L’Académie des dames/04

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A Venise chez Pierre Arretin [après 1770] (p. 45-93).

Chorier - L’Académie des dames, 1770, Bandeau-03
Chorier - L’Académie des dames, 1770, Bandeau-03


QUATRIEME

ENTRETIEN

ACADÉMIQUE.


Chorier - L’Académie des dames, 1770, Séparateur-03
Chorier - L’Académie des dames, 1770, Séparateur-03


OCTAVIE, TULLIE.


Tullie.


QUe je ſuis contente de mon ſommeil ! j’ai dormi profondément ſept heures ſans interruption. Et toi, Octavie, comment as-tu paſſé la nuit ?

Octavie.

Pour moi il y a une bonne heure que je ſuis éveillée, & que je ſuis dans une extrême inquiétude d’une horrible viſion que j’ai eue.

Tullie.

Fais-m’en le récit, je te prie.

Octavie.

Je ſongeois que Pamphile & moi, nous nous promenions dans une allée d’arbres à la fraîcheur, pour nous garantir du ſoleil, & qu’il me faiſoit des plaintes amoureuſes qui m’étoient d’autant plus agréables, qu’elles procédoient d’une profonde tendreſſe qu’il a pour moi. Il me demandoit un baiſer avec des empreſſements extraordinaires ; je le refuſois : mais tous mes refus ne faiſoient que le rendre plus opiniâtre & plus hardi ; & comme il a infiniment de l’eſprit, il ſut ſi bien faire, qu’il me perſuada enfin de lui donner ce baiſer tant deſiré. Mais comme vous ſavez, Tullie, qu’en amour une faveur en attire une autre, il ne ſe contenta pas de celle que je lui avois accordée ; il m’embraſſa d’une main, pendant qu’il tâchoit de gliſſer l’autre dans mon ſein. Je lui réſiſtois tant que je pouvois ; & ce n’a été que par votre ſecours, Tullie, que je m’en ſuis débarraſſée. J’ai pris auſſi-tôt la fuite, mais il m’a pourſuivie avec bien de la vîteſſe ; & au moment qu’il a été prêt de me joindre, j’ai tourné la tête. Ah, Tullie ! ſi vous ſaviez quel monſtre j’ai vu !

Tullie.

Et quel monſtre, Couſine ? Eſt-ce que quelque loup furieux s’étoit élancé ſur Pamphile ? ou le déſeſpoir ne lui avoit-il point fait paſſer ſon épée au travers du corps ?

Octavie.

Point du tout ; Dieu l’en préſerve ! qu’il me perce moi-même de ſon membre, plutôt qu’un ſi grand malheur lui arrive jamais. Ce que je vis : écoutez, Tullie, vous allez être ſurpriſe ; ce que je vis, ce fut Pamphile, qui étoit changé en la forme d’un vilain Satyre, à peu près comme les peintres les repréſentent dans les tableaux. Il avoit tout le corps hériſſé de poil ; de ſon front ſortoient deux cornes de bouc, fort droites & fort aiguës : pour les yeux, le nez & tout le reſte du viſage, il avoit ſa premiere figure. Ce n’eſt pas tout : il me menaçoit avec un vit deux fois plus long & plus gros, que ne l’eſt ordinairement celui de l’homme le mieux membré ; ſes cuiſſes & ſes jambes reſſembloient à celles d’une chevre : il ſe jettoit ſur moi bruſquement, me baiſoit, & tout en fureur en vouloit venir à l’action. Que voulez-vous davantage ? une viſion ſi horrible m’a éveillée, & je tremble encore de la frayeur qu’elle m’a cauſée, Ma chere Tullie, vous qui avez tant d’érudition, qui n’ignorez rien de ce qui peut être appris, me pourriez-vous expliquer un ſonge auſſi bizarre que celui-là ?

Tullie.

Aſſurément, je le puis, & l’interprétation et eſt fort facile ; mais je t’en parlerai en temps & lieu, parce qu’il n’eſt pas fort néceſſaire que tu le ſaches à préſent.

Octavie.

Eh, de grace, contentez ma curioſité, & ne me laiſſez pas plus long-temps dans les frayeurs où je ſuis : je t’en conjure, ma petite femme, ou plutôt mon petit mari ; (puiſque tu as fait les fonctions ſur moi) je t’en conjure, dis-je, au nom de tout ce que tu as de plus cher au monde.

Tullie.

Puiſque tu es donc ſi curieuſe, il faut te ſatiſfaire ; il n’y a pas moyen de rien refuſer à ce que l’on aime. Apprends donc que ce ſonge te préſage de grands plaiſirs que tu goûteras dans ta jeuneſſe, & que tu recevras d’un amour étranger : ſon augure porte pareillement que Pamphile ſera noirci de cette tache, qui ternit aujourd’hui la réputation d’un mari à qui on a violé le droit de ſon lit. C’eſt-à-dire en bon François, que tu le feras cocu.

Octavie.

Qui, moi ! je ferois Pamphile cocu ! A Dieu ne plaiſe d’en avoir ſeulement la penſée !

Tullie.

Il n’eſt pas néceſſaire, je m’imagine, de te dire qui ſont ceux qu’on appelle cocus ; tu dois ſavoir que ce ſont les maris à qui leurs femmes ne gardent pas la foi conjugale.

Octavie.

Je le ſais fort bien ; mais tout de bon, ma Couſine, me croyez-vous capable de tomber dans une ſi grande faute ? quoi, je ferois un tel affront à Pamphile ? non, je mourrois plutôt. Eſt-ce qu’il vous eſt arrivé quelquefois de tromper votre Oronte ? je ne ſaurois me le perſuader : j’ai trop bonne opinion de votre honnêteté, & vous m’obligerez d’avoir là-deſſus les mêmes ſentiments pour ma perſonne.

Tullie.

Ne fais point tant la ſcrupuleuſe, je ne te pronoſtique rien qui ne doive t’arriver. Autrefois on étoit aſſez niais pour croire que le cocuage étoit une ignominie ; mais à préſent on eſt déſabuſé : car qu’eſt-ce enfin que ce grand mal dont tant de gens de bien ſe rient avec juſte raiſon ?

Quand on l’ignore, ce n’eſt rien ;
Quand on le ſait, c’eſt peu de choſe.

On eſt donc guéri aujourd’hui de cette vieille erreur : il n’y a plus que les ſots qui s’en rompent la tête ; les mieux aviſés connoiſſent bien que c’eſt une pure idée ; ils ne diſent mot, & je trouve qu’ils ont raiſon ; il en reſte toujours aſſez pour eux : outre que le mariage étant ordinairement le tombeau de l’amitié, nous avons droit de chercher ailleurs ce qui nous peut plaire. Si les hommes en agiſſent tous les jours ainſi, quoique ſouvent ils ayent de plus belles femmes que celles des autres à qui ils ſe donnent ; eh ! pourquoi ne jouirons-nous pas du même privilege qu’eux ? L’union des volontés faiſant le nœud le plus fort du mariage, ſi elle vient à ſe rompre, ou par la contrariété des humeurs, ou par la grande facilité que nous avons à nous dégoûter bientôt de ce que nous poſſédons, l’obligation de ſe garder mutuellement la foi, ne ceſſe-t-elle pas ? (Tu conçois bien ce raiſonnement.) Devenant donc de la ſorte tout-à-fait libres, & notre cœur ne pouvant d’ailleurs être ſans quelque amuſement, la nature, qui eſt ſage en tout ce qu’elle fait, lui permet de chercher quelque objet qui l’occupe, & de s’attacher à ceux qui ont quelque ſympathie avec lui.

Octavie.

J’ai vu néanmoins des perſonnes qui condamnoient ces libertés-là, comme de grands crimes.

Tullie.

