Lettres à une inconnue/54

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(1p. 147-148).

LIV

Paris, 9 février 1843.

J’étais inquiet de ne pas recevoir un mot de vous, non que je craignisse un second mouvement, mais je vous croyais souffrante et je me reprochais cette longue promenade et notre retour par le vent et la pluie. Heureusement, c’est la poste qui a fait son dimanche et m’a fait attendre votre lettre. Bien que je souffrisse beaucoup de ce retard, je ne vous ai pas accusée un seul moment. Je suis bien aise de vous le dire, pour que vous sachiez que je me corrige de mes défauts en même temps que vous des vôtres. Au revoir donc et à bientôt. Je n’ai plus mal à l’œil. Le vôtre, je pense, est toujours aussi brillant. Comme on se fait des monstres de tout ! N’aurions-nous pas eu tort de ne pas nous être revus ?

Je suis bien triste et tourmenté. Un de mes amis intimes, que je voulais aller voir à Londres, vient d’être atteint de paralysie. Je ne sais encore s’il vivra, ou, ce qui serait pire que la mort, s’il ne demeurera pas longtemps dans cet affreux état d’insensibilité où cette maladie réduit les esprits les plus distingués. Je me demande si je ne devrais pas aller le voir tout de suite.

Écrivez-moi, je vous prie, et dites-moi quelque chose de tendre qui me fasse oublier ces tristes pensées.