Lettres sur les affaires municipales de la Cité de Québec/Chapitre XIV

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Imprimerie de « L’Événement » (p. 37-38).

XIV.


Après avoir établi un bon système de taxes, il faudrait assurer le paiement exact de celles-ci. Je crois qu’un excellent moyen pour cela, consisterait à accorder un escompte à ceux qui paieraient dans un délai déterminé.

Mais ce serait en vain que nous augmenterions nos revenus, s’ils devaient être mal employés. Il est donc important que nous ayons une administration honnête, intelligente et active. J’ai déjà prouvé que nous ne la trouverions pas plus dans des commissaires nommés par le gouvernement, que dans un conseil électif. Mais on voit toute l’importance qu’a l’élection de ce conseil. Quelques changements dans la loi actuelle sur les élections municipales, seraient peut-être à propos. La longueur des observations que j’ai déjà faites ne me permet pas de les expliquer.

En résumé donc, je crois avoir prouvé que notre position, sans être brillante, est encore solide ; que notre administration municipale, dont on dit tant de mal, n’est pas plus mauvaise que celle de Montréal, dont on dit tant de bien ; que des commissaires ne l’amélioreraient pas ; que si notre situation est plus mauvaise que celle de Montréal, c’est parceque nous avons des dépenses indispensables relativement beaucoup plus fortes que celles de cette ville ; que nous devons chercher, non pas tant à mieux administrer nos revenus, qu’à les augmenter ; que le moyen de les augmenter sans fatiguer les contribuables, c’est d’étendre les limites de la ville et de mieux répartir les taxes ; que pour répartir celles-ci plus équitablement qu’aujourd’hui, il faudrait les baser sur le revenu des contribuables.

Travaillons donc pour obtenir ces réformes, au lieu de passer notre temps à des plaintes stériles, à un dénigrement systématique de nos institutions municipales. Je comprends ces plaintes et ce dénigrement, de la part de ceux qui regrettent de ne pouvoir nous exploiter mieux qu’ils ne le font aujourd’hui, qui voudraient pouvoir arranger à nos dépens, dans le huis-clos d’une commission, leurs petites affaires auxquelles le grand jour de la discussion publique au conseil est trop incommode. Mais, ce que je ne puis m’expliquer, c’est que nous nous laissions berner et duper par eux, jusqu’à consentir à nous faire les instruments des desseins qu’ils méditent contre nous, jusqu’à nous bander les yeux, jusqu’à demander, nous, sujets britanniques, habitués à la liberté, qu’on nous mette en servitude ; et cela, dans un moment où, non seulement la France, l’Espagne et l’Autriche, mais la Russie et la Turquie elles-mêmes, aspirent au self-government.

Cessons donc de donner un pareil spectacle à toute l’Amérique. Travaillons plus, critiquons moins, surveillons davantage, et nous verrons que la lumière vaut mieux que les ténèbres, la liberté que l’esclavage. Nous nous apercevrons bientôt que notre système municipal actuel, sans compter qu’il fait plus d’honneur à notre intelligence, aux yeux des étrangers, vaut mieux que toutes les commissions du monde.


Décembre, 1868.


FIN.