Je le crois bien ; & il eſt vrai que les loix civiles ſont contraires en cela à celles de la nature ; mais c’eſt ſeulement pour éviter les déſordres qui pourroient arriver dans le monde. Apprends donc, Octavie, que le mal du cocuage dont on nous prêche tant l’énormité, ne doit pas nous effrayer, non plus que ce beau terme d’honneur, qui n’eſt point une vertu réelle, mais un fantôme & une pure chimere. Ce n’eſt pas que dans nos petits commerces amoureux nous ne devions éviter l’éclat ; ce ſeroit une impudence extrême de faire hautement nos maris cocus ; il faut ſauver les apparences. Par une complaiſance fauſſe ou véritable pour le pauvre homme, uſer un peu d’hypocriſie, faire quelques grimaces en temps & lieu, ne parler que fort peu ou point du tout de la perſonne que nous aimons, prendre à propos l’heure du berger : voilà les moyens de vivre heureuſe dans la ſervitude du mariage, en cachant le myſtere de notre cœur ; & de planter à nos maris des cornes d’abondance, ſans qu’ils s’en apperçoivent.

Octavie.

Vous me ſurprenez, Tullie, par cette facilité admirable que vous avez à vous exprimer & à parler ſur toutes choſes : toute votre morale néanmoins ne me pouſſera pas à faire ce que vous prêchez ; j’aime trop Pamphile, pour lui mettre un ſi beau bonnet ſur la tête.

Tullie.

Attends, attends encore un peu que tu ayes perdu ton pucelage, & je ſuis ſûre que tu changeras bien d’avis, & que dans quelques mois les careſſes de ton mari te deviendront fades & inſipides. On ſe laſſe d’avoir nuit & jour ſur ſoi la même charge, & le changement eſt pour nous un ragoût piquant ; & il y a fort peu de femmes, pour ne pas dire point du tout, qui ne ſe ſervent de l’occaſion quand elles la trouvent.

Octavie.

Je vous dis encore une fois que cela ne me perſuade pas, & que Pamphile ſe peut repoſer ſur ma fidélité ; tout ce que vous dites eſt beau & bon, mais il a toujours aſſez de quoi nous faire rougir.

Tullie.

Ah ! que tu es opiniâtre ! qui eſt-ce, je te prie, qui peut tourner en opprobre une néceſſité inſurmontable ? Si ce ſont les deſtins qui nous donnent une inclination ſi violente, quel moyen de ne pas ſuccomber ? Minerve même, ni toutes les Veſtales, ne pourroient pas y réſiſter ; & toi tu voudrois… Mais revenons à notre ſonge ; n’as-tu plus rien vu touchant Pamphile ?

Octavie.

Rien du tout ; & pendant que vous étiez enſevelie dans un profond ſommeil, je repaſſois agréablement dans mon eſprit, tout ce que vous m’aviez raconté des myſteres les plus ſecrets de l’amour.

Tullie.

Je ſuis ravie d’avoir une ſi bonne écoliere que toi ; je ferai en ſorte que tu paſſeras de mes embraſſements à ceux de Pamphile, auſſi ſavante qu’il le faut pour bien goûter ce plaiſir. Continuons notre leçon : tu ſais déja qu’on doit pouſſer dans cette fente, dont je t’ai fait la deſcription, & qui eſt entre tes cuiſſes, une fleche de chair, qui te percera juſques à la ſeptieme côte.

Octavie.

Ah, Dieux ! vous badinez, Tullie ; je ne ſais par quel moyen cela pourroit être ?

Tullie.

Quoi qu’il en ſoit, il mettra ce nerf qui le fait homme, dans cette partie de ton corps qui te fait femme ; vos deux ſexes ſe mettront l’un dans l’autre ; & de deux vous ne ferez plus qu’un. Voici de quelle maniere cela ſe fera.

Octavie.

Ah ! que je ſuis remplie de crainte & de deſir ! je ſouhaite de ſavoir ce myſtere, & j’appréhende que vous me le diſiez.

Tullie.

Il te jettera d’abord les bras ſur le col, & te preſſera ſi fort toute nue, qu’il te ſera impoſſible de lui échapper, quand même tu le voudrois.

Octavie.

Je vous prie, ma très-chere, racontez-moi comment Oronte s’y prit la nuit de vos noces ; car pour ce qui eſt de Pamphile, vous ne m’en pouvez rien dire de certain : chacun baiſe à ſa guiſe ; les uns plus, les autres moins, & je crois qu’en cela il n’y a point de regle.

Tullie.

Tu as raiſon, Octavie, je vais te ſatisfaire ; & il faudra que tu ſois auſſi froide que le marbre, ſi tu ne reſſens quelque émotion par le portrait que je te ferai de nos divertiſſements & du jeu auquel je jouai avec Oronte, lorſqu’il me dépucela. Ah, Dieux ! que je goûtai de plaiſirs, cette nuit ! l’image m’en eſt trop douce pour l’oublier, je m’en ſouviendrai éternellement.

Octavie.

Commencez donc, Tullie ; je ſuis dans la plus grande impatience du monde de vous entendre : vous pouvez parler ſans crainte ; toute la maiſon eſt dans un profond ſommeil, toute la nature dans le repos, le ſilence regne partout ; en un mot, tout favoriſe nos plaiſirs & nos jeux.

Tullie.

Après que ma mere m’eût déshabillée toute nue, elle me coucha ; elle mit ſous le chevet du lit, un linge fort blanc ; elle nous embraſſa enſuite, Oronte & moi, & lui dit de me donner un baiſer en ſa préſence. Ce procédé de ma mere me rendit toute confuſe ; après elle ſe retira, elle ferma la porte, & emporta la clef dans ſa chambre, où il y avoit beaucoup de nos parents, entre leſquels étoit ma chere Angélique.

Octavie.

Eſt-ce cette même Angélique dont vous m’avez parlé ſi ſouvent, qui étoit la meilleure de vos amies, & avec qui vous viviez dans la derniere confiance & familiarité ?

Tullie.

C’eſt elle-même ; ſi tu la connoiſſois, tu ſerois charmée comme moi de ſa beauté, de ſes manieres, & de ce certain je ne ſais quoi qui gagne tous les cœurs. Il y avoit quelques mois, quand on célébroit mes noces, qu’elle étoit mariée à Lorance ; c’eſt un jeune homme fort aimable pour les qualités du corps & de l’eſprit. Angélique m’avoit donc fort exactement inſtruite des douleurs que je ſouffrirois dans les premieres attaques qu’on devoit donner à ma virginité ; elle m’avoit appris ce que je devois faire de mon côté, ce que je devois dire, & elle n’avoit rien oublié de tout ce qui pouvoit rendre notre plaiſir plus grand : enfin, je ſavois juſques aux moindres circonſtances d’une parfaite conjonction. Etant donc ſi bien préparée, j’attendois mon adverſaire, dans la réſolution de le bien recevoir, s’il avoit plus de force que moi ; je ne lui cédois point en courage : j’aurois ſeulement ſouhaité d’être délivrée d’une certaine pudeur, qui m’empêchoit de me ſervir d’abord de toute mon adreſſe.

Octavie.

Je ne m’étonne point que vous ayiez couché la nuit de vos noces toute nue avec Oronte : je ſais que ma mere en fait de même toutes les nuits avec mon pere.

Tullie.

Patience : modere un peu cette ardeur indiſcrete d’apprendre tout en un moment ; écoute-moi ſeulement : tu ſauras après tout au fond, je n’oublierai pas un ïota, & je te dirai chaque choſe par ſon ordre. Sitôt que ma mere ſe fut retirée, & qu’Oronte m’eut apperçue toute ſeule au lieu deſtiné pour le combat, il quitta ſes habits avec tant de précipitation, qu’il parut dans un moment tout nud au bord du lit, lorſque je le croyois encore fort empêché.

