Lettres à sa marraine/31 janvier 1918

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Gallimard (p. 82-83).


31 janvier 1918
hôpital
complémentaire
du val-de-grâce
n°11


Ma chère amie, je suis au lit depuis plus d’un mois : une pleuro-pneumonie m’y a couché. Je vais mieux et j’attends avec impatience qu’on me laisse me lever. Je vous eusse écrit plus souvent si j’avais eu votre adresse que vous m’aviez donnée et qui n’était pas, je crois, située à Montpellier.

Labor improbus… C’est pourquoi il ne faut point vous décourager en apprenant qu’à cause des difficultés papetières et typographiques, l’Almanach des Lettres et des Arts n’a pas paru cette année. Jean de Gourmont garde votre poème pour l’an prochain si les difficultés sont moins grandes que cette année.

Vous avez eu raison de publier des poèmes dans les revues provinciales. J’ai parlé de votre talent poétique à M. Crouzet directeur de la « Grande Revue ». Il attend de vos vers et vous avez les plus grandes chances qu’il en publie si vous suivez exactement mes conseils. Envoyez-lui, en lui rappelant que je lui ai parlé de vous, une vingtaine de poèmes. Il est absolument nécessaire qu’ils aient trait à la guerre ou du moins qu’ils s’y rattachent. C’est ainsi que le sonnet sur mon casque conviendrait parfaitement à « La Grande Revue » ainsi que le quatrain talisman.

Après cela qu’Apollon vous favorise, Guillaume Apollinaire a fait ce qu’il a pu. Il est absolument regrettable que vous ayez adopté un pseudonyme masculin. C’est du moins mon sentiment.

Je vous souhaite bon an et vous baise la main.

Guillaume Apollinaire.