Lyriques grecs/Callimaque/En l’honneur de Délos

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En l’honneur de Délos
Traduction par Gabriel de La Porte du Theil.
Lyriques grecs, Texte établi par Ernest FalconnetLefèvre, Charpentier (p. 507-518).

VI. EN L’HONNEUR DE DÉLOS.


Dans quel temps, ô ma Muse ! en quel jour chanteras-tu la nourrice d’Apollon, l’île sacrée de Délos ? Sans doute les Cyclades méritent toutes d’être chantées, elles sont les plus saintes des îles ; mais Délos veut ton premier hommage. C’est elle qui reçut le dieu des poëtes au sortir du sein de sa mère ; c’est elle qui l’enveloppa de langes et l’adora la première. Ainsi que les Muses dédaignent le poëte qui ne chante pas les eaux de Pimplée, ainsi Phébus dédaigne celui qui peut oublier Délos. Délos recevra donc aujourd’hui le tribut de mes vers ; et toi, dieu du Cinthius, applaudis au poëte qui n’aura point négligé ta nourrice.

Délos, terre ingrate il est vrai, battue des vents et des flots, voit sur ses rives moins de coursiers que de plongeons. Inébranlablement fixée dans la mer Icarienne, dont les vagues amoncelées rejettent leur blanchissante écume sur ses bords, elle semble n’être faite que pour servir de retraite à ces hommes errants qui s’arment contre les habitants de l’onde[1]. Toutefois, quand les filles de l’Océan et de Téthys[2] se rassemblent chez leur père, toutes, sans envie, cèdent le pas à Délos. La Corse, bien qu’elle ne soit pas sans honneur, la Corse ne marche qu’après elle, ainsi que l’aimable Sardaigne, ainsi que l’île aux rivages prolongés qu’ont peuplée les Abantes, et celle qui, pour avoir accueilli Vénus au sortir de l’onde, a toujours ressenti ses bienfaits. La force de ces îles est dans leurs tours : celle de Délos est dans Apollon ; quel rempart est plus ferme ? Souvent le souffle impétueux de Borée renversa les murs et les pierres ; mais un dieu n’est jamais ébranlé. Heureuse île, tel est, à toi, ton gardien !

Mais au milieu de la vaste carrière que ta gloire ouvre à mes chants, quelle route suivrai-je pour te plaire ? Dirai-je comment un dieu terrible, d’un coup du trident que lui avaient fabriqué les Telchines, sapa les montagnes, les arracha de leurs fondements, et les faisant rouler dans la mer, en forma les premières îles ? Dirai-je qu’il les fixa toutes dans l’abîme par de profondes racines pour leur faire oublier le continent, tandis que toi, libre et sans contrainte, tu nageais sur les eaux ? Tu t’appelais d’abord Astérie, parce que jadis, telle qu’un astre rapide, tu t’étais élancée du ciel au fond de la mer pour échapper aux poursuites du dieu de l’Olympe ; et jusqu’au temps où l’aimable Latone se réfugia dans ton sein, tu n’avais point porté d’autre nom. Souvent le nocher qui, du port de Trézène[3] faisait voile pour Éphyre[4], t’apercevait dans le golfe saronique[5] ; et souvent il te cherchait vainement au retour : une course légère t’avait portée vers le détroit où mugissent les flots resserrés de l’Euripe ; d’où quelquefois, dans le même jour, dédaignant la mer de Chalcis, tu avais nagé soit jusqu’aux rochers de Sunium, soit jusqu’aux bords de Chio, soit enfin jusqu’aux bords de l’humide Parthénie, dans cette plage où les nymphes de Mycale, du royaume d’Ancée, t’ont cent fois donné l’hospitalité. Mais après que toi seule eus reçu Phébus à sa naissance, les nautoniers te donnèrent le nom de Délos, parce que tu cessas de disparaître à leurs yeux et que tu fixas tes racines au milieu des flots égéens.

