Livre:Ibels - Les Cités futures, 1895.djvu

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TitreLes Cités futures, Poème précédés du Livre prophétique
AuteurAndré Ibels Voir l'entité sur Wikidata
ÉditeurPréface de Auteur:Paul Adam Voir l'entité sur Wikidata
Maison d’éditionBibliothèque de l’Association
Lieu d’éditionParis
Année d’édition1895
BibliothèqueBibliothèque nationale de France
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Vers d’airain pour Paul Adam

Proclamation

LE LIVRE PROPHETIQUE

I. - Les Rois que les ruses et les pièges auront dépouillés de la Vie bienheureuse, évoqueront, à travers les siècles ressuscités, leurs aïeux: les générations héroïques

tombées dans la renaissante révolte, qui appelleront par les chemins du Monde, les Affranchis épars et faiblissants. Et leurs voix seront pleines de reproches - et encore -

elles conjureront les Libres-Enfants de détruire les villes des Faux-Mages et de s’exiler vers les chanaans lointains où s’édifieront les Cités Futures

II. - E t ces Voix les délivreront de la Ténèbre pesante des Lettres et des Dogmes. Et sera en eux la soif de vie qui était dans ces Rois

III. - Aussi - Les Rois, dans les villes qu’ils traverseront, crieront la bonne Parole. - E t les jeunes hommes dont le coeur sera encore fier, accoureront

IV. - Et guéris du Mal amer du Doute, ils connaîtront la triomphante certitude

V. - Et les Rois brûleront les villes illustres dont les ombres vaniteuses leur déroberont le Soleil

VI. - Et un Poète-Roi saluera un frère disant: Sois libre et chante!

VII. - Et sur leur chemin infiniment allongé sous l’Azur, ils rencontreront l’Un de ceux qui vivent dans l’ombre asservissante des murailles, et celui-ci dira à la multitude: "

Ceux qui entraient dans l’Aurore en quittant la cité, resplendissaient. Voici, la joie était sur leurs lèvres et la beauté sur leur front"

VIII. - Et un Roi saluera un frère disant: Sois libre et prêche

IX. - Et un Poète-Roi saluera un frère disant: Vis et combats

X. - Et quand les peuples résignés sauront que par les grandes plaines marchent ainsi les Rois, ils viendront et gémiront: "Que la dispersion soit dans nos coeurs faibles

qui n’osent... Que la poussière reprenne ceux qui baissent le front vers la poussière et que le néant retombe au néant."

XI. - Mais après ces paroles hypocrites, les Peuples résignés s’empareront d’un Roi et le crucifieront sur la route. Et un Poéte-Roi, en passant, saluera:

XII. - Et dans les haltes, les Rois songeront à tous ceux que les haches des justices menteuses auront touchés; à tous les symboles périssables qui leur auront pris la foi:

et ils pleureront dans le gémissement des voix nocturnes

XIII. - Un d’entre eux sera pris sur la route, et les Peuples s’acharneront sur son corps, on martyrisera ses membres, on lui crevera les yeux, mais il sourira pendant les

supplices et chantera les débâcles prochaines. A l’aube on lui tranchera la tête, et un Poète-Roi saluera:

XIV. - Alors, les Rois verront que sous le ciel de l’illusion, s’éloignera tous les jours la terre de promesse, crue prochaine, et, devant leurs yeux passera la dernière image

de Celui qui marqua du signe des destructions totales: Sion, la ville qui tuait ses prophètes

XV. - E t un Roi saluera une Reine, disant: Soyez aimée

XVI. - Et un Roi saluera un frère disant: Soyez libre

XVII. - Et un Roi se sentant mourir se fera fermer les yeux dans les ombres

XVIII. - Et un Poète-Roi pleurera, ne songeant que des Temps infinis, le séparent de l’Initiatrice

XIX. - Et les Rois diront dans leur coeur: "Nous passerons dédaigneux des Croix ou les Forts sont cloués par les Faibles, les Justes, par ceux des synagogues et des corps

de garde: car c’est à la persistante avidité et à l’universelle inconscience que sont offerts les Sacrifiés." Les Rois libres sous le Libre-Azur se coucheront aux fossés, quand

ce sera l’Heure

XX. - Un Roi qui aura conquis son rêve, chantera

XXI. - Et un Roi saluera une Reine, disant : Soyez aimée

XXII. - Et comme ils passeront dans une vallée, un Poète-Roi montera sur le flanc d’un coteau et saluera ses frères, les Rois Révoltés

