prendre la grande cantatrice par cette corde du cœur. Je réponds du succès sur ma tête.
Nous touchons à une nouvelle année. Je fais des vœux pour qu’elle répande la joie et la prospérité sur vous et sur tout ce qui vous entoure.