Lexique étymologique du breton moderne/I
Ia, oui, cymr. ie, cf. gr. ἦ « en vérité », got. ja, ag. yea (> y es) et al. ja, lit. je et ja, particule affirmative. Cf. aussi iéz.
Iac’h, adj., bien portant, corn. et cymr. iach, vbr. tac id. : d’un celt. *yakko-, cf. sk. yâç-as « prospérité » et yaç-âs « prospère », gr. ἄϰ-ος ; « remède » et ἰά-ο-μαι « je guéris »[1].
Ialc’h, s. m., bourse : soit une dérivation de forme indéterminable sur un radical *pell- qu’on trouvera sous 2 lenn (objet en cuir). — Conj.
Iaou, s. m., jeudi. Empr. lat. Ioois diê$].
Iaouank, adj., jeune, mbr. youanc, corn. iouenc, cymr. ieuangc. gaul. lovincillo-s n. pr., vir. oac, etc. : d’un celt. *yownko$ t cf. sk. yuoàn et yuvaçn « jeune », gr. Ὑάϰινθος n. pr., lat. juven-i-s « jeune » et juven-cu-s « jeune taureau », got. jugg-s, ag. young et al. jung (tous contractés d’un germ. *ynwuhga- identique au lat. juvencus), lit. jaùnas, etc.
Iaouher, adj., puîné, cadet, mbr. youaer « jouvenceau » : dér. du radical *yuv- du mot précédent.
Iâr, s. f., poule, mbr. et corn. yar, cymr. iâr, vbr. iàr, mir. eirin, ir. eireog, gael. eireag id. : soit un celt. *yur-o- ou *yarà, qui n’a nulle part d’équivalent sûr, sauf peut-être en balto-slave.
Iaren, s. f., quenouillée : métaphore tirée du précédent ?
Ibil, s. m., cheville, goupille, mbr. ebil, cymr. ebill, vbr. epill id. : d’un celt. *ak-willo-, à peu près identique au lat. aculeus « aiguillon » et à l’ags. awul > ag. awl « alêne », et dér. comme eux de rac. AK « pointu ». V. sous ék.
Iéc’hed, s. m., santé : dér. de iac’h. V. ce mot.
Ién, adj., froid, mbr. yen, exactement « glacial », cf. corn. iey, cymr. met iâen, vir. ai g et aig-red « glace », gael. oigh-re et d-eigh, etc. : dér. d’un celt. *yagi- « glace », qui ne se retrouve qu’en germanique, visl. jaki « glace » etjôkull « glacier », ags. gicel « glaçon », d’où ag. (ic-)icle.
Iéô, s. f., joug, mbr. yen, corn. ieu et ion, cymr. iau, ir. ugh-aim « attelage » : d’un celt. *yug-o-, dér. de rac. YUG, « joindre, atteler », sk. yug-a « joug » et yu-nâ-k’ti yuhk-té « il attelle », gr. ζυγ-ό-ς ; et ζεύγ-νῡ-μι, lat. jug-u-m et jung-ere, got. juk, ag. yoke et al. joch, lit. jùngas et vsl. igo « joug » ; commun à toute la famille.
Iéot, s. m., variante de yéot. V. ce mot.
Iéz, s. m., langage, mbr. yez, cyrar. iaith « dialecte » : soit celt. *yek-ti-, d’une rac. YEK qui ne se retrouve avec certitude qu’en germanique, vha. jeh-an « dire », jiht et bi-jih-t « aveu »[2].
Ifern, s. m., enfer (aussi ivern, ihuern V.), corn. ifarn > yffarn, cymr. uffern, vir. ifurnn, ir. ifrionn, gael. ifrinn. Empr. lat. infernum.
Iforn, s. m., pelle à enfourner : abstrait du mbr. yffornoff « enfourner ». Empr. bas-lat. *infornare. V. sous 1 en et forn.
Ijin, s. m., adresse, ruse, industrie (aussi injin). Empr. fr. ancien engin < lat. ingenium.
Ilboéd, s. m., disette, mbr. elboet, cymr. ellbwyd id. : le premier terme est inintelligible[3]. V. le second sous boéd.
Ilin, s. m., coude (aussi élin), corn. et cymr. elin, vir uil-in, ir. Mï7/e, gael. uileann id. : d’un celt. : :, o/-éno-, gr. ὠλένη, lat. u/na « l’étendue des bras », ags. eln, d’où ag. el-bow (exactement « pli du coude »), cf. al. elle « aune » et ellen-bogen « coude ».
