Lettres patentes de Louis XV données à Marly le 20 février 1727 renouvelant pour trente ans, à partir de 1732, le privilège exclusif d’Antoine Dagincourt, en faveur du même titulaire

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Lettres patentes de Louis XV données à Marly le 20 février 1727 renouvelant pour trente ans, à partir de 1732, le privilège exclusif d’Antoine Dagincourt, en faveur du même titulaire
Plon (p. 405-414).

ARCHIVES DE LA COMPAGNIE DE SAINT-GOBAIN

Lettres patentes de Louis XV données à Marly le 20 février 1727 renouvelant pour trente ans, à partir de 1732, le privilège exclusif d’Antoine Dagincourt, en faveur du même titulaire

Marly, le 20 février 1727.

Louis par le grâce de Dieu, roi de France et Navarre, à tous ceux qui ces présentes lettres verront salut. Les avantages que l’établissement de la manufacture des glaces procure à la France sont connus. Non seulement l’abondance et la beauté des glaces qui s’y fabriquent, servent d’ornement dans nos palais et dans les principales maisons de nos sujets, mais les espèces d’or et d’argent qui sortaient auparavant du royaume pour y faire venir des glaces de Venise, y restent à présent ; la subsistance que les différents établissements de cette manufacture en France procurent à un grand nombre de personnes, qui y sont employées, est encore un objet important. C’est par ces considérations que le feu notre Roi notre très honoré Seigneur et Bisayeul de très glorieuse mémoire a toujours honoré cette manufacture établie par ses ordres, d’une protection particulière, et que nous proposant de l’imiter, nous avons continué à l’honorer de la nôtre. Le premier privilège de cette manufacture fut accordé sous le nom de Nicolas du Noyer, avec des exemptions, des franchises et des prérogatives assez étendues, et qui n’ont jamais souffert d’interruption. Le succès répondit aux idées qu’on avait eu de ce nouvel établissement, et l’utilité en parut si grande pour l’Etat et pour le public, que dès l’année 1682 et avant l’expiration de ce premier privilège, il fur renouvelé pour trente pour trente ans sous le nom de Pierre de Bagneux. Le génie de la Nation, qui tend toujours à perfectionner les premières idées, ne s’arrêta pas à la première fabrique des glaces qui était semblable à celle de Venise, on trouva en France le secret de les couler, et par ce nouveau degré de perfection qu’on y donna, on en fit d’une grandeur extraodinaire à laquelle il était impossible de parvenir en les soufflant, comme on faisait à Venise. Le privilège de ces grandes glaces fut accordé le 14 décembre 1638 à Abraham Thévart pour trente ans et décoré par des lettres patentes du mois de février 1693 des mêmes franchises et des mêmes prérogatives que les précédents. Le concours de ces deux privilèges forma deux Compagnies, l’une sous le nom de Pierre de Bagneux pour les glaces soufflées, et l’autre sous celui d’Abraham Thévart pour le grandes glaces : mais comme il est presque impossible que deux Compagnies, qui font un commerce de même nature ne se détruisent réciproquement, soit en se débauchant des ouvriers, soit en augmentant à l’envie le prix des matières, la jalousie qui divisa la Compagni de Bagneux et celle de de Thévart, et les suites que eut leur division, furent cause qu’on ne trouva point d’une autre moyen pour empêcher leur ruine, que de les unir et d’en faire une seule et même compagnie sous le nom de François Plastrier, auquel il fut accordé un nouveau privilège pour trente ans, par arrêt du Conseil du 19 avril 1695 revètu de lettres patentes du 1er mais suivant, qui portent les mêmes exemptions, franchises et prérogatives que les précédentes. Cette union fut antérieure de plusieurs années, à l’expiration des deux autres privilèges qui furent révoqués et annulés par celui accordé à Plastrier. La régie de la Compagnie de ce dernier ne fut pas heureuse, et ne put soutenir cet établissement. Elle contracta des dettes considérables, qui en l’année 1702 montaient à 1 300 000 livres, et qu’elle se trouva absolument hors d’état d’acquitter. Les fourneaux de ses fabriques furent éteints, la plus grande partie de ses ouvriers fut congédiée et l’on commençait à craindre qu’en allant chercher du travail dans les pays étrangers, ils n’y portassent avec aux un secret avantageux au public et à l’Etat ; lorsque le Compagnie qui existe aujourd’hui sous le nom d’Antoine Dagincourt, formée par les ordres du feu Roi, se présenta, le privilège de Plastrier fut cassé et supprimé du consentement exprès et par écrit des associés sur ce privilège et il en fut accordé un nouveau à Dagincourt exempt et il en fut accordé un nouveau Dagincourt exempt de toutes charges, ce sont les termes dans lesquels il est conçu ; car à l’égard des 1 960 000 livres