XXIII. - Et il annoncera le Roi des Rois, l’Homme, celui qui jaillira de la confusion, portant à ses tempes sacrées le signe surhumain de l’élection spirituelle

XXIV. - Puis, le poète-Roi chantera ses frères tombés au chemin libre. Il dira aussi aux Rois: "Vous êtes l’Exemple, l’Amour, la Lumière, l’Espoir de nos races, et la pierre

angulaire des Cités Futures." Après, il criera, avec un geste destructeur, - car dans cette foule il y aura des Méchants et des Fourbes: - "O vous qui êtes disséminés dans

l’ombre de nos pas, vous êtes le Scandale, la Haine, la Ténèbre, l’Envie et la Trahison, et vous serez anéantis afin que vous n’engendriez pas, mais d’ici là, si vous avez

des fils contaminés, ils seront traités moins rigoureusement que vous. Car, tant que la vie est au jeune coeur, on peut espérer

XXV. - Au rivage des Mers la vague chantera, et les Rois silencieux écouteront: Elle dira l’éternelle Impersonnalité, acclamant les Conquérants qui la frappent, et huant les

Martyrs que des cages de fer portent aux Iles lointaines. Elle dira l’éternité de sa vaine supplication, et les Rois penseront: "L’abîme reste l’abîme, rien ne le comblera que

les éclairs!"

XXVI. - E t sur le soir, pendant que la tempète grandira encore, un des Rois grandira sa voix avec elle, et bientôt dominera l’ouragan, et le cri de l’homme sera sur le cri de

rage de la mer comme un tonnerre sur le vain tumulte des foules. "O mer, le souffle du vent qui passe, te soulève comme un coeur de feu traîne après lui les multitudes.

Mais j’apporte la flamme haute de l’Esprit que les Vents n’atteindront, ni l’humilité des coeurs!."

XXVII. - Puis, les Rois reprendront leur marche, en longeant les grèves, et dans les Villes qu’ils traverseront, comme ils verront souvent dans les arènes, des tigres que la

foule réservera pour les jeux publics et les supplices, les Rois penseront: "Quel est donc ce peuple qui ose crucifier des tigres!"

XXVIII. - E t, à l’un d’eux qui voudra s’en retourner vers les villes abandonnées, un roi dira: "Ne veux-tu pas [sauver du néant les terres affranchies?"

XXIX. - A l’Aurore, sur les places des Villes, comme les foules leur demanderont où ils vont? un Apôtre clamera: "Bâtir la Cité haute."

XXX. - Ils connaîtront la douleur des choses

XXXI. - Mais, insoucieux des moyens, ainsi qu’ont prescrit les Livres de sagesse et comme ont ordonné aussi les Prophètes, les Rois commenceront la belle Purification

XXXII. - E t de méme qu’après la destruction de Sodome et de Gomorrhe l’orage éclatera, et sur les ruines, - selon la prophétie, - les Rois voudront élever la noble Cité

d’Orgueil. Quand ils auront brûlé la ville morte et que la charrue aura passé sur les décombres, ils jetteront ses cendres au vent et transporteront au loin les pierres et les

marbres sculptés, vains symboles d’un vieux monde adorateur; et un Sage, sur la route, s’en étonnera

XXXIII. - Enfin, tout près des mers, les plaines d’ombre et de soleil se montreront, et un Prophète, un Sage, leur dira la Vie bienheureuse

XXXIV. - Et des Rois, dans l’espoir prochain de retrouver la Vie bienheureuse, travailleront nuit et jour, - et ils évoqueront le grand matin

XXXV. - Et les autres Rois qui resteront s’en iront jusqu’à la grève, et ils s’empareront de vaisseaux pour gagner l’Ile heureuse. Mais par une tempête la confusion régnera,

et devant l’inhabileté des matelots qui chanteront déjà la triomphale victoire, le Poète-Roi regagnera sagement les rives de la Cité d’orgueil. Le vaisseau sombrera et les

Rois périront. Et le Poète-Roi pleurera son REVE!