Octavie.

C’eſt qu’aſſurément il avoit le feu au derriere, & qu’il ne pouvoit l’éteindre que par ton ſecours.

Tullie.

Ah ! que tu es badine ! ne m’interromps donc pas davantage, ſi tu veux ſavoir ce que tu deſires d’apprendre. On voyoit clair dans la chambre comme en plein jour ; ma mere avoit eu ſoin d’y faire mettre quantité de flambeaux. Je vis donc devant le lit un beau corps blanc & dodu ; mais ayant fait ſemblant de détourner mes yeux par pudeur, j’apperçus en bas ſon Vit droit comme une pique ; il étoit d’une taille à ſe bien défendre, & de temps en temps il levoit la tête, comme s’il eût voulu me ſaluer par reſpect, ou bien qu’il m’eût menacé du rude aſſaut qu’il alloit me donner.

D’abord Oronte tira du lit toutes les couvertures, (car c’étoit au mois de Juin que nous fûmes mariés) puis il m’expoſa ainſi toute nue à la cupidité de ſes yeux ; je mis alors une main ſur mon ſein, & de l’autre je couvrois ma partie, afin de cacher ces deux endroits les plus précieux de mon corps, & de les dérober à la lumiere. Mais hélas ! je ne fus pas long-temps la maîtreſſe de ces deux places ; il s’en empara bientôt ; & m’ôtant de devant les mains qui les gardoient, il y plaça hardiment les ſiennes. Il me regardoit avec des yeux amoureux & pleins de feu ; il me baiſoit la bouche, les joues, le col, le ſein, les tettons, le ventre, & faiſoit toutes ces actions avec un air ſi paſſionné & ſi rempli de tendreſſe, que j’en étois ſenſiblement émue. Après toutes ces cérémonies qui m’étoient fort agréables, il me mit le doigt du milieu dans le C… auſſi profond qu’il put ; & c’étoit (comme il me l’avoua lui-même dans la chaleur de nos embraſſements) pour ſavoir ſi j’étois pucelle : vu le témoignage du doigt, touchant la virginité d’une fille, eſt bien plus ſûr que celui du Vit. Car outre que celui-ci dans ſa fureur n’eſt pas capable de faire quaſi de diſcernement, il eſt d’une taille à ne pouvoir mettre que la tête, où l’autre peut entrer facilement tout entier.

Octavie.

Voyez un peu la malice du pelerin !

Tullie.

Tous les hommes ſont également curieux ſur ce ſujet, & nous devons leur pardonner ces ſoupçons qu’ils forment de nous autres. Mais qu’une nouvelle mariée a de joie, lorſqu’elle voit qu’on la trouve vierge ; & que le mari a de plaiſir, de cueillir une fleur qui eſt aujourd’hui ſi rare ! Car quand on a ſon pucelage comme tu l’as, & comme je l’avois, on en trouve toujours des marques évidentes dans le lieu où il réſide ; & ce qui les oblige à faire cette curieuſe recherche, c’eſt parce qu’ils ſavent que non-ſeulement nous perdons notre virginité par le commerce que nous avons avec les hommes, mais encore que nous pouvons nous l’ôter nous-mêmes.

Octavie.

Je crains fort, Tullie, que vous n’entendiez pas ce que vous dites.

Tullie.

Je te parlerai une autre fois de tout ce qui regarde cette matiere ; chaque choſe a ſon lieu, Oronte étant donc ſûr par la petite entrée de ma partie, & par la viſite exacte du doigt, que j’étois telle qu’il me ſouhaitoit, il ſe jetta ſur le lit, m’embraſſa ; & par milles petites careſſes, & les paroles les plus paſſionnées qu’il ſe put imaginer, il tâcha de m’animer au combat.

Octavie.

Mais quoi ! vous qui avez l’eſprit ſi joli & ſi agréable, ne diſiez-vous rien ? étiez-vous muette ? étiez-vous de pierre ?

Tullie.

Que voulois-tu que je fiſſe ? je ſoupirois au-lieu de parler ; je le repouſſois, un moment après je l’attirois, je fuyois, & je m’approchois : la pudeur qui me couvroit tout le viſage, étouffoit mes deſirs les plus amoureux, & en même temps les enflammoit ; & cette paſſion devenoit en moi plus violente, à meſure que j’en voulois arrêter les fureurs. Oronte ſentit donc que j’étois toute en feu malgré moi : Courage, ma chere Tullie, me diſoit-il amoureuſement, favoriſe-moi, & ne t’oppoſe pas à la jouiſſance de ma félicité, qui ne dépend que de toi ; ouvre toi-même ce petit palais, où eſt le trône des graces, des ris, des jeux les plus innocents ! Ma Déeſſe, diſoit-il, en ſouriant, voilà la clef, prenez-la vous-même ; mais je le refuſois. Qu’appréhendez-vous ? continuoit-il ; ſi vous êtes toute à moi, pourquoi me refuſer des faveurs qui me ſont ſi juſtement dues ? Oui, Oronte, lui répondois-je, je veux bien de tout mon cœur être tout à vous ; mais afin que je ſois digne de votre eſtime, ne permettez pas, je vous en conjure, que je me proſtitue à toutes ces ſaletés que vous voulez exiger de moi ; épargnez ma pudeur : je ne doute point que vous ne m’aimiez ; mais il me ſemble, avec vos fureurs, que votre paſſion a plutôt le caractere de la haine que d’une amour honnête & réglée. Mon cher Oronte, au nom de Dieu, ayez pitié de moi ; ſerez-vous inſenſible aux larmes que vous voyez que je répands ?

Octavie.

Pleuriez-vous tout de bon, ma Couſine ?

Tullie.

Oui, je verſois quelques larmes, mais elles ne le fléchiſſoient aucunement ; au contraire, il devenoit plus furieux : Si vous m’aimez, diſoit-il, laiſſez-là, je vous prie, cette pudeur ſi incommode ; je m’étonne que vous en ayiez encore, après vous être expoſée toute nue aux yeux d’un homme nud comme moi : vous n’en aurez jamais plus, continua-t-il, que lors que vous montrerez que vous n’en avez point à mon égard, & que vous ferez dans ce lit conjugal, tout ce que je croirai néceſſaire à notre commun plaiſir. Vous ſavez la puiſſance que le droit de mariage me donne ſur vous, c’eſt pourquoi ne vous oppoſez à rien. Pendant toute cette conteſtation, ſon membre étoit furieux, & ſe battoit la tête contre mes deux cuiſſes, comme s’il eût été enragé de ce que nous ne pouvions pas nous accorder.

Octavie.

Ah ! ma pauvre Tullie, que je te plains ! les bleſſures que tu es ſur le point de recevoir, me font trembler pour toi !

Tullie.

Tu tournes tout en raillerie ; écoute ſérieuſement, ſi tu es ſage, la choſe du monde la plus ſérieuſe.

Octavie.

Ah ! ah ! ah ! eh bien, j’écoute, continue, & ne te fâche pas.

Tullie.