Tu ne craignis donc point la colère de Junon ? Son terrible courroux éclatait contre toutes les maîtresses qui donnaient des enfants à Jupiter, mais surtout contre Latone, à qui le Destin promettait un fils que son père devait préférer à Mars même. Furieuse et transportée de rage, elle-même repoussait du ciel cette nymphe en travail, tandis que par ses ordres deux gardiens attentifs l’observaient sur la terre. Du sommet de l’Émus, l’impitoyable Mars, tout armé, veillait sur le continent, et ses coursiers paissaient dans l’antre aux sept bouches qui sert de retraite à Borée, pendant qu’Iris du haut du Mimas veillait sur les îles.

De là ces deux divinités menaçaient toutes les villes dont Latone approchait et leur défendaient de la recevoir. Ainsi vit-elle fuir devant elle l’Arcadie et le mont sacré d’Augé[6] ; ainsi vit-elle fuir l’antique Phénée[7] et toutes les villes du Péloponèse voisines de l’Isthme : Égialée resta seule avec Argos ; Latone n’osait point approcher de ces lieux arrosés par un fleuve trop aimé[8] de Junon. Ainsi vit-elle fuir l’Aonie[9] avec Dircé et Strophie[10] que leur père, le sablonneux Ismène, entraînait avec lui. Asope les suivit, mais de loin, d’un pas tardif, et tout fumant encore des coups de la foudre ; et l’indigène Mélie, épouvantée de voir l’Hélicon secouer sa verte chevelure, quitta ses danses, pâlit et trembla pour son chêne. Ô Muse ! ô ma déesse ! les nymphes en effet sont donc nées avec les chênes ? Les nymphes du moins se réjouissent quand la rosée ranime les chênes, et les nymphes pleurent quand les chênes dépouillent leur feuillage.

Phébus indigné, quoique encore au sein de sa famille, adresse à Thèbes ces menaces qui n’ont point été vaines : « Pourquoi, malheureuse Thèbes, m’obliger à dévoiler déjà ton destin ? Ne me force point à prophétiser ton sort. Pytho ne m’a point encore vu m’asseoir sur le trépied, et son terrible serpent n’est point mort : ce monstre barbu rampe encore sur les rives de Plistus[11], et de ses replis tortueux embrasse neuf fois le Parnasse que couvrent les neiges. Toutefois je te le prédis ici plus clairement que du pied de mon laurier : fuis ; mais bientôt je t’atteindrai ; bientôt je laverai mes traits dans ton sang ; garde, garde les enfants d’une femme orgueilleuse[12] : ni toi, ni le Cithéron ne nourriront point mon enfance. Phébus est saint ; c’est aux saints à lui donner un asile. »

Il dit, et Latone retourna sur ses pas ; mais les villes d’Achaïe, mais Hélice, l’amie de Neptune, et Bure[13], retraite des troupeaux de Dexamène, le fils d’Oïcée, l’avaient déjà repoussée : elle s’avança vers la Thessalie. Vain espoir ! le fleuve Anaurus, la ville de Larisse, les antres du Pélion, tout s’enfuit, et le Pénée précipita son cours au travers des vallons de Tempé.

Cependant ton cœur, ô Junon ! était encore inflexible. Déesse inexorable, tu la vis sans pitié étendre ses bras et former vainement ces prières : « Nymphes de Thessalie, filles du Pénée, dites à votre père de ralentir son cours impétueux ; embrassez ses genoux, conjurez-le de recevoir dans ses eaux les enfants de Jupiter. Ô Pénée ! pourquoi veux-tu l’emporter sur les vents ? Ô mon père ! tu ne disputes point le prix de la course ! Es-tu donc toujours aussi rapide, ou ne le deviens-tu que pour moi ? Et n’est-ce qu’aujourd’hui que tu trouves des ailes ?… Hélas ! il est sourd… Fardeau que je ne puis plus soutenir, où pourrai-je vous déposer ! Et toi, lit nuptial de Philyre, ô Pélion ! attends-moi donc, attends ; les lionnes mêmes n’ont-elles pas cent fois enfanté leurs cruels lionceaux dans tes antres ? »

