L’Académie des dames/03

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A Venise chez Pierre Arretin [après 1770] (p. 32-44).

Chorier - L’Académie des dames, 1770, Bandeau-02
Chorier - L’Académie des dames, 1770, Bandeau-02


TROISIEME

ENTRETIEN

ACADÉMIQUE.


Chorier - L’Académie des dames, 1770, Séparateur-03
Chorier - L’Académie des dames, 1770, Séparateur-03


OCTAVIE, TULLIE.


Octavie.


AH ! ah ! ah ! comme tu te jettes ſur moi ! ah ! ſi les Dieux avoient changé ton ſexe, & t’avoient métamorphoſée en homme, que ne m’arriveroit-il point ?

Tullie.

Mon petit cœur, Pamphile fera tout de même : il te fermera la bouche par ſes baiſers ; il ſuccera amoureuſement tes deux tettons ; en un mot, il couvrira tout ton corps du ſien, & te donnera des ſecouſſes d’autant plus preſſantes, qu’il me ſurpaſſe en force & en vigueur : ſes agitations ſeront ſi violentes, que le lit dans lequel vous ſerez en fera bruit, toute la chambre en tremblera, & les vitres & les fenêtres en éclateront. Je ne te dis rien que je n’aye éprouvé moi-même ; car la premiere nuit de mes noces qu’Oronte me dépucela, les efforts qu’il fit furent ſi grands, ſes mouvements ſi rudes, & ſes agitations ſi ſurprenantes, que tous ceux qui étoient dans des chambres aſſez éloignées les entendirent fort clairement. Imagine-toi, mon cœur, en quel état je pouvois être, moi qui remportai la victoire, de l’aveu même de mon adverſaire !

Octavie.

Ah ! que deviendrai-je ; ſi Pamphile eſt auſſi vigoureux qu’Oronte ! Si tu as eu tant de peine, quoique tu fuſſes plus forte & plus âgée que moi, ah ! il eſt indubitable que je ſuccomberai, & ne pourrai ſouffrir de ſi rudes attaques.

Tullie.

Il ne faut point te diſſimuler tu auras un peu à endurer, lorſque Pamphile te percera de ſon inſtrument : mais auſſi à cette peine ſuccéderont des douceurs, des plaiſirs & des chatouillements, que je ne te puis exprimer, & qui effaceront bientôt le moindre ſouvenir de la douleur paſſée.

Octavie.

Ah ! ma chere Tullie, ſerai-je montée par un Cavalier auſſi aimable que toi ? Si cela eſt, je n’envierai point au Parnaſſe ſon Apollon, ni au Mont Olympe ſon Jupiter. Ah ! qu’Oronte eſt heureux de te poſſéder, & que vous menez une vie bien douce ! Mais que regardes-tu ſi fixement, en me faiſant ainſi ouvrir… Ah ! tu m’étends un peu trop les levres de cette partie ; eh bien ! que vois-tu au-dedans ?

Tullie.

Ce que j’y vois ? ah ! j’y vois une fleur, dont la couleur & l’éclat l’emportent ſur la pourpre & ſur l’écarlate. C’eſt un tréſor, dont je préférerois la jouiſſance & la poſſeſſion à tout ce qu’il y a de plus riche dans le monde.

Octavie.

Retire, je te prie, ce doigt laſcif, que tu m’as mis au-dedans : ah, ah ! tu l’avances encore, tu me bleſſes ; retire-toi ; encore un coup, je t’en conjure.

Tullie.

Ah, que j’ai pitié de toi, coquille précieuſe, plus propre mille fois pour faire naître les Amours & les graces, que celle dont on dit que Vénus eſt ſortie ! Ah ! que Pamphile eſt heureux, & qu’il eſt né ſous une favorable conſtellation, puiſque les Dieux le doivent rendre maître d’une choſe en même-temps ſi aimable & ſi amoureuſe !

Octavie.

Pourquoi dis-tu que tu as compaſſion de moi, & que cette partie te fait pitié ? doit-il arriver quelque choſe de fâcheux pour l’une ou pour l’autre ?

Tullie.

C’eſt l’amitié que je te porte, qui me rend ſenſible à tes maux, devant même qu’ils ſoient arrivés ; je prévois les douleurs & les fatigues que tu ſouffriras dans les premieres attaques de Pamphile. Ah ! que le combat ſera ſanglant ! je m’imagine voir déja avec quelle cruauté cette pauvre partie ſera déchirée. Tu as vu les armes dont il ſe doit ſervir ?

Octavie.

Non, mais je les ai reſſenties, & il me ſembloit que c’étoit la maſſue d’Hercule, tant à cauſe de ſa groſſeur, que de ſa longueur prodigieuſe.