Sans autre forme de procès, il m’ouvre par force mes cuiſſes avec une des ſiennes, & découvre le chemin par où il vouloit aller : il monta auſſi-tôt ſur moi, & s’étendit tout de ſon long ſur mon corps. Quel remede alors pour me défendre ? je fus toute étonnée de me ſentir chargée d’un poids ſi lourd & ſi peſant ; il tenoit ſon inſtrument à pleine main, comme pour en arrêter les ſaillies ; & en ayant placé la pointe juſtement ſur les levres de ma partie, il ſe jetta à corps perdu ſur moi : mais il n’avança rien ; car les avenues étoient trop étroites pour recevoir du premier abord un ennemi ſi furieux. A la premiere & ſeconde ſecouſſe, il ne gagna pas un pouce de terrein ; à la troiſieme & la quatrieme, je ſentis que les eſprits de Priape s’exhaloient ; (tu ſais, Octavie, qu’on appelle eſprits de Priape, cette précieuſe ſemence que la nature a conſacrée à la génération & à la volupté) & comme ſi les cataractes de cette divine liqueur ſe fuſſent ouvertes, ils s’en fit une eſpece de déluge partout le dehors. Ce ne fut alors qu’une eſcarmouche, & non pas un véritable combat ; je ſouffris néanmoins de cuiſantes douleurs au-dedans de la partie, à cauſe des efforts violents & réitérés que faiſoit mon adverſaire pour ſe rendre maître de la place.

Octavie.

Pûtes-vous bien vous empêcher de crier ?

Tullie.

Le moyen de ſe taire ! je criois comme ſi l’on m’eût écorchée. Je m’appaiſai néanmoins un peu après, parce qu’Oronte eut la complaiſance de déconner, de peur de me faire crier davantage : il plaça de telle ſorte ſon invention, que la tête m’alloit preſque toucher le nombril ; & tout cet eſpace qui eſt entre deux juſques à mon ſein, fut inondé de la ſemence. Je pris alors le linge qui étoit ſous le chevet, comme ma mere m’avoit commandé, & j’en nettoyai premierement ſon V., & en eſſuyai après les parties de mon corps, qui en étoient mouillées. Pendant ce temps, il me devoroit avec ſes baiſers ; & comme un homme qui revient de l’extaſe, il ne faiſoit que ſoupirer, ſans pouvoir prononcer une ſeule parole.

Octavie.

Ah ! le pauvre enfant, qu’il avoit de peine !

Tullie.

Après ces premiers coups d’eſſai, il repoſa un peu : Je veux mourir préſentement, me diſoit-il, ſi je ne vous aime plus que mes yeux, plus que ma vie : peut-on rien voir au monde de ſi beau que vous ? êtes-vous une Déeſſe ou une mortelle ? Ah, Dieux ! quel beau ſein ! peut-on même trouver dans celui de Vénus, des tettons plus fermes, mieux arrondis, & qui ſoient dans une ſi juſte diſtance l’un de l’autre ? Il les manioit en même-temps, il ne pouvoit pas ſe raſſaſſier de les contempler il les baiſoit, les ſuçoit avec l’extrémité des levres, & mordoit doucement ce petit bouton qui fait un de leurs principaux agréments.

Je t’avoue, Octavie, que ces petits jeux me plaiſoient infiniment, & me faiſoient deſirer une ſeconde conjonction. Il mettoit alors une de ſes mains entre mes cuiſſes, il badinoit avec mon poil follet, il preſſoit les deux levres de mon petit Connaut l’une contre l’autre ; après il les r’ouvroit, & y mettoit dedans tous les doigts l’un après l’autre. Je voudrois, diſoit-il :

Tant j’aime l’amoureux déduit,
Que chaque doigt fût un gros V....
Vous en ſeriez bien plus contente ;
Outre qu’il n’arriveroit pas
Que ces V… fuſſent jamais las
A vous payer chacun ſa rente.

Je vous ſuis fort obligée, lui répondois-je, de tous vos ſouhaits ; je n’ai que faire de tant de rêveries. Si un ſeul Vit me cauſe tant de douleurs, que ſeroit-ce ſi vous en aviez autant que de doigts ? aſſurément vous me tueriez avant que de ſortir de ce lit. La nature eſt bien ſage, d’avoir tenu les hommes de ſi court ; contentez-vous de ce que vous avez, & ne rendez point votre lubricité criminelle par des ſouhaits ſi extravagants. Oronte m’écoutoit avec plaiſir, & rioit de tout ſon cœur de ma ſimplicité. J’avois beau raiſonner & faire la fâchée, il tenoit toujours ſa main ſur mon calibiſtri ; & me montrant de l’autre ſon inſtrument furieux, il me dit de le prendre. Je le refuſai d’abord ; mais étant devenue un plus hardie, je lui obéis. Ah, quel monſtre ! le croiras-tu, Octavie ? à peine pouvois-je l’empoigner ; & je me ſentis ſaiſie d’horreur de le voir ſi rude, ſi dur & ſi chaud. C’eſt avec cela, continua-t-il, que je vais vous fendre par le milieu, & que je vais enfoncer ces portes qui rendent votre virginité inacceſſible. Courage, ma Nymphe, ma Déeſſe : c’eſt dans l’eſpérance que j’en reſterois victorieux, que votre mere vous a donnée à moi ; lorſqu’elle reviendra pour nous féliciter, que diroit-elle ſi elle vous trouvoit pucelle comme auparavant ? Elle me traiteroit de lâche & d’imbécille, & ne me voudroit pas ſans doute pour ſon gendre, n’ayant pu exercer ſur vous la fonction de mari ! Ah, mon cher Oronte ! lui repliquai-je, vous me ferez mourir infailliblement, ſi vous voulez mettre par force dans mon ventre, un inſtrument ſi lourd & ſi furieux ! Mais il étoit ſourd à mes paroles ; il monta dérechef ſur ſa bête, & je conduiſis de ma main le bidet juſqu’à la porte de l’étable. Cependant il leva en haut d’une main une de mes cuiſſes ; & ſous mes auſpices, il pouſſa & repouſſa fortement : je ſouffris patiemment ces premieres attaques ; mais il devint en un moment ſi furieux, que l’ayant pouſſé avec plus de vigueur qu’il n’avoit encore fait, il le fit entrer environ de deux doigts.

Octavie.

Ne ſentiez-vous point de mal ?

Tullie.

Je ſentis une douleur inſupportable. Vous me tuez, Oronte, lui diſois-je ; je criois d’une voix pitoyable, ou plutôt, ce n’étoient pas des cris, mais des hurlements. De colere, je retirai ſon membre avec la main ; mais il s’en fâcha, & m’en fit une rude correction, juſques à traiter d’inſolence la hardieſſe que j’avois priſe. Je fus donc contrainte, pour l’appaiſer, de le remettre dans ſa place, où il ne fut pas plutôt, qu’il en ſortit une pluye de lait, qui adoucit un peu la douleur qu’il venoit de me cauſer. Son inſtrument étant donc devenu lâche & épuiſé par cette derniere attaque, il fallut faire treve pour quelque temps.

Octavie.

Dites-moi, Tullie, cette pluye pénétra-t-elle bien avant ?

Tullie.

Non, mon petit cœur, il n’y en entra pas une goutte ; il n’y eut que les bords & les extrêmités qui furent humectées de cette douce liqueur Oronte, cependant me fit de grandes plaintes : Si vous m’aimiez, Tullie, diſoit-il, vous ne refuſeriez pas comme vous faites à un malheureux qui meurt pour vous, les véritables fruits de votre amour. Je vous aime, répondis-je, & d’un amour le plus tendre qu’on puiſſe reſſentir : mais malheureuſe que je ſuis ! voulez-vous faire une boucherie de ce lit ; conſidérez que je ſuis fort jeune, & que j’ai le corps extrêmement délicat. Ne ſavez-vous pas, dit-il, que cette partie de votre corps n’eſt plus à vous, mais à moi ? pouvez-vous l’ignorer, vous qui avez de ſi belles connoiſſances ? pourquoi donc me diſputer la jouiſſance & la poſſeſſion d’une choſe qui m’appartient, & qui m’eſt ſi juſtement due ? Ah ! Oronte, lui répondis-je, ſi vous ſaviez combien la douleur que vous me faites ſouffrir eſt cruelle, vous auriez pitié de Tullie, pour peu que vous euſſiez d’amour pour elle. Cette douleur, reprit-il, ne peut que vous être glorieuſe ; & plus elle ſera cuiſante, plus vous en paroîtrez honnête, outre qu’elle ne ſera pas longue, & qu’elle doit être ſuivie d’un plaiſir qui ne finit point. Savez-vous, ajouta-t-il, que vous avez fait une grande faute, de m’avoir fait répandre au-dehors cette divine ſemence ? il n’y a point de plus grand crime : vous m’avez ôté par-là l’avantage de devenir pere ; vous avez tué mes enfants & les vôtres avant qu’ils fuſſent nés ; vous leur avez ôté l’ame qu’ils n’avoient pas : voyez combien votre impatience a été criminelle !

