Lettres à une inconnue/115

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(1p. 267-269).

CXV

Paris, 3 septembre 1846.

Je m’étais figuré, tant j’étais de mon village, que vous préféreriez une ou deux promenades avec moi à huit jours de white bait ; mais, puisque vous n’êtes pas de cet avis, votre volonté soit faite ! Je n’ai pas même le courage de ne pas vous écrire, ce que je m’étais promis, et ce que je devrais faire si j’étais moins bête. Mon voyage de Cologne est un peu désorganisé depuis deux jours. Un de mes compagnons de route me manque de parole, un autre ne pourra peut-être pas. En sorte que je cours grand risque de me trouver seul sur le Rhin bleu. Ce sera un petit malheur. Mais je ne sais plus si je repasserai par ici. Ainsi, nous courons grand risque, je veux dire que je cours grand risque de ne nous revoir qu’en novembre. À vous la responsabilité. Je sais que vous la porterez légèrement. Je ne me mettrai pas en route avant le 12 septembre. D’ici là, j’espère que vous voudrez bien me donner de vos nouvelles et vos commissions. Probablement encore, je serai à Paris vers le commencement d’octobre ; mais, si j’ai le moindre courage, j’irai à Strasbourg, à Lyon, et de Lyon à Marseille. Je crains de n’avoir pas ce courage, surtout si vous parlez de retour. Pendant votre absence, en recueillant mes souvenirs, j’ai fait de vous deux dessins en pied. Je les trouve assez ressemblants ; cependant, ils ont besoin d’être retouchés. Nous verrons s’ils vous plaisent. Je m’ennuie extraordinairement et je voudrais voir tomber des torrents de pluie pour me consoler. Mais le temps est toujours au très-sec. Il n’y a que les feuilles qui tombent. Il n’en restera plus la queue d’une en octobre.

Vous apprendrez avec plaisir que vous avez à l’Opéra italien les mêmes enrouements que la saison passée, plus une autre Brambilla. Il n’en reste plus que cinq inconnues, et une mademoiselle Albini qui n’avait pas de voix en 1839, mais qui en a peut-être trouvé depuis quelque part.

Adieu, je ne dis pas sans rancune. Ce qui m’a particulièrement piqué, c’est que vous n’avez répondu que par le silence le plus dédaigneux à ma proposition d’aller vous voir à *** ; mais n’y pensons plus.