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Lettres (Musset)/08

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LettresCharpentierŒuvres complètes d’Alfred de Musset. Tome X (p. 286-287).


VIII

À SA MARRAINE.


Madame,

Mon arrangement de loge a manqué ce soir. Il n’y a rien de tel que de compter sur les autres. Au lieu d’être au concert[1], me voilà en face de ma cheminée. Donnez-moi, je vous en prie, des nouvelles, afin que je puisse en parler sans mentir. Je suis très réellement fâché de n’y pas être, pour deux raisons. La première, c’est que je m’y serais plus qu’amusé ; la seconde, c’est que, tant bien que mal, vers ou prose, j’en aurais dit quelque chose. On l’aurait lu comme un ricochet de mon article sur Rachel. Il m’aurait beaucoup plu de parler en même temps de toutes les deux : l’une sachant cinq ou six langues, s’accompagnant elle-même avec cette aisance admirable, cette grande manière, ce génie facile, etc. ; — l’autre toute d’instinct, ignorante, vraie princesse bohémienne, — une pincée de cendre où il y a une étincelle sacrée, etc. — Entre elles deux une parenté évidente, le même point de départ et deux routes si diverses ; le même but et deux résultats si différents ! — Tout cela eût été curieux à sentir, à exprimer de mon mieux. La loge a manqué, et je n’avais pas pris de stalle, comptant à moitié sur cette loge. À moitié !!! voilà bien le mot le plus bête ! et pourtant la grande raison de bien des choses. — Compliments littéraires.


Samedi soir (15 décembre 1838).
  1. Le premier concert public de mademoiselle Garcia.