Mon cher mari, lui dis-je, je ne veux pas diſputer avec vous là-deſſus ; j’avoue que je ſuis coupable ; pardonnez-moi donc : je vous ſerai plus obéiſſante ; je ſouffrirai conſtamment toutes les douleurs que vous me ferez ; & pour augmenter votre plaiſir, je remuerai le mieux que je pourrai. O Déeſſe ! dis-je, en même temps, qui préſidez à l’Hyménée, ſoyez-moi favorable ; inſpirez-moi les ſentiments les plus amoureux, & les mouvements les plus conformes à l’inclination de mon cher Oronte, & je vous obéirai aveuglément. Il fut ſatisfait de cette ſoumiſſion ; il me baiſa pluſieurs fois, me chatouilla, me mania par-tout : tous ces petits jeux étoient ordinairement les héros qui m’annonçoient le combat. Allons, me dit-il, courage, faites ce que vous m’avez promis. Voyez comme dans peu de temps votre ennemi eſt devenu redoutable ! Il ſemble à le voir qu’il veuille mettre tout à feu & à ſang : mais quelque furieux qu’il paroiſſe, vous pouvez facilement le vaincre ; attendez-le ſeulement de pied ferme ; & pendant le combat, invoquez dévotement le Dieu des batailles amoureuſes. Ça, continua-t-il, couchez-vous, & faites ce que je vais vous dire, ſi vous voulez que je ſois votre mari. Levez vos cuiſſes le plus haut que vous pourrez, & faites en ſorte que vos pieds baiſſent quand je ſerai ſur vous : fort bien ; embraſſez-moi maintenant de toutes vos forces, afin que je ne me puiſſe ſéparer de vous.

Octavie.

Vous tîntes ſans doute votre parole ?

Tullie.

Oui, je fis comme il me dit des cuiſſes, & je l’embraſſai ſi étroitement, qu’on eût dit que je me voulois coller à lui. Il commença par le baiſer des yeux, & m’ouvrit après avec les doigts l’endroit où il vouloit entrer. Il y poſta à l’entrée ſon inſtrument de guerre, & prit ſi bien ſes meſures, que l’ayant pouſſé de toutes ſes forces, je le ſentis entrer plus avant qu’il n’avoit encore pu faire auparavant. Sérieuſement, Octavie, je crus qu’il m’avoit miſe en pieces ; ma douleur fut ſi grande, que non-ſeulement je ne pus retenir mes larmes, mais même je n’eus pas aſſez de conſtance pour m’empêcher de crier hautement. Oronte touché alors de quelque pitié, s’arrêta tout court au milieu de ſa courſe : Je fais trêve pour un moment, dit-il : prenez cependant courage, vous n’avez plus guere à ſouffrir ; j’ai fait cette fois plus que la moitié du chemin ; voyez-le vous même. Le danger où j’étois, fit que j’y portai la main, & je trouvai qu’il diſoit la vérité ; mais ce qui reſtoit au-dehors, étoit le gros & le plus nerveux : il me mit la langue à la bouche ; & ayant pouſſé en même-temps un coup ou deux, il entra plus avant. Ah ; malheureuſe que je ſuis ! diſois-je, vous me tuez ; arrêtez-vous mon cher Oronte, modérez un peu ces ſecouſſes ſi cruelles. Avec tout cela, malgré ma douleur, je le tenois fortement entre mes bras, & j’avois toujours mes cuiſſes en l’air, afin de l’aider par cette poſture à finir bientôt une ſi grande affaire. Enfin, à la quatrieme ſecouſſe, ayant ramaſſé toutes ſes forces, il fit entrer tout entier Priape, glorieux & triomphant, dans une place qui s’étoit ſi bien défendue. Le lit qui étoit le champ de bataille en trembla, & le bruit qu’il fit fut ſi grand, qu’il fit juger à tous mes parents qui étoient dans la prochaine chambre, qu’il devoit être tout briſé. Je m’écriai plus haut que jamais, & priai Oronte de retirer de la playe la fleche dont il m’avoit percée juſques aux entrailles. C’eſt à cette heure, me diſoit-il, que je puis dire que de très-pure vierge que vous étiez, vous êtes devenue une femme très-chaſte : vous ne devez plus rien appréhender ; le chemin où l’on va au comble du plaiſir, eſt ouvert à vous & à moi ; toutes vos douleurs ſont paſſées : je m’en vais arroſer de cette eau de Vénus tout le dedans de votre parterre, & je vous donnerai un baiſer qui vous ſervira de ſignal. A peine avoit-il achevé de parler, qu’il me baiſa, & je me ſentis en même temps mouiller juſques aux entrailles, d’un ſang chaud & viſqueux. Tout le plaiſir que j’eus alors, fut une légere démangeaiſon. Il n’en étoit pas de même d’Oronte ; les baiſers continuels qu’il me donnoit, ſes attouchements, ſes paroles tendres entre-mêlées de ſoupirs amoureux, ſes yeux moitié vifs, moitié mourants, témoignoient aſſez que ſa joie étoit infinie.

Bien qu’il eût fait la décharge en vaillant homme, il ne voulut pourtant pas déconner : Je veux récompenſer, me diſoit-il plaiſamment, toutes les pertes que j’ai faites, & je veux en uſer en vainqueur. Quoi ! Oronte, lui dis-je, n’êtes-vous pas ſatisfait ? dites-moi quels peuvent être les droits du vainqueur ? je recevrai les loix que vous voudrez m’impoſer, ſoit que vous me vouliez traiter en eſclave, ou en femme libre. Lorſqu’on s’eſt rendu maître d’une place, reprit-il, qui a coûté comme la vôtre tant de ſueurs & tant de ſang, nous pouvons y reſter tant qu’il nous plaît ; il n’y a rien qui puiſſe nous forcer d’en ſortir : ce ſont-là, Tullie, les droits les plus ſacrés d’un Vit victorieux ; & je prétends que vous confeſſiez votre défaite, & que votre Con tout rompu, tout déchiré, le reconnoiſſe pour ſon ſouverain. Cependant préparez-vous à un nouvel aſſaut : vous voici à la fin de vos peines, & je veux vous faire avouer qu’il n’y a point parmi les mortels de volupté plus ſolide & plus douce, que celle de Vénus. Afin de vous la rendre plus ſenſible, je veux vous apprendre ce que vous devez faire ; à meſure que je pouſſerai en-bas, pouſſez-en-haut le plus vigoureuſement que vous pourrez : cela ne ſera pas difficile, à vous qui êtes jeune & robuſte. Je lui obéis ; je fis ſi bien mon devoir, que mes feſſes étoient plus mobiles que les ſiennes, Oronte voyant que j’étois ſi ſavante : Courage, s’écrioit-il, pouſſez, pouſſez, fort bien, fort bien, quelle Amazone ! mon ame, mon petit cœur, ma Vénus, que vous me cauſez de plaiſir ! y a-t-il un mortel ſi heureux que moi ! Ah ! Dieux ! je n’envie point votre félicité ; celle dont je jouis à préſent, eſt mille fois plus pure & plus ſolide que la vôtre : ah, ah, ah, Tullie, ma chere Tullie, je meurs ! Et moi, Oronte, dis-je, je ſens, ah !…, je ſens, & je ne puis dire quoi.

