Lettres juives (éd. Paupie 1754)/À monsieur Jaques

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Pierre Paupie (tome 1p. xviii-xix).

À monsieur Jaques, garçon libraire.

J’apprends, M. JAQUES, que vous êtes d’une exactitude infinie a porter les Lettres que j’envoie deux fois par semaine à votre maître. Souffrez que je vous en fasse mes remerciments, & vous en montre ma reconnoissance dans une épître dédicatoire.

Vous recevez un honneur qu’on a rendu aux plus grands héros, mais qu’on on a aussi accordé à bien des faquins. Le mérite a occasionné les louanges qu’on a données aux premiers : les richesses les ont attirées aux derniers. Vous n’étes, vous, M. JAQUES, ni grand-homme, ni riche ; car votre maître m’a assuré, que vous ne gagniez que douze sols par semaine, & l’on me soupçonnera peu d’avoir voulu flatter votre vanité, pour partager vos trésors. Mais enfin, tout pauvre que vous êtes, je vous aime mieux,

Avec votre indigence, Qu’un commis engraissé des malheurs de la France.


Vous êtes, du moins, honnête garçon : & les gens d’affaires sont ordinairement de grands coquins. Le nom de quelqu’un d’entre-eux eût admirablement convenu à la tête des LETTRES JUIVES, _par la ressemblance que les fermiers-généraux, partisans, & autres voleurs publics, ont d’ordinaire avec quelques-uns des Israélites modernes. Mais puisque le vôtre s’y trouve placé, il y restera, s’il vous plaît.

Je suis, Monsieur JAQUE,

Votre très-humble & très obéissant serviteur,_

Le traducteur des Lettres Juives.