Le Pénée, l’œil humide de pleurs, lui répond : « La Nécéssité, Latone, est une grande déesse. Je ne refuse point, vénérable immortelle, de recevoir vos enfants : bien d’autres mères avant vous se sont purifiées dans mes eaux. Mais Junon m’a fait de terribles menaces. Voyez quel surveillant m’observe du haut de ces monts ; son bras d’un seul coup me peut accabler. Que ferai-je ? Faut-il me perdre à vos yeux ? Allons, tel soit mon destin ; je le supporterai pour vous, dussé-je me voir à jamais desséché dans mon cours, et seul de tous les fleuves rester sans honneur et sans gloire ; je suis prêt, c’en est fait, appelez seulement Ilithye. »

Il dit, et ralentit son cours impétueux. Bientôt Mars, déracinant les monts, allait les lancer sur lui et l’ensevelir sous les rocs du Pangée[14] ; déjà du haut de l’Émus il pousse un cri terrible et frappe son bouclier de sa lance : l’armure rend le son de la guerre, et l’Ossa en frémit ; les vallées de Cranon et les cavernes glaciales du Pinde en tremblent, et l’Émonie entière en tressaille. Ainsi, quand le géant, terrassé jadis par la foudre, se retourne sur sa couche, les antres fumants de l’Etna sont tous ébranlés ; les tenailles de Vulcain, le fer qu’il travaille, tout se renverse dans la fournaise, et la forge retentit du choc épouvantable des trépieds et des vases. Tel fut le bruit horrible que rendit le divin bouclier. Pénée, toujours intrépide, demeurait fixe et retenait ses ondes fugitives ; Latone lui cria : « Fuis, ô Pénée ! songe à te garantir : que ta pitié pour moi ne fasse point ton malheur ; fuis, et compte à jamais sur ma reconnaissance. »

À ces mots, quoique accablée déjà de fatigue, elle marcha vers les îles, mais aucune ne voulut la recevoir ; ni les Échinades dont le port est si favorable aux navires ; ni Corcyre, la plus hospitalière des îles. Iris menaçante, au sommet du Mimas, leur défendait d’y consentir, et les îles épouvantées fuyaient toutes à l’approche de Latone.

Elle voulait aborder à Co, séjour antique des sujets de Mérops, retraite sacrée de Chalciope ; mais Phébus lui-même l’en détourna. « Ô ma mère, lui dit-il, ce n’est point là que tu dois m’enfanter : non que je dédaigne ou méprise cette île ; je sais qu’elle est plus qu’aucune autre fertile en pâturages et féconde en moissons. Mais les Parques lui réservent un autre dieu, fils glorieux des Sauveurs[15], qui aura les vertus de son père et verra l’un et l’autre continent, avec les îles que la mer baigne du couchant à l’aurore, se ranger sans peine sous le sceptre macédonien[16]. Un jour viendra qu’il aura, comme moi, de terribles assauts à soutenir, lorsque empruntant le fer des Celtes et le cimeterre des Barbares, de nouveaux Titans[17], aussi nombreux que les flocons de la neige ou que les astres qui peuplent un ciel serein, fondront des extrémités de l’occident sur la Grèce. Ah ! combien gémiront les cités et les forts des Locriens, les roches de Delphes, les vallons de Crissa et les villes d’alentour, quand chacun apprendra l’arrivée de ces fiers ennemis, non par les cris de ses voisins, mais en voyant ses propres moissons dévastées par le feu ; quand, du haut de mon temple, on apercevra leurs phalanges, et qu’ils déposeront auprès de mon trépied leurs épées sacrilèges, leurs larges baudriers et leurs boucliers épouvantables, qui toutefois serviront mal cette race insensée de Gaulois, puisqu’une partie de ces armes me sera consacrée, et que le reste, sur les bords du Nil, après avoir vu ceux qui les portaient expirer dans les flammes, sera le prix des travaux d’un prince infatigable ! Tel est mon oracle, ô Ptolémée ! et quelque jour tu rendras gloire au dieu qui, dès le ventre de sa mère, aura prophétisé ta victoire. Pour toi, ma mère, écoute mes paroles : il est au milieu des eaux une petite île remarquable qui erre sur les mers ; elle n’est point fixe en un lieu ; mais, comme une fleur, elle surnage et flotte au gré des vents et des ondes : porte-moi dans cette île, elle te recevra volontiers. »