que Dagincourt quels s’engagea de payer de payer, partie à François Plastrier et partie aux anciens associés sous son nom, ce fut pour la valeur de tous les effets, terrains, bâtiments, ustanciles, glaces, billets, titres, papiers et actions rescindantes et récitoires, qui appartenaient à le Compagnie de Plastrier et qu’elle abandonna à celle de Dagincourt qui en devint propriétaire incommutable, au moyen de la cession et du paiement des sommes qui en étaient le prix. L’arrêt du Conseil qui reçut les offres de la Compagnie de Dagincourt et qui régla toutes les conditions du nouveau privilège est du 22 août 1702. Les lettres patentes dont cet arrêt fit revêtu sont du 23 octobre suivant, et le privilège exclusif pour la fabrique des glaces et miroirs et autres ouvrages de verrerie, porté par le même arrêt et par ces mêmes Lettres Patentes, est pour trente ans, avec les mêmes exemptions franchises, facultés et prérogatives accordées aux précédentes Compagnies par Lettres Patentes de 1665, 1688, 1693 et 1695. Toutes ces exemptions qui sont générales et s’étendent sur toutes sortes d’imposition sont distinctement qui sont générales et s’étendent sur toutes sortes d’imposition sont distinctement expliquées dans les Lettres Patentes du 23 octobre 1702 et ont été confirmées en différents temps, savoir sous le règne du feu Roi par ses Lettres Patentes du 23 octobre et ont été confirmées en différents temps, savoir sous le règne du feu Roi par ses Lettres Patentes des 31 janvier 1706 et 10 août 1711 et par les arrêts de son Conseil des 1er 1669, 23 juin 1705, 18 février 1710 et 17 janvier 1711 et par nos Lettres Patentes du 6 août 1718 qui portent une confirmation expresse du privilège de la Manufacture Royale des glaces, et des exemptions y attachées en faveur de Dagincourt pour le temps qui restait à expirer du dit privilège ; et ce nonobstant les articles 4 et 5 de l’édit du mois d’août 1717 portant révocation de tous les privilèges et exemptions particulières y énoncées. Ledit Dagincourt et la Cie formée sous son nom, jouissant de ce privilège depuis le 22 octobre 1702 nous auraient représenté que ce n’a pas été sans essuyer bien des pertes, bien des calamités et de circonstances d’autant plus fâcheuses peur eux que le commerce des glaces est différent des autres, et ne se peut soutenir que dans le temps d’une pleine et parfaite abondance ; qu’aussi osent-ils dire avec la confiance qu’inspire la vérité, que si, malgré tout ce qu’ils ont essuyé de temps fâcheux, la Manufacture dont l’Administration leur a été confiée, subsiste encore aujourd’hui, et si comme il est vrai la fabrication des glaces n’a jamais été plus belle, ni plus parfaite, c’est uniquement le fruit de leur zèle, de leur union, de leur crédit et de leur application, qu’ils pourraient encore ajouter de leur économie et de leur désintéressement ayant bien voulu s’oublier eux-mêmes et sacrifier leurs propres intérêts pour soutenir le service de cette Manufacture en différentes rencontres, que par ces considérations, ils espèrent que leur ayant déjà donné des marques de notre justice , de notre bonté et de notre protection Royale, en leur accordant par nos lettres patentes du 6 août 1718, la confirmation de leur privilège, Nous voudrons bien leur en donner encore de nouvelles, en leur continuant ce privilège sous le nom du dit Dagincourt pour 30 années à compter du jour que celui du 23 octobre 1702 expirera et cela avec les mêmes exemptions et les mêmes prérogatives mentionnées aux Lettres Patentes dudit jour, et dont ledit Dagincourt et ceux qui l’ont précédé ont joui ou dû jouïr. Que trois considérations également puissantes jointes à celles qui naissent des faits et des circonstances qu’ils viennent d’expliquer, concourent à établir la justice de leur demande, la première est qu’il est nécessaire que les matières qui servent à la confection des glaces soient achetées et préparées quelques années avant que de les employer à la fabrication, la seconde qu’il est de conséquence de faire des élèves et de former de jeunes ouvriers à un travail si difficile et qui demande plus de huit à dix années pour les rendre capables, et la troisième que le commerce des glaces étant entièrement tombé, les associés sous le nom Dagincourt sont dans l’obligation de prendre des arrangements et de faire de nouveaux fons pour se mettre en état de fournir à l’achat des matières, à l’entretien des bâtiments, à la construction des fours et à la dépense nécessaire pour faire des élèves. Et comme sur ces représentations nous avons expliqué nos intentions, par l’arrêt rendu en notre Conseil d’Etat, nous y étant le 11 du présent mois de Février, pour l’exécution duquel nous avons ordonné que toutes lettres nécessaires seroient expédiées.