Octavie.

Vous me tuez, Tullie, par votre diſcours je languis & je meurs dans l’attente d’un ſi grand plaiſir.

Tullie.

Pendant que nous étions ſi étroitement attachés l’un à l’autre, je ſentis couler cette liqueur, laquelle, par ſon chatouillement, me provoqua en même-temps à la décharge ; je me ſentis brûler par tout le corps d’une ſi furieuſe chaleur, que n’ayant plus d’égard à aucune pudeur, je preſſois mon ennemi, je le fatiguois par mes ſaillies : on eût dit, à voir la mobilité de mes feſſes, que mon derriere étoit plein de vif argent, que rien ne pouvoit fixer. Enfin, nous fûmes ſi heureux cette fois-là, que les deux éjaculations ſe firent dans le même moment ; ce fut avec tant de bravoure de part & d’autre, que ſi Vénus eût été témoin de notre combat, je crois qu’elle n’auroit ſu à qui attribuer la victoire. A peine commencions-nous à reſpirer, Oronte & moi, que nous entendîmes ouvrir la porte ; ma mere & Angélique entrerent vîte dans notre chambre, & la fermerent avec le verrouil.

Octavie.

Elles ne le mirent pas ſi bien à la porte, qu’Oronte l’avoit mis à votre &c. n’eſt-il pas vrai ?

Tullie.

Ris donc de tout ton cœur, petite folle ; tu n’en auras pas tant d’envie, quand tu ſentiras dans quelques heures les aſſauts qui te ſeront donnés.

Octavie.

Alors comme alors, chaque choſe a ſon temps ; continuez votre récit.

Tullie.

Je pris d’abord les couvertures qu’Oronte avoit jettées au pied du lit ; & j’en couvris ſa nudité, & la mienne : car j’avois honte dans cet équipage aux yeux de ma mere ; je n’avois pas tant d’égard pour Angélique, car nous nous connoiſſions comme toi & moi. Ma mere m’embraſſa, puis en s’adreſſant à Oronte : Mon fils, dit-elle, que vous avez bien combattu ! vous êtes un héros ; les cris de ma fille ſont des témoins. irrévocables de ſa défaite : je vous congratule de votre victoire ; ſi vous n’aviez pas vaincu, Tullie auroit été veuve, quoique mariée. Angélique s’étoit cependant jettée à mon col, & me donnoit mille baiſers, les larmes aux yeux. Ah ! ma pauvre enfant, me diſoit-elle tout bas, qu’Oronte t’a maltraitée ! c’eſt un vrai boucher. Toutes les fois que je t’entendois crier ſi fort, je le maudiſſois de tout mon cœur ; mais, dis-moi, comment te portes-tu ? Fort bien, lui dis-je ; & enfin, après tant de travaux & tant de cruelles douleurs, j’ai goûté ce grand plaiſir, qui fait tout le bonheur de la vie. Es-tu femme ? ajouta-t-elle. Oui je la ſuis, ma mignonne ; & quand je repaſſe dans mon eſprit les grands biens qui nous viennent de perdre la virginité, j’avoue que tous les plus riches tréſors ne les égalent pas : j’y ſuis déja tellement accoutumée, que je me paſſerois plutôt de boire & de manger que de ces agréables paſſe-temps. C’eſt fort bien, me dit-elle : tu parles comme une Sybille ; & toute fille qui ne goûte pas les délices de Vénus, ne jouit point proprement de la vie. Comme nous y avons toutes un penchant violent, on s’eſt aviſé de modérer ces mouvements innocents de la nature par des idées chimériques d’honneur ; on veut même que la religion y ait part : les ſottes en ſont effrayées ; mais les ſages n’en croyent rien ; ce qu’elles font, c’eſt d’éviter les dehors, & cacher les apparences, pour s’accommoder à l’ignorance du ſiecle. Elle auroit moraliſé davantage, ſi Oronte ne ſe fût approché de nous. Angélique le ſalua, & lui fit un compliment de congratulation, ſur ce qu’il étoit venu heureuſement à bout d’un pucelage qui auroit pu donner de la peine à Jupiter.

Sais-tu qu’Angélique a beaucoup d’eſprit, & qu’elle dit les choſes d’un air à plaire à tout le monde ? Ma mere donna une grande taſſe d’hippocras à Oronte : Buvez cela, mon fils, lui dit-elle, pour vous fortifier & réparer les forces que vous avez perdues ; ſi vous me croyez, vous vous repoſerez un peu ; vous avez aſſez remporté de gloire, cette nuit. Elle me fit manger trois noix confites, & me dit doucement à l’oreille d’obtenir d’Oronte quelques heures de treve, parce que le ſommeil m’étoit néceſſaire. Comme elle s’en retournoit avec ſa compagnie, Oronte appella Angélique, & la pria de reſter un moment pour être témoin de ſa valeur : auſſi-tôt comme elle regardoit, il ſauta bruſquement ſur moi, & me donna de ſi vigoureuſes ſecouſſes, qu’on eût dit que le lit étoit menacé de prochaine ruine, tant il trembloit. Ma mere & Angélique en éclaterent de rire ; & bien-loin de me défendre, elles me laiſſerent ainſi toute ſeule, expoſée aux fureurs d’Oronte. Sa courſe fut un peu plus longue qu’à l’ordinaire ; mais auſſi la ſemence entra plus profondément dans la matrice, où je ſentis un chatouillement ſi doux, qu’il cauſa une eſpece de léthargie à tous mes ſens. L’affaire finie, notre cavalier quitta ſon poſte, & en ſortit tout atténué, & la tête baiſſée.

Octavie.

Sans doute que, dans cette poſture humiliante, il vous demandoit pardon du ſang qu’il vous avoit fait répandre ?

Tullie.

Je voulus l’eſſuyer avec le linge comme les autres fois. Il n’eſt pas néceſſaire, me dit-il ; il eſt auſſi ſec que s’il n’avoit pas nagé dans l’étang de la volupté. Il mit alors ſa main à ma partie ; & ayant pouſſé un doigt fort avant, trouva que ma matrice n’étoit point mouillée. Que les Dieux nous favoriſent, s’écria-t-il ! je ne doute point que de ce coup il ne ſe forme dans ton ſein, ma chere Tullie, le fruit de notre amour. C’en eſt aſſez, mon cœur, repoſez-vous un peu, juſques à ce que je vous provoque à de nouveaux combats. Comme j’étois fatiguée, le ſommeil ſe rendit bientôt maître de tous mes ſens ; je dormis trois bonnes heures, pendant leſquelles Oronte ne put pas fermer l’œil. Il me baiſoit de temps en temps, & me regardoit par-tout ; je dormis ſi profondément, que je ne me réveillois point : il retira doucement les draps & la couverture ; (j’étois couchée ſur le dos) & m’ayant doucement élargi les cuiſſes, il vit le cirque amoureux où il avoit déja fait trois courſes. Il admiroit la beauté de mon corps ; & dans cette agréable contemplation enflammé d’un ſi charmant ſpectacle, il fit ſon entrée à cette place qu’il avoit ſi bien viſitée. A l’abord d’un hôte ſi aimable, j’ouvris les yeux pour le recevoir. Quelle joie pour moi, s’écria-t-il ! vous vivez, ma Déeſſe ! j’appréhendois qu’il ne m’arrivât le même qu’à Périandre, Tyran de Syracuſe, de careſſer une femme morte. Je vous ferai bien voir, lui dis-je, que je ſuis en vie. Eh bien, mon cœur, faites ; vous ne ſauriez, reprit-il, me donner une plus grande marque de votre amour.

Octavie.