Ainsi parla Phébus, et les îles fuyaient toujours. Mais toi, tendre et sensible Astérie, quittant naguère les rivages de l’Eubée, tu venais visiter les Cyclades et tu traînais encore après toi la mousse du Géreste[18]. Saisie de pitié à la vue d’une infortunée qui succombait sous le poids de ses peines, tu t’arrêtes et t’écries : « Junon menace en vain ; je me livre à ses coups. Viens, Latone, viens sur mes bords. »

Tu dis, et Latone, après tant de fatigues, trouve enfin le repos : elle s’assied sur les rives de l’Inopus, qui chaque année grossit son cours dans le même temps où le Nil tombe à grands flots des rochers d’Éthiopie. Là, détachant sa ceinture, le dos appuyé contre le tronc d’un palmier, déchirée par la douleur la plus aiguë, inondée de sueur et respirant à peine, elle s’écrie : « Pourquoi donc, cher enfant, tourmenter ta mère ? ne suis-je pas dans cette île errante que tu m’as désignée ? Mais, ô mon fils ! nais, et sors avec moins de cruauté de mon sein. »

Cependant, inflexible épouse de Jupiter, tu ne devais pas longtemps ignorer cette nouvelle ; bientôt ta prompte messagère accourt hors d’haleine et tient ce discours entrecoupé par la crainte : « Ô toi, la plus puissante des déesses, vénérable Junon ! Iris est à toi, l’univers t’appartient, tu marches égale au roi de l’Olympe : nous ne craignons ici d’autre déesse que toi. Toutefois, ô reine ! apprends ce qui doit exciter ta colère. Latone est reçue dans une île, elle y détache sa ceinture. Toutes les autres l’ont repoussée ; mais Astérie l’a d’elle-même invitée : Astérie, vil fardeau de la mer… Déesse, tu la connais… mais venge-nous, tu le peux ; venge tes ministres qui, pour t’obéir, étaient descendus sur la terre. »

Elle dit, et s’assit au bas du trône d’or de la déesse ; ainsi le chien de Diane, après une course rapide, se repose à ses pieds, les oreilles droites et toujours attentives à la voix de sa maîtresse : telle la fille de Thaumas est aux genoux de Junon ; jamais elle ne quitte cette place, pas même dans les instants où le dieu de l’oubli lui couvre les yeux de ses ailes ; mais sur les marches même du trône, la tête penchée, elle dort d’un somme léger, sans ôter sa ceinture ni ses brodequins, crainte d’un ordre subit de la reine. Junon indignée frémit et s’écrie : « Ainsi du moins, infâmes objets des amours de Jupiter, puissiez-vous cacher toujours vos plaisirs adultères et en déposer les fruits non dans l’asile ouvert aux dernières des esclaves, mais dans les antres déserts où les vaches marines enfantent leurs petits ! Toutefois, j’oublie l’injure que me fait Astérie ; elle ne ressentira point un courroux qu’elle a bien mérité par sa pitié pour Latone. Je lui dois trop, puisqu’elle n’a point souillé mon lit et qu’elle a préféré la mer à mon époux. »

Ainsi parla Junon. Cependant les chantres harmonieux de Phébus, les cygnes de Méonie, quittant le Pactole, vinrent tourner sept fois autour de Délos et chantèrent autant de fois l’accouchement de Latone. Ce fut en mémoire de ces chants sept fois répétés que, dans la suite, le dieu monta sa lyre de sept cordes. Ils chantaient encore pour la septième fois, et Phébus naquit. Les nymphes déliennes, les filles de l’antique Inopus, entonnèrent l’hymne sacré d’Ilithye ; la voûte céleste répéta leurs concerts éclatants, et Junon n’en fut point courroucée : Jupiter l’avait apaisée.

