Livre de raison de la famille Fontainemarie/03

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III.

JOURNAL DE MADAME DE FONTAINEMARIE, NÉE BOUTIN
(1741-1750)



Mademoiselle Louise Calabre, ma mère, est morte le 12 février 1741 et M. Blaise Boutin, mon père, est mort le 22 mars de là mesme année, tous les deux âgés environ soixante-quatorze ou quinze ans, tous les deux ensevelis dans la chapelle dédiée à Saint-Roc dans l’égiise paroissiale de Saint-Vivien.

Monsieur François Fontainemarie, mon mary, seigneur de Castecu, Conseiller du Roy en la Cour des Aydes et finances de Guyenne et doyen de ladite Cour mourut le 19 novembre 1741 à 10 heures du soir à Marmande, âgé de soixante-dix-huit ou dix-neuf ans. Il fut enseveli aux Carmes dans le tombeau de la fammille (sic) qui est sous nostre banc.

Jeanne Fontainemarie, ma fille aînée, a épousé Joseph de Villepreux le 10 avril 1742[1] dans l’église parroissialle de Marmande avec mon approbation et de tous ses parents les plus proches. Il n’y eut point de feste à cause de la grande affliction où je suis de la perte de mon cher époux. Il y avoit sellement (sic) à la messe sa tante, sœur à son cher père, une autre tante épouse de Jean Fontainemarie, appelée Grayon, mon beau-frère, Catherine Fontainemarie, ma seconde fille, sa sœur. Mes deux dernières filles sont au couvent et mes deux fils à Poitiers. Il y avoit aussi à la nosse M. de Villepreux, le frère à l’époux. Je ne l’aurois pas mariée sy tot sans la situation de mes affaires. M. Ballias, notaire de cette ville, a passé le contract[2].

Le 21 janvier 1752, j’ay eu le malheur de perdre M. de Villepreux, mon jendre (sic), époux de ma fille aynée, par une maladie bien courte et inconnue aux messieurs les médecins qui l’ont veu[3] ; il a lessé 2 garsons[4] et 2 filles[5] et son épouse ensinte de 8 mois ; il est enseveli dans l’église des R[é]v[érents] P[ères] Cordeliers dessous la chère dens une quave. Le 19 février, ma fille, femme de M. de Villepreux, est accouchée d’une fille environ une heure après midy. La servente et le fils de M. Maubourguet l’ont tenue ; elle a esté baptisée dans l’église parroissialle de Marmande, par M. Bernus, viquere de cette ville. On luy a donné le nom de Jeanne qu’on nomme présentement Angélique[6].

Le 11 juin 1743, Catherine Fontainemarie, ma segonde fille, a épousé Jean-Baptiste Boutet de Labadie, de la parroisse de Virazeil, procureur du roy de cette ville, avec mon approbation et de tous nos parents et de ceux de son époux. M. Boutet, prêtre, frère de l’époux, les a épousé dans l’église parroissialle de Marmande par la permission de M. Delbès, curé de cette ville. Mes deux fils, ses frères, sa sœur l’ainée, son mary M. de Villepreux, sa tente ma belle-sœur, sœur à mon mary, sa tente femme a M. son oncle, nommé Grayon[7], M. le Chevalier Villepreux estoient à la messe. Mes deux autres filles jumelles estoint au Couvent ; c’est pourquoy elles n’ont pas esté à la messe. — M. Ballias, notaire, a passé le contrat.

Le 29 septembre 1750, Jean-Batiste Fontainemarie, mon fils ayné, a épousé Mademoiselle Rose Dublan dens l’église de Saint Projet à Bordeaux par mon consentement et de tous ses parens. M. Balias, notaire, et conterroleur de Marmande a fait se mariage. Il a esté à la nosse et M. de Villepreux, mon gendre. Il n’y a pas esté d’autre personne à cause des embarras de la sayson, mais quand ils furent arrivés à Marmande nous invitâmes beaucoup de monde avec nos parens. Le tout s’est passé avec grande joye de toute part. Il n’y vint que M. Dublan, père de ma belle-fille, pour l’accompagner. — Le contrat fut passé à Bordeaux et retenu par Sarraute, notaire, le 28 septembre 1750[8].

  1. Madame veuve de Fontainemarie, à l’occasion du mariage de sa fille aînée avec Joseph de Villepreux, cousin de Jeanne, fit les cadeaux indiqués dans la note que voici :
    « Le 10 avril 1742.

    « Mémoire des nipes que j’ay donné à ma fille aynée en la mariant et à son mary en recannoissance des bons services qu’il m’a rendu ou présent que je leur ay faict :

    « A ma fille, un habit de pou de soye, presque neuf, que j’avois pour le deuil et une quoffure (sic) et manches de gase d’Italie, toute neuve, pour le deuil.

    « Plus un autre habit de beau satin que j’avois et que je n’avoit jamais porté.

    « Plus une quoiffure avec une belle dentelle que je n’avais aussi jamais porté avec les manches.

    « Plus une autre belle quoiffure et manches d’une maline demi-neuve et bien d’autres petites choses qui achevoit de la bien asortir.

    « Je donné aussi un habit à M. de Villepreux de présent pour porter le deuil de M. Fontainemarie, mon mary. Cet habit et autre chose pour ma fille me coutèrent 240 livres.