Que fîtes-vous pour lui montrer que vous viviez ? mais je le conjecture bien.

Tullie.

Eh bien ! dis-le donc, qu’en crois-tu ?

Octavie.

Je crois que vous remuâtes le derriere le plus vîte que vous pûtes.

Tullie.

Tu y as juſtement mis le nez, Octavie ; c’eſt cela. Etant donc à la renverſe, & me ſentant ſerrée, à meſure qu’Oronte pouſſoit en-bas, je pouſſois en-haut, avec une vigueur extraordinaire. Pendant que cette cadence dura, nous étions ventre contre ventre, poitrine contre poitrine ; enfin, nous étions ſi étroitement pris l’un contre l’autre, que ſi le corps d’Oronte eût été rempli de ſemence depuis les pieds juſqu’à la tête, je l’aurois toute eut juſqu’à la derniere goutte.

Octavie.

Ce combat dura-t-il long-temps ?

Tullie.

Helas ! qu’un inſtant ; car ſi nous meſurions ce plaiſir par ſa durée, nous le trouverions un ſiecle trop court. Il me ſemble que la nature a fait une grande faute en nous formant : ſon chef-d’œuvre auroit été bien plus accompli, ſi elle avoit fait de nos parties un étang plein de ſemence, où le membre de l’homme eût pu nager, & que de ce membre elle en eût fait une fontaine, & une ſource vive de cette même liqueur.

Octavie.

Vous qui êtes ſi ſavante, ma Couſine, dites-moi la raiſon pourquoi ce plaiſir dure ſi peu ?

Tullie.

Il n’eſt pas fort aiſé de la trouver ; cette difficulté a fait ſuer toute l’antiquité, & pas un n’a eu encore la hardieſſe de la décider : mais je t’aime trop, mon petit cœur, pour te rien refuſer ; voici ce que j’en penſe.

Pour bien débrouiller cette queſtion, il faut que tu ſaches que les Philoſophes ne ſe ſont point accordés ſur ſiege de l’ame : Hippocrate le met au ventricule du cerveau ; Zenon & les Stoïciens, dans la tête & dans le cœur ; Empédocle le met au ſang ; comme auſſi Moïſe : ce qui fut cauſe que ce ſage Légiſlateur défendit aux Juifs de manger le ſang des bêtes. Galien a cru que chaque partie avoit ſon ame ; Ariſtote qu’elle étoit répandue par tout le corps ; & moi (n’en déplaiſe à tous ces grands hommes) je crois que ſon véritable ſiege eſt dans les teſticules de l’homme & de la femme. Selon cette opinion, il eſt facile de répondre à la queſtion que tu m’as faite touchant la briéveté du plaiſir vénérien ; car comme je te viens de dire, ſi la ſemence eſt le ſiege de l’ame, (comme il n’en faut point douter) ergo chaque goutte qui ſort, en eſt une portion : de maniere que la nature a été fort ſage d’en modérer l’éjaculation, de peur qu’en l’abandonnant à nos deſirs déréglés, il ne s’en fît une évacuation entiere, qui entraîneroit tout le genre humain. Une preuve de ce que je dis, c’eſt que nous voyons tous les jours que les hommes qui ne veulent pas prendre ce plaiſir avec modération ; s’en repentent, & que leur lubricité leur coûte bien ſouvent la vie, par l’épuiſement des eſprits vitaux qui ſe fait dans les combats trop ſouvent réitérés. Il eſt vrai que les femmes ne riſquent pas le même danger, parce…

Octavie.

Tullie, c’en eſt aſſez ; ce que vous dites eſt trop ſavant pour moi : vous m’obligerez bien plus de continuer votre récit, que j’ai imprudemment interrompu par ma curioſité.

Tullie.

J’en étois, ſi je ne me trompe, lorſqu’Oronte me réveilla avec ſon inſtrument. Le loiſir qu’il avoit eu pendant les trois heures que je dormis, de me contempler, lui avoit tellement échauffé l’imagination, que ſon membre étoit tout écumant de plénitude : je le ſentis farfouiller juſques dans mes entrailles, & je remuai tant, que l’affaire ſe termina dans peu, parce qu’Oronte à la quatrieme ſecouſſe paya le tribut ordinaire de ſa ſemence, laquelle ſe mêlant en même-temps avec la mienne, nous perdîmes tous deux la parole.

Octavie.

Dites-moi, je vous prie, ma très-chere, ne vous fit-il point de mal à cette attaque ? j’ai la curioſité de le ſavoir, parce que comme je brûle d’envie de jouir bientôt de ce plaiſir, que vous me repréſentez être ſi grand, & que d’ailleurs je crains la douleur qui le précede, mon cœur eſt flottant entre l’eſpérance & la crainte.

Tullie.

Ah, que tu es ſotte de t’effrayer pour ſi peu ! quelque douleur qu’il y ait, le plaiſir eſt infiniment plus grand.

Octavie.

Je vous crois, ma Couſine ; car ſeulement à vous entendre parler, je ſens un chatouillement & une démangeaiſon étrange à cette partie.

Tullie.

Tant mieux, tant mieux, c’eſt bon ſigne. tu peux en attendant, ſans tant de myſtere, te la gratter, ſi elle te démange ſi fort. Non, non, laiſſe-moi faire, j’entends cela à merveille.

Octavie.

Cette démangeaiſon que je ſouffre, eſt un effet de votre diſcours ; vos expreſſions ſont ſi vives & ſi naturelles, que vous repréſentez les objets comme ſi on les voyoit, comme ſi on les ſentoit. Mais que faites-vous, Tullie ? Ah retirez ce doigt adultere qui me met tout en feu ! achevez, je vous prie, de me dire comment vous paſſâtes le reſte de la nuit avec votre petit mari.

Tullie.

Oronte dormit pendant quelques heures ; pour moi je ne fermai pas ſeulement les yeux, quelqu’envie que j’euſſe de repoſer : les flambeaux étoient encore allumés, & il me vint à la penſée d’ouvrir une fenêtre qui regardoit dans le jardin. Je me levai toute nue, & je l’ouvris ſans qu’Oronte ſe réveillât ; j’éteignis les flambeaux, car il faiſoit jour ; & comme j’avois beſoin de piſſer, je pris le pot-de-chambre : mais à meſure que l’urine tomboit, elle me cauſoit une douleur ſi âcre & ſi mordicante, qu’à peine pouvois-je la ſupporter. Les gémiſſements que je pouſſois, éveillerent Oronte ; il me regarda fixement, & me dit : Qu’eſt-ce qui vous fait mal, ma mignonne ? Je quittai auſſi-tôt le pot-de-chambre, quoique je n’euſſe pas encore achevé. Je croyais que vous dormiez, lui dis-je ; j’ai de la confuſion d’avoir offenſé vos yeux par la vue d’un objet déshonnête. Voilà, ſans doute, reprit-il, un grand mal, de vous avoir vu piſſer ; ſachez qu’une choſe ceſſe d’être déshonnête, ſitôt qu’elle eſt néceſſaire. Chevaucher, boire, manger, dormir, piſſer, &c. ſont des actions dont on ne ſauroit ſe paſſer qu’en ceſſant de vivre, & par conſéquent qui n’ont en elles-mêmes aucune image de ſaleté. Je me remis d’abord au lit ſans rien répondre, après m’être bien eſſuyée. Oronte me jetta incontinent entre ſes bras & entre ſes cuiſſes ; il me baiſoit, & me donnoit doucement ſur les feſſes, tantôt d’une main, tantôt de l’autre. Il me pria de manier ſon invention, afin de l’exciter à un nouveau combat : je lui obéis ; & dans fort peu de temps, je le vis groſſir à vue d’œil, (la main d’une belle a une vertu merveilleuſe pour cet effet.) Je vous veux maintenant chevaucher, me dit-il, d’une nouvelle maniere ; mettez votre cuiſſe gauche ſur ma droite ; je le fis : il pouſſa fort rudement, mais il ne put entrer à cauſe de notre ſituation qui rendoit l’accès plus difficile. Il me fit lever la cuiſſe gauche encore plus haut ; mais avec tout cela, il ne put faire que la moitié du chemin ; ce qui fit qu’étant fatiguée par cette poſture qui m’étoit incommode, je me lançai ſur lui, jambe de-çà, jambe de-là : je t’avoue que j’étois glorieuſe de voir mon adverſaire ſous moi, & je piquai ſi bien ma monture, que nous arrivâmes au Port de Salut. Oronte m’avoua qu’il n’avoit jamais goûté un plaiſir ſi délicieux.

