Lettres intimes (Renan)/27

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Calmann Lévy (p. 351-368).


XXVII


A MADEMOISELLE RENAN


Paris, 5 novembre 1845.

Quoiqu’il y ait bien peu de jours que je t’ai écrit, chère amie, j’éprouve encore le besoin de le faire, et pour t’annoncer les nouveaux événements qui ont fixé définitivement ma position, et pour te communiquer les mille réflexions qui m’occupent. Jamais circonstances n’avaient été plus propres à en susciter de sérieuses.

Oui, chère Henriette, j’ai accepté définitivement l’une des deux places dont je te parlais dans ma dernière lettre, et c’est précisément celle pour laquelle je témoignais dès lors une certaine préférence. De nouvelles modifications apportées à nos premiers arrangements me l’ont fait encore envisager comme plus avantageuse. J’entre donc chez M. Crouzet, à titre de pensionnaire libre et de répétiteur. Mais il a désiré qu’au lieu de me charger uniquement de la répétition des classes supérieures, j’acceptasse aussi celle des classes inférieures, pour la partie des études grecques, dans laquelle le second répétiteur n’est pas fort exercé. De plus, il y a ajouté une leçon de mathématiques trois fois par semaine à un seul élève ; et, à raison de ces additions, il m’a mis au pair. Toutes ces occupations ne pourront jamais me prendre plus de deux heures et demie ou trois heures par jour. Encore aucune mesure de temps ne m’est-elle imposée : si je peux m’en acquitter en moins de temps, tant mieux pour moi. Or, ayant commencé hier à remplir mes fonctions, j’ai pu juger que je n’aurais jamais besoin d’atteindre ce maximum, et qu’une heure et demie par jour me suffirait pour les répétitions du soir, indépendamment de la leçon de mathématiques.

Je ne suis chargé en tout que de sept élèves. Je n’ai donc aucune crainte, chère amie, que ces fonctions m’enlèvent le temps qui m’est actuellement si nécessaire. Du reste, je le répète, nulle surveillance, nulle part à tout ce qui se fait dans la maison, ce dont je ne suis pas fâché ; car, il faut l’avouer, cette pension est sur un pied fort médiocre. Les élèves sont d’une extrême faiblesse, le maître de pension n’est rien moins qu’un homme supérieur. Mais tout cela m’importe assez peu, je ne suis pas chargé de leur donner de l’esprit. Le matériel de la vie, qui est presque le seul à considérer pour moi, puisque c’est le seul par lequel je ferai partie de la maison, y est du reste fort honnête. Je t’avoue que quand je songe qu’aux mêmes conditions pécuniaires, on me demandait, chez M. Pataud, quatre et quelquefois six heures de surveillance par jour, et avec cela de coucher au dortoir, de n’avoir pas de chambre à moi, je ne puis regarder ce que je viens d’accepter que comme fort avantageux, et mademoiselle Ulliac en porte le même jugement. Du reste, je laisse à l’avenir à décider la question.

