Lettres de Mlle de Lespinasse/Lettre CLXVI
LETTRE CLXVI
Je ne suis seule que dans l’instant, je n’ai donc pas pu faire attendre votre laquais. Je suis si triste et si fort tournée au malheur, que, quelque fondée que je sois à ne vous pas croire, je ne doute pas que vous ne soyez souffrant et que votre femme ne soit malade. Il me semble qu’elle est d’une santé bien délicate : elle en sera encore plus intéressante. J’ai prié M. d’Alembert d’aller savoir de vos nouvelles, parce que je craignais de n’avoir pas le moment de vous écrire ; il me dira si vous allez à Versailles. Je crois qu’il y aura de l’inconséquence, mais il ne me reste rien à dire : vous ne ferez que ce qu’il faudra.
Mon Dieu ! il est bien tard pour vous occuper de mes maux. Oubliez-en la cause : ne vous inquiétez pas des suites, et tout ce que je vous demande là est bien à votre portée. Cela vous sera plus facile que de trouver ces grandes occasions et ces grands dangers à courir pour moi : non, je ne vous devrai plus rien, que la seule ressource à laquelle vous m’avez arrachée.