Lettres à la princesse/Lettre236

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Lettres à la princesse, Texte établi par Jules TroubatMichel Lévy frères, éditeurs (p. 324-325).


CCXXXVI

Ce 8 janvier 1868.
Princesse,

J’attendais pour écrire moi-même ; malgré un mieux que je sens, la fatigue est prompte encore. — Le beau fauteuil a été monté hier et sans escalade : Mon tapissier a trouvé le joint ; mais ce n’est qu’aujourd’hui que j’en prendrai possession. Il sera moins encore fauteuil de malade que fauteuil de travail, car j’espère travailler encore.

J’ai reçu du pauvre aveugle des Quinze-Vingts une lettre de remercîment pour la Princesse ; ce sera la prochaine fois à M. Camille Doucet que nous le recommanderons.

Je me fais beaucoup lire à tort et à travers. Il y a parfois des choses assez amusantes dans ce torrent d’encre de chaque jour.

Le philosophe que je voudrais vous offrir, Princesse, n’est rien moins que Sénèque. Il n’était pas prêt. Je crois qu’il est un peu de ceux qui disent que la douleur n’est pas un mal. Je fais mon possible pour le croire.

Il m’est survenu, depuis ces jours derniers, un assez grave souci. Le secret n’étant pas mien, j’ai dû le garder[1].

J’ai vu hier Claude Bernard, à qui je me suis confessé comme à un médecin excellent. Il m’a paru content.

Je mets à vos pieds, Princesse, l’hommage de mon tendre et inviolable attachement.

  1. Le prince Napoléon avait adressé, sous forme de lettre, à M. Sainte-Beuve, un mémoire sur l’expédition romaine d’octobre 1867 et l’affaire de Mentana, qui devait paraître dans le journal le Siècle, précédé d’une lettre d’envoi de M. Sainte-Beuve à M. Havin. La publication en fut interdite au journal au moment même où le numéro allait être mis sous presse.