Quand nos affaires, chère amie, s’aplanissent d’un côté, il semble qu’elles doivent se compliquer de l’autre. L’affaire du baccalauréat devient maintenant très sérieuse. Avant de tenter des démarches près du ministre, M. Gratry a voulu en parler à M. Rendu, membre du conseil royal et protecteur spécial de la maison. Or M. Rendu l’a fortement dissuadé d’employer cette voie. Une exception positive serait, d’après lui, très difficilement accordée, quels que fussent les motifs de la demande. On veut bien ne pas se rendre difficile sur la vérification des pièces, mais il faut au moins les apparences de la légalité ; autrement les lois n’auraient, disait-il, aucun effet. En outre, une telle démarche ne pourrait être tentée qu’avec la certitude absolue de la réussite, car ce serait se fermer pour l’avenir toute autre issue, supposé que celle-ci ne menât point au but. Que dirait-on par exemple en voyant paraître au ministère le certificat d’études domestiques de M. R... qui, il y a quelques semaines demandait une dispense sans restriction, laquelle dispense supposait évidemment qu’il n’avait à présenter ni études domestiques, ni études universitaires ? On m’a cité dans ce genre des faits effrayants. M. Rendu déclarait donc, que, si je ne pouvais ou ne voulais me procurer un certificat d’études domestiques, ce que j’avais de plus court à faire, était de me faire inscrire dans un collège pour deux années, et de me hâter de le faire, afin que celle-ci pût compter. Quelle infamie, chère Henriette ! Quelle absurdité de rendre un jeune homme responsable du lieu où la fatalité l’a placé, sans tenir compte de ce qu’il a pu faire pour lutter contre elle. Enfin, chère amie, il ne s’agit pas de raisonner ; nous avons affaire à des faits malheureusement trop réels. Que faire donc ? Le certificat d’études domestiques me répugnait d’abord outre mesure, surtout par la position difficile où je mettais notre Alain : tu sais en effet qu’il faut que ce certificat soit légalisé par le maire de la commune. Et puis cette démarche me paraissait peu droite et vraie. Des personnes d’une probité très exacte ont cherché à lever mes scrupules sur ce point. Il est de fait que tout le monde sait fort bien à quoi s’en tenir sur ces certificats, et s’il y a mensonge [sic], il n’est que dans les termes. Nul ne s’y laisse tromper, et ceux qui les reçoivent savent fort bien que les trois quarts sont faux quant à la forme. C’est une issue échappatoire que la loi a ménagée, pour diminuer l’odieux d’une exclusion aussi brutale, et cela est si vrai que le texte littéral de la loi dénote évidemment l’intention de se laisser tromper, toutes les fois que le bon sens l’exigera. Aussi, toutes les fois que j’ai parlé de mes scrupules sur ce point, tout le monde en a ri ; car on cesse de tromper du moment où l’on se sert d’une formule qui, quoique fausse en elle-même, est réduite par tous à sa juste valeur. Or ces études domestiques sont devenues, dans l’usage, synonymes de toute étude faite avec l’assentiment des parents hors de l’université. Qu’importe, en effet, que mon père ou frère m’ait fait enseigner la philosophie sous ses yeux par tel ou tel, ou qu’il m’ait envoyé à telle maison qu’il lui plaisait pour prendre des leçons ? D’ailleurs, le cas était si pressant et l’injustice si manifeste, que je n’ai pas cru devoir me priver d’une faculté que tous les autres s’accordent, et qui semble même concédée par l’intention tacite du législateur. J’ai donc écrit à notre Alain. Mais juge de mon embarras, chère amie ; quelle demande à faire à ce pauvre ami ! Je l’ai supplié, au cas où il prévît le moindre désagrément pour lui, de me le dire franchement, et de ne faire aucune démarche. Il est certain que toutes les autorités sensées ne font jamais la moindre difficulté ; et d’ailleurs, la signature du maire est sans contrôle ; on n’informe jamais pour vérifier l’exactitude de son assertion, surtout quand l’examen se passe dans une académie différente de celle où les études domestiques sont censées avoir été faites. J’ai craint, il est vrai, longtemps d’être obligé d’avoir recours à Rennes, en vertu de mes études faites à Saint-Malo ; mais des informations plus exactes, prises au secrétariat de la Faculté des lettres, m’ont appris que cela n’était pas nécessaire, et que tout pouvait se passer entre la Sorbonne et le ministère, sur une pétition présentée au ministère, par le doyen de la Faculté. Ceci n’est plus qu’une formalité, qui ne souffre jamais de difficulté, mais qui entraîne malheureusement bien des longueurs. Je m’estimerais fort heureux, si je pouvais passer mon examen dans un mois, ce qui lasse terriblement ma patience ; ces ennuyeuses formalités m’auront coûté dix fois plus de peine et d’inquiétude que la préparation scientifique de l’examen. Encore si j’étais sûr au bout de mes peines d’arriver au terme ! J’attends avec une grande anxiété la lettre de notre frère.