Délos, en cet instant, tout chez toi devint or ; ton lac en ce jour ne roula que de l’or, le palmier au pied duquel Phébus était né s’ombragea de feuilles d’or, et l’or grossit les flots du profond Inopus. Toi-même, élevant de ton sol parsemé d’or l’enfant divin et l’approchant de ton sein, tu t’écrias : « Vaste univers qui renfermez tant de villes et tant de temples ; continents fertiles, et vous, îles qui les entourez, je ne suis qu’une île aride ; toutefois c’est mon nom qu’Apollon portera, et jamais terre ne sera chérie de son dieu autant que moi. Oui, Cerchnis[19] sera moins aimée de Neptune, la Crète de Jupiter, et le mont Cyllène de Mercure[20] : je vais cesser d’être errante. »

Tu dis, et l’enfant suça tes mamelles. Dés lors tu fus nommée la plus sainte des îles, la nourrice d’Apollon. Jamais Bellone, jamais la mort, ni les coursiers de Mars[21] n’ont approché de tes bords ; mais chaque année les nations t’envoient les prémices et la dîme de leurs fruits. Du couchant à l’aurore, du nord au midi, tous les peuples, jusqu’à ceux qui, les plus antiques de tous, habitent les climats hiperboréens, célèbrent des fêtes en ton honneur. Ceux-ci même sont les plus empressés à t’apporter leurs épis et leurs gerbes sacrées, présents nés dans un climat lointain et que les gardiens austères de l’urne fatidique reçoivent d’abord à Dodone, pour les porter ensuite au séjour montueux et sacré des Méliens, qui, franchissant la mer, les transmettent aux Abantes[22], dans les plaines charmantes de Lélas, d’où le trajet est court jusqu’à toi, puisque les ports de l’Eubée sont voisins de tes côtes. Les filles de Borée, l’heureuse Hécaërge, Oupis et Loxo, suivies de jeunes hommes choisis sur toute leur nation, t’ont les premières[23] apporté ces offrandes de la part des blonds Arimaspes[24]. Ni les unes ni les autres n’ont revu leur patrie ; mais leur destin fut heureux, mais leur gloire ne meurt point, puisque les jeunes Déliennes (dans ces jours où l’hymen et ses chants effarouchent les vierges) consacrent à ces hôtes du Nord les prémices de leurs chevelures, et que les jeunes Déliens leur offrent le premier duvet que le rasoir moissonne sur leurs joues.

Astérie, île parfumée d’encens ! les Cyclades semblent former un chœur autour de toi. Jamais Hespérus aux longs cheveux n’a vu la solitude ni le silence régner sur tes bords ; mais toujours il y entend résonner des concerts. Les jeunes hommes y chantent l’hymne fameux que le vieillard de Lycie, le divin Olen, t’apporta des rives du Xanthus, et les jeunes filles y font retentir la terre sous leurs pas cadencés. On y voit, chargée de couronnes, la statue célèbre que Thésée et les enfants d’Athènes consacrèrent jadis à Vénus. Échappés à la rage du monstre mugissant que la fille de Minos avait enfanté, dégagés du tortueux labyrinthe, ils dansèrent au son des cithares, autour de tes autels, et Thésée lui-même ordonnait leur danse. Depuis ce temps, c’est son navire soigneusement conservé, que les neveux de Cécrops envoient tous les ans porter leur hommage à Phébus. Astérie, île sainte, île où l’on a dressé mille autels ! quel nocher, dans sa course rapide, traversa jamais la mer Égée sans s’arrêter sur tes côtes ? quelque favorisé qu’il soit des vents, quelque soin qui le presse, soudain il abaisse ses voiles, descend sur tes rivages, et ne remonte sur son bord qu’après avoir mordu le tronc de ton olivier et fait le tour de ton autel, les mains liées derrière le dos, s’offrant de lui-même au fouet de tes prêtres, en mémoire de ce jeu qu’une nymphe de Délos inventa jadis pour amuser l’enfance d’Apollon.