Iliô, s. m., lierre, mbr. ilyeauen, corn. tâAi’o, cymr. eiddew, ir. ecten/ ? > eidhean, gael. eidheann[4] id : d’un celt. *edenno- pour *ped-enno-, dér. de rac. PED, « saisir, lier » (plante grimpante) ; cf. gr. πέδ-η) « lien », lat. ped-ica et com-ped-ës, ag. fett-er « lien », al. fass-en etfess-el, etc.
Iliz, s. f., église, mbr. i/«, corn. e#/os et cymr. eglwys, etc. Empr. lat. ecclësia, mais contaminé en br. du fr. église.
Inam, s. m., bouillon blanc : altéré pour di-nam « l’innocent, le salutaire », sobriquet[5]. V. sous 1 di- et nam.
Inkruzun, adj., mal bâti : exactement « affligeant, désagréable [à voirj », dér. de ehkrez. V. ce mot et burzud. — Conj.
Ingéd, s. m., pluvier de mer. — Étym. inc[6].
Iṅgroez, s. m., variante de eṅgroez. V. ce mot.
Inodein (V.), vb., monter en épis : le même que di-oda, mais avec le préf. in- = 1 en, V. ces mots et cf. nodi.
Inrok (V., C), s. m., avance. V. sous a-raok.
Iṅtaṅv, iṅtaoṅ, iṅtav, adj., veuf, mbr. eintaff, vir. ein-tam « célibataire » : d’un celt. *oino-tamo- « tout à fait seul », superlatif de *oino-, « un, seul »[7]. V. sous eunn, unan, itrôn, etc.
Iṅtr, s. m., tache, etc. : abstrait de iṅtret, « sali, imbibé ». Empr. bas-lat. intrātus au sens de « pénétré, imbibé », ou simplement fr. entré.
Iôd, s. m., bouillie, mbr. yot, corn. et vbr. iot, cymr. uwd, vir. ith id. : d’un celt. *yu-to-, rac. YU, dont les autres dérivés connus sont sk. yūs et yūsa « bouillon », gr. ζύ-μη « pâte aigrie », lat. jūs et vsl. jucha « jus ».
Ioc’h (V.), s. f. (aussi iuc’h V.), monceau, mbr. yoh « meule » : contamination du radical de 1 hôgen et du fr. jucher. — Ern.
Iouc’ha, vb., crier : cf. mhal. jùch-ezen > al. jauchzen, bien que les deux mots s’expliquent isolément par onomatopée. Cf. le cri br. you you yoù-oû.
Ioul, s. f., volonté, projet, mbr. eoull, corn. awell, cymr. ewyll (et cf. vbr. aiul « de plein gré »), vir. ail, gael. àill « désir » : soit un celt. *aw-illā « désir » et *aw-illo- adj., dér. de rac. AW, « souhaiter, être favorable ». sk. av-a-ti « il seconde », lat. av-ēre « désirer », avidus, etc.
Iour (V.), s. m., variante dialectale de éôr.
Iourc’h, s. m., chevreuil, mbr. yourch, corn. yorch, cymr. iwrch, vbr. iurg-chell id. : d’un celt. *yorko-, auquel on ne voit de répondant que le gr. ζόρξ et ζορϰός « daim », aussi δόρϰος, δορϰάς, ἴορϰος.
Ioust, adj., mou, délicat : peut-être d’un celt. *aisto- « brûlé > amolli », cf. lat. aestus « chaleur ». V. la rac. sous oaz[8].
Irien (C.), s. f., trame, mbr. iryenn, et ilyanenn <( pièce de toile » : l’un et l’autre pour *ir-lien- <i*ar-lien- « à travers la toile ». V. sous ar- et lien. — Conj. Ern. — Ou simplement éré lien « lien de la toile ». V. ces mots.
Irin, s. m., variante plus ancienne de hirin.
Irvin, s. m., navet, cymr. erfin « grosse betterave » : soit un celt. *arbīno-, métathèse pour *rab-īno-, et cf. gr. ῥαφ-άνη « rave », lat. rāp-a. al. rūb-e (le mot a voyagé sans qu’on en puisse tracer la route).
Is, adj., bas, cymr. is, vir. iss « en bas », ir. s-ios « vers le bas », etc., gael. ios « en bas » : tous d’un adv. celt. *end-sô, dér. d’un radical i.-e. *ndh-s-, sk. adh-às « au-dessous », lat inf-rà, inf-imu-s, et îmus (< *ind-s-mo-), got. und-ar, ag. under, al. unter « sous », unten « en bas ».
Isa, vb., exciter (un chien), exciter. Onomatopée (hiss !).
Iskiz, adj., vil, laid. V. sous is et 2 kîz.