A toutes ces inquiétudes de tête s’en est jointe une autre, chère Henriette, bien plus pénible encore, parce qu’elle m’attaquait au cœur, et que toi-même en étais l’objet. Un mot d’un petit billet de mademoiselle Ulliac me parlait de ta santé fort altérée. J’ai été sur-le-champ demander l’explication de cette terrible réticence, et il m’a été révélé des mystères. Quoi ! Henriette, mon amie, tu as souffert, et nous n’avons rien su ; moi surtout, devais-tu me le cacher ? Je conçois notre mère… mais moi ? Écoute, chère amie ; ce que je vais te dire est sérieux, c’est ma résolution intime, c’est le résultat d’une longue conversation que nous avons eue, mademoiselle Ulliac et moi, d’une ligue, comme elle dit, que nous avons formée ; de deux choses l’une : ou bien le voyage d’Italie se prolongera jusqu’en France, et alors ce sera ton voyage de retour ; car compte bien ne jamais nous quitter. Ou bien il se bornera à l’Italie, et alors tu diras adieu aux Zamovski dans ce beau pays, et tu nous viendras au printemps prochain. Entends-tu, chère amie ? Ceci est arrêté, immuable, sans appel. Dis donc un adieu éternel aux lieux que tu parcours, et livre-toi à cette délicieuse impression qui doit accompagner le retour de l’exil.

J’imagine tout ce que ton dévouement pourra objecter contre notre résolution commune. Oh ! que ne puis-je te convaincre, comme je suis convaincu moi-même, que c’est en vertu même de ce dévouement que tu dois nous revenir et nous rester. Il est évident que ta santé n’y résisterait pas ; or, ma pauvre amie, que serais-je sans toi ! Dieu, cette pensée me fait horreur : elle s’empara de mon imagination au moment où je lisais le mot fatal de mademoiselle Ulliac, et je n’oublierai jamais l’affreux cauchemar que j’éprouvai. Henriette, que serais-je sans toi, et à présent, et dans l’avenir surtout ? Je te déclare qu’à l’instant où je ne t’aurai plus, je renonce à tout intérêt à la vie ; elle devient pour moi décolorée, sans nerf et sans ressort, je me suicide en un mot pour la société. Mon Dieu ! que de fois j’en ai eu la tentation ; mais ton souvenir me sauvait et me faisait prendre la vie en estime et en affection. Je deviendrais égoïste, chère amie, égoïste d’une manière affreuse ; ah ! sauve-moi de ce malheur. Réfléchis à cela, bonne Henriette ; songe que ma vie est attachée à la tienne, et tu seras convaincue que la première marque par laquelle tu peux me témoigner ton affection, c’est de te conserver pour moi.

Opposerais-tu notre état financier ? Amie, laisse-moi te combattre encore sur ce point. D’abord, je ne m’imaginerai jamais que ces grands seigneurs te laissent partir les mains vides et sans ressource pour l’avenir ; ce serait inouï. Et moi, chère amie, si dès la première année je suis au pair, il n’est pas probable que j’aille par la suite en rétrogradant, surtout quand j’aurai mes grades. Un licencié ne peut manquer de trouver des places fort avantageuses, au moins comme expectative. J’ai déjà de fort bonnes connaissances dans les classes, qui peuvent m’être les plus utiles : MM. Julien, Quatremère, Galeron, Guihal, me témoignent beaucoup d’intérêt. C’est par M. Galeron que je suis arrivé à la place que j’occupe ; M. Guihal m’a tout promis, quand j’aurai ma licence ; et puis, chère amie, j’ai des projets dont je te parlerai. Enfin, j’espère bien que désormais je pourrai au moins me suffire, et que dans une couple d’années, je pourrai rapporter à mon tour au fonds commun. Tout ceci sans préjudice de mon avenir et sans suicide intellectuel.