    « Plus j’ay donné des arbres qu’on coupa à la metairie de Saint-Saibe pour racommoder la maison de La Réolle qui appartient à ma fille. Blaise Constant, charpentier, a estimé ces arbres 8 ou 9 écus et je n’ay rien voulu desdits arbres.

    « Plus :

    « Le 25 décembre 1742.

    « J’ay donné de présent comme ce qui contient ci-dessus à ma même fille une robe de damas blanc, une quoiffure et une paire de manches le tout pour le demi-deuil qui m’a coûté 172 livres 14 sols, présent que j’ay bien voulu faire par l’amitié que j’ay pour elle et pour son mary et par reconnoissance de tous les services qu’il m’a rendu et qu’il me rend tous les jours à moy et à toute ma famille. »

  2. Sur plusieurs membres de la famille Ballias, voir la monographie de Marmande, pp. 115, 116, 118, Un Guillaume Ballias, sieur de Laubarède, commissaire des guerres, fut au nombre des électeurs de la noblesse aux États généraux de 1789 à cause de son fief de Montagut.
  3. Le testament de noble Joseph de Villepreux, écuyer, fut rédigé, le 20 janvier 1752, par « sieur Hellies Ballias, bourgeois, jurat, notaire royal. » Dans ce testament J. de Villepreux, après avoir recommandé à sa femme de garder viduité, institue pour son héritier général et universel son fils aîné Jean-Baptiste. Il y mentionne ses trois autres enfants et aussi son frère, Honoré de Villepreux, écuyer, que nous retrouverons à l’Appendice dans l’Essai de bibliographie des livres de raison.
  4. Les deux garçons s’appelèrent l’un et l’autre Jean-Baptiste. L’aîné épousa sa cousine, Catherine de Fontainemarie et ne laissa de ce mariage qu’une fille qui décéda sans postérité. Le cadet, connu d’abord sous le nom de chevalier de Villepreux, entra dans les ordres sacrés en 1776 ; il reçoit, dans les actes qui ont passé sous mes yeux, les titres de prêtre et docteur en théologie.
  5. Une des filles, Marie-Marguerite, fit ses vœux au couvent des dames Carmélites à Bordeaux, en 1764. L’autre, Anne-Marie, épousa en 1776, Jacques Coutausse de Saint-Martin. J’extrais du Projet du contrat de mariage de mademoiselle Anne-Marie de Villepreux avec le sieur noble Coutausse de Saint-Martin, avocat, passé devant Bellile, notaire royal à Marmande, le 6 août 1776, les indications suivantes « Furent présents noble Jacques Coutausse de Saint-Martin, avocat au Parlement, fils naturel et légitime de noble Pierre Coutausse de Saint-Martin et de feue dame Catherine Barbe de Coulomna, natif de la ville de la Sauvetat de Caumont audit Agenois et habitant avec ledit sieur son père dans la paroisse de Cours (juridiction de Piles, évêchéde Sarlat, en Perigord), d’une part, et demoiselle Anne de Villepreux, fille naturelle et légitime de feu messire Joseph de Villepreux, écuyer, et de dame Jeanne de Fontainemarie, native et habitante de ladite ville de Marmande, ledit sieur Jacques Coutausse de Saint-Mariin procédant de l’avis et assistance de noble Antoine de Vivie, sieur du Vivier, son parent, agissant pour et au nom de dame Catherine Barbe de Coulouma, veuve de messire Gaston-Hilaire de Courson, écuyer, demeurant dans son château de Fremaure, paroisse de Romagne, jurisdiction dudit La Sauvetat de Caumont, et aussi pour et au nom de demoiselle Marie-Anne Barbe de Coulouma, demeurant dans ladite ville de La Sauvetat. » Le mari de Mlle de Villepreux devint procureur général et membre du corps législatif. Leur fils unique, Jacques Félix, capitaine dans la garde impériale, fut tué pendant la campagne de France, en 1814. Voir la généalogie De Vivie de Régie dans le tome II du Nobiliaire de Guienne et de Gascogne, par O’Gilvy, p. 309.
  6. Cette fille était morte avant le 5 août 1758.
  7. Cet oncle était Jean de Fontainemarie, le quatrième fils de Jacques. Dans les Articles de mariage accordez entre noble Jean Grayon de Fontainemarie, fils naturel et légitime de feu messire Jacques de Fontainemarie, seigneur de Castecu, doien de la Cour des Aydes de Bordeaux, etc., et damoiselle Anne de Lapeyre de la Sauviolle, fille naturelle et légitime de feu noble Jean de Lapeyre, escuier, sieur de Sauviolle et de dame Marie de Villepreux, on attribue au futur époux le lieu de Grayon, situé dans la jurisdiction dudit Marmande, paroisse de Beaupuy et environ la moitié du domaine de la Duronne (métairie de bas), et à la future épouse la metairie de Lespinasse, située dans la jurisdiction de Mauvezin. La mère du fiancé se réserve la jouissance du lieu de Seguin situé audit Mauvezin. Parmi les assistants figure noble de Lapeyre, escuyer, seigneur de Lalanne, cousin de la fiancée. Le contrat est passé à Marmande (octobre 1709) « dans la maison qu’occupe ladite dame de Villepreux quartier de Lestang. »
  8. Voir un peu plus loin ce que dit de son mariage Jean-Baptiste de Fontainemarie.