Lettres de Jules Laforgue/109

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Lettres. — II (1883-1887)
Texte établi par G. Jean-Aubry, Mercure de France (Œuvres complètes de Jules Laforgue. Tome Vp. 127-128).
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CIX

À M. CHARLES HENRY

Bade, samedi [1885].
Mon cher ami,

J’ai reçu la charmante et délirante lettre de Cernay.

Le blason des barons est trouvé !

Est-ce que Kahn a des ramifications dans ce monde-là ?

Je ne sais trop si nous irons à Coblentz. Peut-être à Berlin.

Tu dois voir de ci de là dans les feuilles de Paris des bulletins de santé qui en disent long.

Je n’irai guère à Paris qu’au 10 août, comme toujours. Et cette fois probablement pour y rester. C’est très compliqué à raconter, ça dépend de mille riens (en dehors d’un gros fait qui bâclerait vite la chose).

Kahn t’a peut-être parlé d’une Imitation de Notre-Dame la Lune, une trentaine de pièces. C’est fini, archi-copié. Je n’y ajoute plus une virgule et je m’en débarrasserai à Paris le mieux possible, en payant naturellement.

Tu connais l’Hérodias de Flaubert. Je viens de finir une petite Salomé de moi.

Ah ! mon cher, qu’il est plus facile de tailler des strophes que d’établir de la prose ! Je ne m’en étais jamais douté.

J’ai tout un roman en scène et notes dûment classées. L’idée d’arranger et polir ça d’ensemble me fait froid dans la nuque.

Je trouve que l’étude de Charles Morice donne une idée très intime de Bourget. L’as-tu lue ?

Au revoir. Nous causerons. En ménage d’Huysmans, c’est amusant quoique de surface, mais au fond c’est bien une plaie capitale.

Et nous ferons nos poèmes en prose projetés d’antan.

Je te la serre.
Jules Laforgue.