Lettres d’Augusta Holmès à Camille Saint-Saëns/Lettre du 8 Février 1900

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8 Février 1900


Cher et grand ami,

Comme vous êtes gentil de m’avoir écrit, vous qui avez tant à écrire et à penser pour vous ! Et moi, je ne vous ai pas répondu tout de suite, et je vous en fais toutes mes excuses.

Mais j’ai été souffrante, et cela, juste au moment où Durand m’offrait une place pour Proserpine, que définitivement je n’ai pas entendue ! Je le regrette bien, car tout le monde était enthousiasmé de cette œuvre charmante.

Si vous voulez des nouvelles de moi, apprenez que Colonne a joué mon Andromède le 14 Janvier avec un grand bruit et une superbe interprétation. Le 21, à Angers, a eu lieu mon Hymne à Apollôn, avec Delmas, de l’Opéra. Triomphe sur toute la ligne !

Enfin, je travaille à un nouveau poème d’opéra, ou plutôt de Conte musical. Je vais encore me faire massacrer par la Presse, car :

« Le Parc est toujours debout ! »

et ne manquera pas à sa mission qui est de me nuire, sans trêve. Mais tant pis ! Il faut lutter jusqu’à la mort.

Et vous, noircissez beaucoup du papier, mon cher Illustre, pour notre plus grande joie, et pour la gloire de l’École Française, dont vous êtes le Roi !

Je voudrais bien que vous n’alliez pas à Buenos-Aires. Il paraît que c’est plein de toutes sortes de maladies, entr’autres la peste. Informez-vous donc bien, avant de partir.

Saviez-vous que Clairin est devenu un farouche Dreyfusard ? On ne peut plus lui parler. Quand on songe à ce héros, notre Henri Regnault, dont il était comme le frère, cela paraît incroyable !

Je suis bien enchantée d’apprendre que vous serez près de Paris cet été. Sûrement je viendrai vous relancer à St-Germain, et nous dirons des volumes !

En attendant, cher ami, soyez heureux sous le beau soleil, et croyez-moi toujours votre amie profondément dévouée,

Augusta Holmès