Louÿs – Poésies/Premiers vers 7

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Slatkine reprints (p. 25-26).

MÉLOPÉE

Chanson


Si je pouvais, si je pouvais dire
À ses yeux pers qu’ils m’ont rendu fou,
Que je mourrais devant leur sourire
Pour ses bras blancs pendus à mon cou !
Si je pouvais, si je pouvais dire
À ses yeux pers qu’ils m’ont rendu fou !

Si je pouvais, si je pouvais faire
Quelque haut fait qui pût l’ébranler !
Pourquoi faut-il souffrir et me taire
Quand j’ai si mal de ne point parler ?
Si je pouvais, si je pouvais faire
Quelque haut fait qui pût l’ébranler !

Si je pouvais, si je pouvais croire
Qu’elle a compris, qu’elle m’aime un peu !
Mais non, j’ai dû quitter sa mémoire !


Elle m’oublie… Et pourtant, mon Dieu !
Si je pouvais, si je pouvais croire
Qu’elle a compris, qu’elle m’aime un peu !

Si vos grands yeux savaient ma tristesse
Et que leur paix cause mon souci,
  Vous diriez aussi :
Ne doutez plus ! Votre amour m’oppresse :
  Je vous aime aussi !

Si nous pouvions mêler nos pensées
Et nos regards et nos doigts tremblants !
Si nous pouvions aller, las et lents,
Parmi l’oubli des peines passées,
Rêver d’amour sous les tilleuls blancs !