A ces causes, de l’avis de notre Conseil qui a vu ledit arrêt ci-attaché sous le contre-scel de notre chancellerie, nous conformément à icelui, avons par ces présentes signées de notre main, dit et ordonné, disons et ordonnons, voulons et nous plait que ledit Antoine Dagincourt, en faveur duquel nous confirmons d’abondant le privilège exclusif de la Manufacture Royale, des glaces à miroirs à lui accordé, pour le temps qui reste à expirer, des 3à années portées par les Lettres Patentes du 23 octobre 1702, confirmées par celles du 31 janvier 1706, 10 août 1711 et 16 août 1718 et arrêts du Conseil rendus en conséquence, continue le dit privilège exclusif pour autres trente années à compter du jour que celui porté par les Lettres Patentes du 23 octobre 1702 expirera. Et en conséquence, voulons et ordonnons que pendant tout ledit temps la seule Compagnie dudit Dagincourt puisse fabriquer dans toute l’étendue du royaume, pays, terres et seigneuries de notre obéissance, des glaces à miroirs et à lunettes, bandes, moulures, et bordures, de tout volume et de toutes couleurs, unies et figurées avec faculté à la Compagnie dudit Dagincourt, de faire et fabriquer des cristaux, verres blancs et de toutes sorte d’ouvrage de grosse et de petite verrerie, concurremment avec ceux qui en ont obtenu les privilèges, le tout par tels ouvriers que bon lui semblera, nobles ou roturiers, à son choix, tant à souffler qu’à couler, et de quelque manière qu’on les puisse fabriquer, et de faire tailler, doucir et de polir lesdites glaces conformément aux dites lettres du 23 octobre 1702 et autres du 15 octobre 1695, données en interprétation de celles du 1er de la même année, à l’effet de quoi, nous accordons audit Dagincourt et à sa Compagnie la continuation dudit privilège pour ledit temps de trente années, à commencer au jour ci-dessus marqué, exempt de toutes charges. Faisons défense à toutes personnes de faire rentrer dans le Royaume et d’y faire fabriquer ni vendre des glaces autres que celles de la Compagnie dudit Dagincourt, sous quelque prétexte et occasion que ce soit à peine de confiscation d’icelles et des matières et outils servant à leur fabrications démolition des fourneaux et de 3 000 livres d’amende pour chacune contravention, applicable le tiers au dénonciateur, un autre tiers à l’hôpital général et l’autre tiers au profit de la Compagnie dudit Dagincourt, sans que lesdites confiscation et amendes puissent être modérées et ladite peine réputée comminatoire, ni que les receveurs et fermiers de nos domaines y puissent rien prétendre. Et au cas qu’aucun de nos sujets entreprit d’ établir hors du Royaume, ou dans les États ou Souverainetés qui y sont enclavés, ou limitrophes des manufactures des glaces pour les introduire en fraude dans le Royaume, Nous déclarons la même amende encourue pour chaque contravention contre eux solidairement, et contre les conducteurs des dites glaces, qui seront confisquées au profit de ladite Compagnie, ensemble les bateaux, charrettes, chevaux et autres voitures et équipages qui serviront à les transporter, et les dits particuliers qui auront fait lesdites entreprises de fabrique, déchue pour toujours de pouvoir acquérir aucune action, ni intérêt en ladite manufacture, a l’effet de quoi ledit Dagincourt, ses commis et préposées pourront faire quand bon leur semblera les visites nécessaires en tous lieux, en se faisant assister du Juge de Police du plus prochain lieu. Permettons auxdits commis de porter armes défensives, de même de ceux de pontage et nouvel octroi de Rouen, et généralement de tous autres octrois anciens et de nouveaux droits de péage et passage appartenant aux villes et communauté et aux seigneurs particuliers, dont les Compagnies de Plastrier et Thévart et autres, ensemble celle dudit Dagincourt, ont dû jouir par le passé, tant à l’entrée qu’à la sortie de notre royaume, dans lesquels privilèges et exemptions nous avons maintenu et maintenons la compagnie dudit Dagincourt conformément aux Lettres Patentes de 1665 que ledit Dagincourt et ses associés en sa compagnie jouissent du droit de committimus aux Requêtes de l’Hôtel et du Palais, tout ainsi que les commenceaux de notre maison, et qu’en outre lesdits associés, entrepreneurs, leurs ouvriers, commis, gardes, doucisseurs, polisseurs et autres artisans employés aux choses nécessaires à ladite manufacture, ensemble leurs serviteurs et domestiques demeurant dans leurs maisons ou leur bureaux et fabriques, soient exempts de toutes tailles et impositions, tant ordinaires qu’extraordinaires, emprunts, gardes de ville, logements de gens de guerre, tutelle, curatelle et généralement de toutes autres