D’ailleurs, chère Henriette, j’imagine bien qu’il ne serait guère dans tes goûts ni dans tes intentions de te condamner à l’oisiveté après ton retour. Mademoiselle Ulliac m’a parlé de plusieurs projets, tous plus beaux les uns que les autres. Il n’y en a qu’un seul qui m’ait fort peu souri : c’est celui du pensionnat. Aussi m’a-t-elle dit qu’il était fort peu probable. Au nom du ciel, délivre-nous de cette engeance. Elle m’a parlé de cours publics à donner à des jeunes personnes ; c’est magnifique, chère Henriette ; d’un journal, également pour les jeunes personnes ; encore plus beau. Mademoiselle Ulliac a un nom, des connaissances, tout ce qu’il faut en un mot pour bien entamer une affaire. Elle me parlait de tout cela avec un enthousiasme à ravir ; seulement, son Henriette était nécessaire à tout ; sans elle rien ne pouvait se faire. Reviens, chère amie ; je te donnerai des matériaux tant que tu voudras, du grec, de l’allemand, du latin, de l’hébreu, de la philosophie, de la philologie, de la théologie même au besoin ; je t’abandonne la propriété de tous mes travaux ; seulement, reviens. C’est là mon delenda Carthago. Ce sera la péroraison de toutes mes lettres, jusqu’à ce que j’aie réussi à te convaincre.

Oh ! je n’oublierai jamais ce soir du 2 novembre où mademoiselle Ulliac m’a ouvert les yeux. O mon Henriette, que tu as souffert ! Et à Paris... elle me racontait tout cela, et moi, je tombais de surprise. Nos soins seuls, bonne amie, peuvent te remettre des peines que tu as endurées pour nous. Nous la dorloterons, disait cette excellente amie. Oui, oui, chère Henriette, il est temps que ce cœur si aimant se voie entouré de cœurs qui lui répondent ; il est temps que ce corps affaibli par les sacrifices reçoive les soins de ceux pour qui il a tant souffert. — Autre raison, chère amie, qui depuis longtemps me préoccupe, et sur laquelle aussi mademoiselle Ulliac insistait beaucoup. C’est l’état politico-religieux de cette Pologne. Je ne pouvais t’en parler tandis que tu y étais ; mais combien de fois j’ai frissonné en lisant les journaux, et songeant que mon Henriette était là ! Tu comprends sans que j’en dise davantage. Y retourne qui veut, mais une Française n’y peut plus revenir.

Je reviens aux considérations financières ; car là, je le crains, sera le fort du combat. Mais serions-nous obligés durant quelque temps de subvenir péniblement au présent, l’avenir compenserait. Mademoiselle Ulliac paraît ne manquer de rien, excepté de fonds. Eh bien ! faudrait-il pour commencer l’exécution des projets communs, vendre notre petit patrimoine, qui empêcherait ? Nos deux parts réunies feraient encore quelque chose, et maman le verrait avec plaisir, si elle pouvait y voir un acheminement à ton établissement parmi nous. C’est là sa pensée dominante, et je te dirai par la suite tous les plans qu’elle a formés pour la réaliser. Et puis, chère Henriette, Alain nous aime et nous rendrait au moins des services. — Allons, bonne amie, laisse-toi aller à envisager l’avenir sous des couleurs moins sombres. Ne faut-il pas aussi se confier un peu dans celui qui gouverne ce monde, et qu’on nous a appris à appeler un père : « Considérez les oiseaux des cieux ; ils ne sèment, ni ne moissonnent, et votre père céleste leur donne la pâture. Considérez les lys des champs ; ils ne travaillent ni ne filent, et pourtant, je vous le dis, Salomon dans toute sa gloire n’était pas vêtu comme l’un d’eux. Que si Dieu prend ce soin d’un peu d’herbe qui demain sera jetée au feu, combien plus de vous-mêmes, gens de peu de foi ! » D’ailleurs, je le répète, chère amie, car c’est ici la raison solide et positive : songe qu’il s’agit de ta vie, et par conséquent de la mienne.