Itrôn, itroun, s. f., dame, mbr. ytron id. : pour *in-tron, qui suppose un celt. *oino-trawon- « [épouse] unique > maîtresse de maison »[9] par opposition aux concubines. — Loth.
Iûd, adj., traître. Empr. lat. Judas, contaminé du fr.[10]
Iuda, vb., crier, hurler, mbr. iudal, cymr. udo (aussi br. udeinV.) : rapprochements douteux, étymologie très peu claire[11].
Iûn, s. m., jeûne. Empr. lat. jëjUnium.
Iuzéô, s. m., juif, corn. yudhow > yedhoœ > edhow, cymr. iuddew. Empr. lat. Jûdaeus, venu du nom de la tribu de Juda.
Ivé, ivéz, adv., aussi, de même (aussi éc’hué >> éhué V.) : pour *in-goez « en [même] aspect », cf. 1 en Qihervez.
Ividik, s. m., tempe : exactement « [endroit] sensible », dér. d’un mbr. *iou, « mou, coi, bon », qui jusqu’à présent n’est pas identifié[12].
1 Ivin, s. m., ongle, corn. ewin, cymr. eguin> ewin, vir. inga (gén. ingen), ir. et gael. ionga (gén. iongan et ing-ne) id. : d’un celt. *eng-ïnà, dont le radical i.-e. est *ngh-, cf. sk. nakh-â[13], gr. ὄνυξ (ὄνυχ-ος), lat. ungu’i-s, ags. naeg-el > ag. nail, al. nag el, lit. nâg-a-s « ongle » et nag-à « sabot », vsl. nog-a « pied » et nog-Uti « ongle ».
2 Ivin, s. m., if, corn. hiuin, cymr. yw, vir. eo id. : pour *iw-in[14], dér. d’un celt. *iwo- > gaul. *ivos, d’où procède aussi le fr. if et peut-être l’ai. eibe.
Izar, s. m., lierre terrestre, cymr. eidr-al Empr. lat. hedera[15].
1 Izel, adj., bas, corn. yssel > ysel, cymr. et vbr. isel, etc. : soit un dér celt. *end-s-ello-. V. le radical sous is.
2 Izel, s. m., variante altérée de ézel[16].
- ↑ Rapports très obscurs, et l’i long du gael. et de l’ir. (vir. iœalm, gael. toc) complique encore la question.
- ↑ D’où al. beichte « confession ». — Un rapport lointain avec la particule ia est au moins probable. V. ce mot.
- ↑ Vir. il-, ir. et gael. lol-, cymr. ell- (préfixes) signifie « beaucoup » (sk. purà, gr. πολύ, got. fl/u, al. ciel id.) : c’est exactement l’inverse du sens du composé. Le second terme était- il un mot apparenté au lat. famë*, que l’étymologie populaire a transformé du tout au tout quand l’ensemble n’a plus été compris ? L’absence de mutation le rend en tout cas suspect. Le problème semble inextricable.
- ↑ L’l br. entièrement isolé (ou attendrait iziô) est dû à la contamination de quelque autre nom d’arbre, par exemple illy. V. sous hilibèr. — Conj. Ern.
- ↑ Abstrait de la locution ann dinam ^ - ann ninam ^ > ann inam. Cf. 1 aer, etc.
- ↑ La seconde syllabe doit être la même que dans barged.
- ↑ Serait en lat. *oino-tumo- > *ūnitimus, cf. finitimus « limitrophe », et -tama- suff. superlatif sk.
- ↑ Sur ce mot difficile et ses variantes bizarres, voir le Gloss. Ern. p. 338, et cf. foesk, mais sous toutes reserves phonétiques.
- ↑ Le suff. est le même que dans aotrou, mais féminisé. Quant au radical, voir sous eunn et lAtaAo.
- ↑ Car la forme régulière serait *iàz. Cf. iuzéô.
- ↑ Ou peut songer à la rac. YUDH « combattre » (sk. yûdh et gr. ὑσ-μίνη « bataille »), qui a formé plusieurs noms propres anciens bretons commençant par Jud-, Le mot signifierait alors « se battre > pousser le cri de guerre > crier ». Mais le d breton fait difficulté.
- ↑ Il n’existe plus comme mot isolé, mais sert de suffixe dans la formation tad-you « grand-père » (fr. bon-papa), etc.
- ↑ Le kh asiatique au lieu de gh procède d’alternance indo-européenne.
- ↑ Le w devenu v en br. sous l’influence du fr. if.
- ↑ Ou dérivation de l’ancien radical br. *iz- « lierre » que le mot iliô a perdu par corruption ?
- ↑ Faux singulier abstrait du pluriel izili.