contributions et charges de quelque qualité qu’elles puissent être tant et si longuement qu’ils seront associées ou employés à ladite manufacture, et dans ses bureaux et magasins, à la charge toutefois qu’ils auront point été imposés jusqu’à présent aux rôles de tailles, et en cas qu’ils se trouvassent compris dans les rôles des lieux où ils auraient été domiciliés, qu’ils continueront d’y être employés aux mêmes taux sans augmentation. Ordonnons que les glaces et autres ouvrages de ladite Manufacture qui auront été vendus aux marchands, et dont le prix n’aura été payé, pourront être réclamés en tout temps, soit qu’ils soient en nature, ou qu’ils aient été mis en œuvre, pourvu qu’ils puissent être reconnus. Avons permis et permettons aux associés en la compagnie dudit Dagincourt de continuer dans ses établissements de faire battre de l’étain en feuille, à la manière d’Angleterre, pour employer à mettre au tain les glaces destinées pour les maisons royales, avec faculté d’en vendre aux miroitiers et à tous autres particuliers ; comme aussi de prendre en tous lieux du Royaume les fonds de terre convenables aux établissements de ladite Manufacture, et les matière propres aux ouvrages d’icelle, en dédommageant de gré à gré les propriétaires, ou leur payant au dire des gens à ce connaissants le prix des dits fonds et matière . Ordonnons qu’en cas de contestation à l’avenir sir l’exécution du privilège porté par ledit arrêt du 11 du présent mois, et par ces présentes, circonstances et dépendances, les parties se pourvoiront en première instance par devant les juges de police, pour les matières par devant les Juges ordinaires, ou aux requêtes du Palais, ou de l’Hôtel en vertu du Committimus que nous accordons audit Dagincourt, et à sa Compagnie par ces présentes et par appel au Parlement. Et pour marquer la protection que nous voulons continuer de donner à la Compagnie dudit Dagincourt. Ordonnons et voulons et nous plait que le présent privilège que nous lui accordons pour le temps de 30 années soit exécuté aux mêmes facultés, privilèges, exemptions et prérogatives portées, tant par les Lettres Patentes obtenues sous les noms de Dunoyer, Bagneux, Thévart et Plastrier, que par celles obtenues sous le nom dudit Dagincourt le 23 octobre 1702, confirmées par autres Lettres Patentes du 6 août 1718 et autres clauses que nous jugerons à propos d’augmenter qui seront pareillement exécutées encore qu’elles ne soient ci-exprimées, même l’arrêt rendu au Conseil le 9 mars 1700, contre les intéressées en la Manufacture des Dombes, sans que le privilège accordé par ces présentes audit Dagincourt puisse être ci après révoqué pour quelque cause et sous quelque prétexte que ce puisse être. Si donnons en mandement à nos amés et féaux Conseilleurs les gens tenant notre Cour de Parlement, Chambre des Comptes, Cour des Aydes à Paris, et tous nos autres officiers et justiciers qu’il appartiendra, que ces présentes ils aient à faire registrer et du contenu en icelles faire jouir et user ledit Dagincourt et ses ayants causes pleinement et paisiblement, cessant et faisant cesser tous troubles et empêchements à ce contraire. Car tel est notre plaisir. En témoin que quoi nous avons fait mettre notre Scel à cesdites présentes. Donné à Marly le 20ème jour de Février, l’an de grâce 1727 et de notre règne le 12ème. Signé : Louis. Et plus bas : Par le Roi, Phélippeaux. Et scellées du grand Sceau de cire jaune.

Registrées, oui le Procureur Général du Roy, pour jouir par l’Impétrant et ses ayants cause de leur effet et contenu, ainsi qu’ils ont ci-devant bien et dûment joui et usé, usent et jouissent encore à présent et à être exécutées selon leur forme et tenuer, suivant l’arrêt de ce jour. A Paris, en Parlement, le 6 septembre 1728. Signé : Ysabeau.

Registrées en la cour des Aydes, oui le Procureur Général du Roi, pour être exécutées selon leur forme et teneur et jouir par l’Impétrant et ses ayants cause de l’effet et contenu en icelles aux charges portées par l’arrêt de la Cour du 9 février 1719, ordonnée que les procès et contestations qui pourront naitre au sujet desdites lettres pour raison de l’exécution des tailles et autres droits concernant Sa Majesté, accorde audit Impétrant et ses ayants cause, leur commis, ouvriers et domestiques, ne pourront être portés que par devant les officiers des élections des lieux, pour être par eux instruits et jugés en première instance, et par appelle en ladite Cour. Fait à Paris en la première chambre de ladite Cour des Aydes, le 31 mars 1729,

Collationné. Signé : Robert.

Collationné aux originaux par nous conseiller Secrétaire du Roi, Maison, Couronne de France et de ses Finances.