Lettres à Mademoiselle Jodin/12

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Lettres à Mademoiselle Jodin
Lettres à Mademoiselle Jodin, Texte établi par J. Assézat et M. TourneuxGarnierŒuvres complètes de Diderot, XIX (p. 401-402).


XII

À LA MÊME,
À SALTZ-VEDEL, PRÈS MAGDEBOURG.
16 juillet 1768.

Vous avez écrit à madame votre mère une lettre aussi dure que peu méritée. Elle a gagné son procès. La Brunet ne me paraît pas une femme trop équitable. J’ai touché la pension sur le roi. J’ai reçu deux lettres de change de M. Fischer, l’une de 1,373 livres 18 sous 6 deniers sur MM. Tourton et Baure : elle est acceptée et sera payée le 9 du mois prochain ; l’autre de 2,376 livres 1 sou 6 deniers sur M. de Van-Eycken qui est payée. Ces deux sommes font celle de 3,750 livres qui répondent à mille écus de Saxe. Je ferai faire votre bracelet par un M. Belle, de mes amis, dont je réponds pour le travail et pour la probité. Mais de deux choses l’une, c’est que le portrait est de beaucoup trop grand et qu’il en faudra supprimer presque jusqu’au chapeau, ce qui ne nuira à rien ; l’autre, c’est que l’entourage du portrait et celui du chiffre seront bien mesquins en n’y mettant que cent louis. L’artiste, qui ne demande ni à vendre ni à gagner, prétend que, pour que ces bracelets soient honnêtes, il y faut consacrer 3,000 livres ou 1,000 écus. En ce cas, voyez ce que vous avez à faire. Faites-moi réponse là-dessus, et présentez mon respect à M, le comte. Tâchez, pour Dieu, de ne faire aucune folie ni l’un ni l’autre, si vous ne voulez pas en être châtiés l’un par l’autre. Aimez-vous paisiblement, et ne pervertissez pas la nature et la fin d’une passion qui est moins précieuse par les plaisirs qu’elle nous donne que par les maux dont elle nous console. Si vous vous déterminez à dépenser 1,000 écus à vos bracelets, il me restera 750 livres dont je disposerai comme il vous plaira. Soyez bien aimable, bien douce surtout et bien honnête. Tout cela se tient. Si vous négligez une de ces qualités, il sera difficile que vous ayez bien les deux autres.