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Lettres sur les affaires municipales de la Cité de Québec/Chapitre XII

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Imprimerie de « L’Événement » (p. 29-31).

XII.


L’égoïsme de la plupart de nos capitalistes nous est donc trop bien connu, pour que nous puissions espérer les voir ouvrir de nouvelles industries, relever le commerce et donner de la valeur à la propriété foncière. Nous devons chercher d’autres moyens d’augmenter nos revenus.

Ce ne peut être par de nouvelles taxes, puisque celles que nous avons sont déjà trop onéreuses ; ce doit être en augmentant le nombre des contribuables, et en répartissant mieux les taxes entre eux.

Voici les réformes qui, suivant moi, pourraient augmenter nos revenus assez, non-seulement pour nous permettre de faire face à nos affaires, mais pour nous mettre en état de faire des améliorations.

La première consisterait à étendre les limites de la ville jusqu’au Cap-Rouge, à la Petite Rivière et à la Canardière. Nous forcerions ainsi à contribuer aux dépenses que nous faisons pour notre police, notre brigade du feu et nos rues, une foule de gens auxquels elles ne coûtent rien et rapportent autant qu’à nous.

On m’objectera peut-être, qu’il serait injuste de faire contribuer ces personnes au service des intérêts de notre dette municipale. — Je répondrai d’abord, que cette dette a été contractée pour des améliorations dont elles profitent comme nous. Et, si l’on ne trouve pas cette réponse suffisante, on pourrait ôter tout fondement à l’objection, en déchargeant les territoires qu’on annexerait, de la part de taxes afférente au service des intérêts de la dette de Québec.

Cette première réforme augmenterait nos revenus, en augmentant le nombre des contribuables. Mais, pour que notre organisation municipale soit satisfaisante, il faut encore d’autres réformes. Nous entendons tous les jours, des contribuables se plaindre de l’énormité des taxes qu’ils paient. Ces plaintes sont très-souvent bien fondées. Un grand nombre de contribuables paient des taxes qui sont certainement hors de proportion avec leurs ressources. Faut-il en conclure que le total des taxes est trop élevé, et qu’il le faudrait réduire ? Évidemment non : j’ai prouvé que le montant entier des taxes prélevées par la Corporation, est insuffisant pour payer les dépenses incontrôlables qu’elle doit faire, et effectuer les améliorations dont nous avons besoin. J’ajouterai même, que le total des taxes perçues par la Corporation de Québec, est relativement moins élevé qu’à Montréal ; en un mot, je soutiens que le fardeau des taxes est plus lourd à Montréal que chez nous.

Comment alors, allez-vous dire, expliquez-vous ce fait indéniable que, pendant que les contribuables se plaignent ici qu’ils sont ruinés par les taxes, on ne les entend rien dire à Montréal. L’explication de ce fait est très simple. D’abord, il y a beaucoup moins d’esprit public ici qu’à Montréal : pendant que, dans-cette dernière ville, vous ne verrez jamais un citoyen à l’aise se plaindre des taxes qu’il paie, ceux que, chez nous, vous voyez crier le plus fort contre les taxes, sont souvent des individus qui ne paient pas la moitié des taxes qu’ils devraient payer d’après leurs moyens.

Mais, pour être juste, on doit admettre qu’un grand nombre de contribuables, qui ne manquent pas d’esprit public, ont raison de se plaindre des taxes qu’ils paient. Comment alors, concilier cette admission avec ce que j’ai dit plus haut, savoir : que le total des taxes perçues par la Corporation n’est pas trop élevé ? La chose est facile : si le total des taxes n’étant pas trop élevé, beaucoup de contribuables paient plus que ne le permettent leurs ressources, c’est que ce total est mal réparti entre ceux qui le doivent payer. Nous devons donc chercher à arriver, non pas à une réduction du montant actuel des taxes, mais à une meilleure répartition de celles-ci entre les contribuables.

Quels moyens devons-nous prendre, pour arriver à une répartition plus équitable que celle que nous avons aujourd’hui ? Le seul qui puisse donner satisfaction à tout le monde et qui soit rationnel, c’est de répartir les taxes d’après le revenu de ceux qui les doivent payer. Mais il ne suffit pas de poser le principe de la taxe sur le revenu ; le plus difficile est d’en venir à l’application. Tout le monde est d’accord sur le principe, mais les divergences commencent dès qu’il s’agit de le mettre en pratique. D’après quel revenu repartir les taxes ? Un individu peut tirer des revenus de ses propriétés foncières, de ses capitaux, de son travail, de son industrie. Doit-on compter le revenu de toutes ces sources que peut avoir chaque contribuable ? Ainsi, par exemple, doit-on taxer un individu qui réside à Lévis, mais qui fait des affaires ici, sur tout le revenu qu’il peut avoir, même sur celui qui proviendrait de propriétés foncières situées à Lévis ou ailleurs ? Ce n’est pas tout : étant admis que nous allons taxer tel contribuable d’après tel revenu, il reste à constater le montant de ce revenu.

Ainsi, de quel revenu doit-on tenir compte, comment le constater, voilà deux questions dont la solution doit précéder l’adoption de toute taxe sur le revenu, et dont, autant que je puis le savoir, les partisans de la taxe sur le revenu ne se sont pas ou se sont peu occupés. Je vais essayer de les résoudre.