Octavie.

Apparemment vous ne ſentiez point de mal ?

Tullie.

Non ; car à force de remuer les feſſes, je diſſipois le reſte de la douleur, outre que le chemin étoit déja battu. Durant ces mouvements, je chatouillois légérement la peau des teſticules, je les preſſois tous deux avec les doigts, je les irritai tellement par ce badinage, qu’ils répandirent avec profuſion cette divine liqueur dont ils ſont dépoſitaires.

Bien que j’euſſe fait ma décharge, je ne voulus pourtant pas quitter ſitôt la partie ; & comme toute ma pudeur s’étoit évanouie en changeant de poſture, je baiſois Oronte aux yeux, à la bouche, par-tout ; je lui mordois les levres, les joues ; je lui paſſois la main ſur tout le corps ; je lui pinçois les feſſes ; je le chatouillois ; enfin, je lui rendis avec uſure toutes les careſſes qu’il m’avoit faites dans nos premiers embraſſements. Ma mere avoit promis qu’elle viendroit nous viſiter de grand matin ; nous l’entendîmes qui s’approchoit : Vienne qui voudra, dit Oronte ; je vous ai promis de le faire ſept fois, il en manque une, achevons-la, pour ne vous pas manquer de parole. Auſſi-tôt qu’il entendit que ma mere étoit proche de la chambre, & qu’elle mettoit la clef à la ſerrure, il monta ſur moi : Tenez, dit-il, divine Tullie, voilà la clef dont je veux me ſervir pour ouvrir votre cabinet ; en même-temps il entra, & ſecoua ſi rudement, que ma mere, qui venoit d’arriver, fut toute ſurpriſe d’entendre trembler ſi fort le lit : je fis ſemblant de ſoupirer de honte, & de me fâcher. Qu’eſt-ce que je vois, dit-elle, ma fille ? eſt-ce que la nuit n’a pas été aſſez longue pour vos débats ? ma foi, vous vous en donnez au cœur-joie. Je vous demande pardon, ma mere, lui dis-je, je ſuis bien fâchée que vous me ſurpreniez dans cette turpitude. Cependant Oronte ſecouoit vigoureuſement, comme ſi la préſence de ma mere l’eût animé. Obéiſſez, me dit-elle, à votre époux, & n’ayez pas honte de faire l’office d’une mariée ; je m’en vais bientôt, pour vous laiſſer jouir paiſiblement l’un de l’autre. Auſſi-tôt elle ſortit. Oronte, échauffé de l’ardeur du combat, me pria de faire mon devoir ; je compris fort bien ce qu’il vouloit me dire : c’eſt pourquoi à meſure qu’il avançoit, je repouſſois, comme ſi je l’euſſe voulu jetter juſques au ciel du lit. Il louoit mon courage, & étoit charmé de la mobilité de mes feſſes ; je lui dis qu’il devoit plutôt me louer de l’amour que j’avois pour lui, qui me faiſoit oublier moi-même, pour m’abandonner à des mouvements ſi peu honnêtes pour une jeune femme. Mais tout auſſi-tôt je ſentis le moment du plaiſir qui s’approchoit, je crus que toutes les veines de ma matrice furent ouvertes : Faites vîte, Oronte, je n’en puis plus, je me meurs, ah ! ah ! ah !… Le pauvre enfant ſe preſſoit tant qu’il pouvoit pour me ſoulager ; mais il avoit beau remuer les feſſes, il ne ſortoit pas une goutte de ſon tuyau : on eût dit que toute ſon humeur radicale étoit épuiſée. Il me baiſoit tendrement, & me conjuroit de l’aider dans un ſi grand ouvrage : j’y réuſſis ſi bien, qu’enfin je l’excitai à l’éjaculation ; mais il la fit longtemps après la mienne. S’étant un peu repoſé entre mes bras ſans déconner, il ſe leva du lit, & ayant appellé ſes valets, il s’habilla ; il me donna auparavant un baiſer, me demandant pardon d’avoir montré tant de lâcheté avec moi : c’eſt ainſi qu’il me parloit : Je ſuis honteux, ma très-chere, d’avoir fait ſi peu de courſes dans un ſi beau champ. Comme il railloit ainſi, ma mere revint avec Angélique ; elles portoient deux grandes écuelles de conſommé : ma mere en préſenta une à Oronte, & elle me donna l’autre que j’avalai fort bien. Oronte, pour paroître plus vaillant, diſoit qu’il n’en avoit pas beſoin ; néanmoins il la prit comme moi, ſans ſe faire beaucoup prier.

Octavie.

Je m’imagine, Tullie, de voir dans votre entretien une fidelle peinture de ce qui me doit arriver : ce qui me conſole, c’eſt que ſi Pamphile me cauſe autant de douleurs qu’Oronte vous a fait de maux, j’aurai auſſi les mêmes plaiſirs que vous avez goûtés, & peut-être meme qu’ils ſeront plus doux ; car ma partie étant plus petite & plus étroite que la vôtre, & le membre de Pamphile plus long de trois pouces que celui de votre mari, il m’en fera d’autant plus de plaiſir, qu’il me pénétrera plus profondément.

Tullie.

Je te ſouhaite ſeulement, mon petit cœur, pour l’amitié que je te porte, que Pamphile faſſe auſſi-bien ſon devoir qu’Oronte s’en eſt acquitté. Mais il eſt tantôt temps de nous lever ; je crois que quand tu aurois repoſé ſur le Parnaſſe, tu ne ſerois pas mieux inſtruite, & j’eſpere qu’avec les leçons que je viens de te donner, tu te défendras des attaques de Pamphile auſſi-bien que pas une de ton âge.

Octavie.

Je vous ſuis infiniment obligée, ma Couſine ; j’en ſais, comme je crois, aſſez : pourvu que Vénus & ſon fils me favoriſent, j’ai ſi bonne eſpérance de mon adreſſe & de mon courage, que je ne veux pas même pouſſer un cri, ni verſer une larme au plus fort du combat.

Tullie.

Ah, Dieux ! prends bien garde, ma pauvre enfant, de faire ce que tu dis ; cette conſtance ſeroit d’un mauvais effet pour toi, & produiroit dans l’eſprit de Pamphile des ſoupçons qui te ſeroient déſavantageux. Il n’y a rien qui cauſe plus de joie à un mari, la premiere nuit de ſes noces, que lorſque ſon épouſe témoigne par ſes larmes qu’elle ſouffre beaucoup dans l’action : il prend ſes gémiſſements & ſes ſoupirs, pour les derniers accents de la voix d’une virginité mourante. Songe maintenant à ce que tu as à faire, & penſe que je te parle en amie.

Octavie.

Vous avez raiſon, ma Couſine ; je crierai ſi haut, que Pamphile ne pourra avoir aucun ſoupçon de mon pucelage. Donnez-moi un baiſer, aimable Tullie, avant que de ſortir du lit.


Chorier - L’Académie des dames, 1770, Vignette-04
Chorier - L’Académie des dames, 1770, Vignette-04