Lettres à la princesse/Lettre125

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Lettres à la princesse, Texte établi par Jules TroubatMichel Lévy frères, éditeurs (p. 177-179).

CXXV


Ce dimanche.
Princesse,

J’ai rempli votre commission de bienfaisance, dès le lendemain de mon Saint-Gratien. L’homme est venu pendant mon dîner, et je n’ai pu que lui dire deux mots : j’ai reçu de lui le lendemain une lettre que je tiens à vous montrer, parce qu’elle exprime des sentiments qui lui font honneur. Il n’a pu se retenir de remercier Votre Altesse, et vous voudrez bien pardonner ce remercîment ému, qui n’est que de ricochet. Vous le savez, Princesse : le complément et le couronnement de la bienfaisance est de ne pas tout à fait se soustraire à la reconnaissance de l’obligé. — Je porterai les deux dernières lettres de ce pauvre repentant et reconnaissant, mercredi, à Saint-Gratien.

Vous aurez peut-être lu la dernière circulaire de M. de L… sur la presse en province. Il a là fort à faire. Il y a un désordre infini. L’indulgence l’accroît, de même que la répression l’irrite. Cette nation n’est pas raisonnable. Les mêmes hommes qui seraient les plus attrapés du monde si l’on allait là où ils nous poussent, et qui y ont été attrapés déjà, recommencent le même jeu : ces imprudences semblent incurables chez nous. Nous nous payons de mots. Quand un mot d’ordre est trouvé et qu’il résonne assez bien à l’oreille et à l’imagination, chacun le répète, et cela devient un cri qu’on dit celui de la nation et de l’opinion. Peuple léger, peu sûr que le nôtre, et qui n’est qu’agréable. — Je m’aperçois, Princesse, que c’est dimanche et que, si je ne m’arrête, je vais faire une homélie.

Je mets à vos pieds, Princesse, l’hommage de mon tendre et respectueux attachement.