Salut, ô Délos ! divin foyer des îles, salut à toi, salut à Phébus, salut à la fille de Latone !

  1. J’aurais pu rendre cet endroit d’une manière plus concise, mais la version n’aurait point répondu aux expressions poétiques du texte.
  2. C’est-à-dire les îles que les mythologues disent allégoriquement être filles de l’Océan et de Téthys, donnant alors le nom de Téthys à la Terre même, quoique ordinairement Téthys passât pour être fille de la Terre. (Schol. Homer., ad Iliad. V, v. 201.)
  3. J’ai cru devoir adopter la correction proposée par M. Runhckenius, qui pense qu’il faudrait lire alixantoio au lieu de apo Xanthoio, l’histoire ni la fable ne faisant mention d’aucun prince ou héros du nom de Xanthus parmi ceux qui ont illustré la ville de Trézène.
  4. Ancien nom de la ville de Corinthe.
  5. Ainsi nommé, dit la fable, parce qu’un roi de Trézène, appelé Saron, s’y était précipité dans un accès de fureur.
  6. Le poëte désigne ainsi le Parthénius, montagne d’Arcadie, célèbre dans la fable par les amours d’Hercule et d’Augé, dont la naissance de Télèphe fut le fruit.
  7. Ville de l’Arcadie.
  8. L’Inachus.
  9. Ancien nom de la Béotie.
  10. Deux fontaines de Béotie.
  11. Fleuve de la Phocide, qui coulait au bas du mont Parnasse.
  12. Il désigne ainsi la fameuse Niobé et ses enfants.
  13. Hélice et Bure étaient deux villes de l’Achaïe, qui furent englouties par la mer vers la deux centième olympiade, environ 370 ans avant l’ère chrétienne.
  14. Montagne située sur les confins de la Thrace et de la Macédoine, et qui faisait partie du mont Émus.
  15. Le poëte désigne ainsi Ptolémée Philadelphe, fils de Ptolémée Soler et Bérénice, que les Égyptiens avaient mis l’un et l’autre au rang des dieux sauveurs. Ce prince était né dans l’île de Co.
  16. Ptolémée Philadelphe, étant petit-fils de Lagus, était Macédonien d’origine.
  17. Il parle des Gaulois et leur invasion en Grèce.
  18. Promontoire de l’Eubée.
  19. Cerchnis, ou Cenchris, ou, comme on l’appelle plus communément, Cenchrée, était l’un des ports de Corinthe ; l’autre s’appelait le Léchée.
  20. Montagne d’Arcadie.
  21. Tous les peuples de l’antiquité conservaient un si grand respect pour Délos, que les Perses, même au temps de leur invasion dans la Grèce, où ils se firent un devoir de religion de renverser les temples et de briser les statues des dieux des Grecs, parce qu’ils ne les reconnaissaient point, engagèrent néanmoins les Déliens, que la crainte avait fait sortir de leur île, à y revenir, et qu’ils laissèrent jouir de tous les avantages de la neutralité.
  22. Ancien nom des premiers habitants de l’île d’Eubée. Ils habitaient la plaine de Lélas, lieu renommé dans cette île pour une source d’eau salutaire qu’on y trouvait.
  23. Tous les auteurs se réunissent pour rapporter comme un fait constant qu’anciennement de jeunes filles, suivies de quelques jeunes gens du même pays qu’elles, étaient venues du fond des climats septentrionaux porter des offrandes à Délos, et à l’exception de quelque différence dans les noms qu’il donne à ces jeunes filles, Hérodote s’accorde avec Callimaque au sujet des honneurs que les Déliens rendirent à ces étrangères après leur mort, ainsi qu’aux jeunes gens qui les avaient accompagnées.
  24. Nation qui faisait partie des peuples septentrionaux compris sous la dénomination générale d’Hyperboréens.