Je ne te parlerai point encore cette fois, chère amie, de mes projets ultérieurs, non plus que de mon plan d’études. J’ai encore quelques informations à prendre, avant qu’il soit parfaitement arrêté. J’assiste assidûment aux examens qui se font en ce moment à la Sorbonne pour le baccalauréat et la licence ès lettres et ès sciences, pour régler mes calculs. J’ai pris hier possession de ma petite chambre d’étudiant. Elle est tout à fait agréable. On y respire l’air pur du quartier du Luxembourg ; la vue est charmante : le Luxembourg, l’Observatoire, des parcs, des jardins, et là-bas, au coin, la petite maison carrée de mademoiselle Ulliac. J’ai sous mes fenêtres le parc de l’institution des sourds-muets : ma récréation est de considérer les jeux de ces pauvres enfants.

Me voilà donc, chère amie, dans cette position que tu rêvais pour moi. Elle est, comme tu le sais, parfaitement analogue à mes goûts ; l’isolement seul la rend pénible ; mais, au fait, je t’aurai bientôt. Quelques mois passent bien vite ; car c’est ainsi que je compte, chère Henriette. J’éprouve parfois, vers le soir surtout, des moments d’une indicible tristesse quand je me rappelle maman, mon Henriette, mon passé si doux et si pur, quand je jette les yeux sur ce monde froid et sans intelligence du divin qui m’entoure. Et puis, il est si dur de poser ainsi sur le sol sans y tenir ! J’éprouve bien en ce moment la vérité de ce que tu me disais sur la vie de voyage : l’homme tend à se fixer, à prendre racine partout, et, quand la rapidité des relations vient l’en empêcher, il souffre. L’habitude est si douce ! et l’habitude ne se forme que sur un sol où l’on peut s’asseoir et fixer sa tente. C’est maintenant que je comprends combien ta vie depuis dix ans a dû être pénible, et encore, quelle différence avec la mienne ! Ma position est excessivement douce et agréable en elle-même, et la tienne... Dieu, quand j’y pense !... Quel bonheur, le jour où la vie domestique te sera rendue avec toutes ses douceurs ! Nous serons heureux ensemble, bonne amie ; mon caractère est bon, doux ; et tu me laisseras mener ma vie simple et pensive, et je te dirai tout ce que je pense et ce que je sens. Et puis, nous aurons des amis distingués et purs, qui embelliront notre vie. Enfin, chère amie, il n’y a pas de beau trait dont je n’embellisse mon idéal ; mais songe que, sans toi, tout l’édifice s’écroule. Adieu, bonne et chère amie. Je me berce d’espérances qu’il dépend de toi de réaliser. Mais tu sais à quelle condition. Ma pensée se repose avec complaisance sur ce voyage d’Italie, qui, ce me semble, te sera fort agréable et fort salutaire. Mais pour achever de l’embellir, figure-toi bien, chère amie, que c’est le retour. Écris-moi souvent, je te prie, des différentes stations de ton voyage. Il me semble que maintenant l’espace qui nous sépare n’est plus rien. Nos lettres au moins, je l’espère, ne seront plus des mois à nous parvenir. Appuie-toi sur mon amitié, comme je m’appuie sur la tienne, Ton frère, ton ami.

E. RENAN.


Notre pauvre mère a fort bien accueilli la nouvelle de mon entrée à Stanislas, et ce qu’il y a de plus significatif c’est qu’elle croyait pourtant que cette entrée était purement laïque. Il y a un progrès réel. Mais il faudra mille précautions ; ne lui dis pas encore que j’ai quitté Stanislas. Le voyage d’Italie, et plus que tout cela, le retour en France fera oublier bien des choses. Et puis, je lui colore l’avenir. Que ne dépend-il de moi de la rendre heureuse ! Juge combien j’ai souffert quand j’ai cru que j’étais obligé de la rendre malheureuse pour toujours. Heureusement, tout s’est adouci, et j’espère que les joies de l’avenir effaceront la peine passagère.

M. Dupanloup vient, par une révolution soudaine, de quitter le petit séminaire, avec tous ceux qui ne faisaient qu’un avec lui. Il a éprouvé ce qu’éprouveront dans ce corps tous les hommes supérieurs.