XXXVI. - Et un Poète de la Cité d’Orgueil - enfin bâtie - le saluera, disant: O Roi sage et prudent, voici que la Beauté libératrice t’appelle!

DEUXIEME PARTIE

XXXVII. - Alors le Poète-Roi s’exilera pour la première fois - et volontairement - des Cités d’orgueil; ses yeux avides de conquête chercheront la Beauté. Il marchera

longtemps sans la rencontrer; puis par un beau jour mourant il la trouvera agonisante au fond des Parcs que, déjà, déserteront les Cygnes

XXXVIII. - Et le Poète-Roi croisera une troupe de Cygnes qui s’exilera pareillement. Le Poète chantera leur gloire, mais son chant sera triste. car il se souviendra des

martyrs tombés qui portaient aussi des poitrails de Cygnes

XXXIX. - Et il se souviendra aussi des foules hurlantes, des traîtres, des coeurs mauvais qui mirent à mal son Rêve - et il blasphémera le Passé et le rayera de ses yeux, et

selon une prophétie il se sentira grand, étant seul

XL. - Puis, dans l’ombre, il verra d’antiques marbres que les chênes vieux abritent de leur orgueil, et, comme il regardera ces yeux, blancs des pures légendes, il lui

semblera que les lèvres mortes des statues voudront parler. Alors, pour entendre les voix qui ressusciteront en son honneur, il s’étendra au pied d’un socle que couronnera

Apollo, et s’endormira ayant un peu de mort en lui, et Pan chantera ses regrets ainsi que la nymphe, ainsi que le gazon sur lequel il sommeillera. A son réveil la forêt

murmurera plaintivement ses charmes, comme un sanglot hâtif d’un coeur vide à l’automne

XLI. - A l’Automne, les feuilles tomberont, et le Poète dira la dérision de toute vie... et il clamera dans le vent jauni. "O Parc! je m’en vais voir l’ombre que tu devins

XLII. - Le Poète-Roi murmurera des mots de souvenir - car son coeur aimera la vie - le décor étant le même, ses lèvres prouveront qu’il n’aura pas tout à fait désappris le

Passé

XLIII. - Dans la résurrection des autans, le Poète se sentira troublé, car il pensera à la mort irrémédiable des Choses

XLIV. - M is en présence des luttes incessantes des ombres contre les clartés, le Poète-Roi comprendra que les Faibles seront éternellement contre les Forts, et que seul, a

régné, règne et régnera le Néant-Triomphateur

XLV. - Dans un palais abandonné, le Poète-Roi s’offrira la joie de boire en des coupes ciselées

XLVI. - Et comme l’heure brûlante tintera, il regardera le Parc

XLVII. - Mais, s’étant levé, il verra dans l’horizon une armée de bûcherons qui abattra les chênes, et des hommes qui mettront en poussière les ruines des fastueuses

époques. Et le Poète-Roi pleurera amèrement la mort de la dernière Beauté

XLVIII. - Et des voix mauvaises et blasphématrices lui cogneront le coeur, et ces voix l’engageront au retour définitif vers les VILLES

XLIX. - Puis le Poète-Roi connaîtra pour la seconde fois la douleur de l’Exil. Sans colère il élèvera sa voix en faveur de la Beauté tuée, dont il saluera les dépuilles - et cette

voix troublera l’Eternité

TROISIEME PARTIE

L. - (Epilogue)

I. - Le Poète-Roi, chassé des Parcs massacrés, rencontrera sur le chemin une femme, belle sous le fard, qui l’engagera à reprendre le chemin des villes. Et elle le tentera

car elle sera la Vieille Humanité, l’éternelle Calypso.

II. - Mais le Poète-Roi dédaignera cette Prostituée, car il réservera son coeur à d’autres destinées.

III. - E t l’Enfant farouche s’éprendra peu après d’une Vierge qu’il baptisera Eucharis, car elle sera l’éternelle Grâce et la vivante Beauté. Et leur Race sera forte, car les

races de Rois n’engendreront que des races de Rois, les races d’amour n’engendreront que des races d’amour, - de même que les esclaves n’engendreront jamais que

des races d’esclaves.