Tullie.

Je ſais d’Oronte, qu’il n’y a pas un homme dans la ville, mieux pourvu de cette partie que Pamphile. Oronte en a un, long de huit doigts ; mais il dit que ce n’eſt rien auprès de lui, & qu’il a un membre de la longueur d’onze pouces, & de la groſſeur de ton bras, (je parle de l’endroit le plus proche de ta main.)

Octavie.

Ah, Dieux, quel monſtre ! quoi, il enfoncera dans mon ventre toute cette machine prodigieuſe ? je pourrai ſouffrir une choſe ſemblable ? Non non, la ſeule penſée m’étonne & me fait horreur, & le cœur me manque par la ſeule réflexion que je fais ſur tes paroles. Onze doigts ! oh, grands Dieux !

Tullie.

Ne perds pas courage, mon enfant : il eſt vrai que le membre de Pamphile ſurpaſſe en longueur celui d’Oronte ; mais auſſi il faut qu’il lui cede en groſſeur. Car vois-tu bien mon bras ?

Octavie.

Aſſurément, je le vois.

Tullie.

Eh bien, quand ſon membre eſt chaud, & lorſqu’il s’enfle de colere contre moi, il eſt de cette groſſeur ; & avec tout cela, il eſt fort bien proportionné à ſon fourreau.

Octavie.

Quoi, il ne te bleſſe point, & ta partie peut facilement le recevoir ? eſt-il poſſible ! Il faut que tu ſatisfaſſes ma curioſité, & que je voye de mes yeux ce que je ne puis concevoir de mon eſprit. Tullie, mets-toi à quatre pieds ſur le lit, & tourne les cuiſſes du côté de la lumiere ; écarte-les le plus que tu pourras, afin que je puiſſe mieux conſidérer l’étendue de cette partie.

Tullie.

Eh bien, ſatisfais-toi ; mais prends garde de t’égarer dans un chemin qui eſt bien plus large que le tien, & qui a bien des détours qui te ſont inconnus. Suis-je bien poſée de cette maniere ? cette ſituation te plaît-elle ?

Octavie.

Ah ! Dieu, qu’elle eſt luxurieuſe, qu’elle eſt lubrique ! Ah, je ne puis voir la beauté de tes feſſes, ſans les contempler amoureuſement ; & je ne puis pas même m’empêcher de leur donner mille baiſers.

Tullie.

Ah ! que tu ſeras laſcive, petite Couſine ! ah, comme tu me mords ! Quitte donc ce badinage, & conſidere bien la longueur, la largeur, & la profondeur de ce pays que tu as découvert : bon, ouvre encore davantage les deux levres de cette partie ; eh bien ! que vois-tu ?

Octavie.

Ah, Dieux ! ce que je vois, je ne l’aurois jamais cru : je vois cet endroit où Corſius ſe précipita tout armé avec ſon cheval ; je vois un chemin où je crois que Priape même ſe pourroit égarer. Eſt-il poſſible, Tullie, que ma partie devienne ſemblable à la tienne ſans une métamorphoſe des Dieux ?

Tullie.

Eh bien, es-tu contente ; & ta curioſité eſt-elle pleinement ſatisfaite ?

Octavie.

Oui, je le ſuis, & je t’ai ſi bien conſidérée dans la poſture où tu étois, que je crois connoître à préſent tout ce qu’il y a de plus caché dans cette partie qui nous fait femmes. Il reſte, Tullie, à m’apprendre quelque choſe du membre de l’homme, & comment on le nomme ordinairement.

Tullie.

Je le veux, de tout mon cœur. Tu ſauras donc que cette partie de l’homme eſt ſituée dans le même endroit que la nôtre. On l’appelle communément, le vit, le membre, la pique, la verge, & par Antonomaſe, la nature. Il y a encore mille autres noms dont nous nous ſervons dans nos fureurs. Apprends donc que ce membre, ce vit, ce nerf, ou comme tu voudras l’appeller, hors de l’acte vénérien, eſt lâche & pendant ; & on peut dire qu’il n’eſt qu’un portrait, en raccourci, de ce qu’il eſt dans l’action : car dans ce moment il ſe dreſſe, il s’enfle, il s’allonge, mais d’une longueur ſurprenante, & devient ſi furieux, que d’abord la ſeule vue nous fait peur. Dans les attaques où il ſe rend maître de notre virginité, il nous cauſe une cuiſante & ſenſible douleur ; mais elle eſt bientôt appaiſée par l’excès du plaiſir que nous recevons un moment après.

Octavie.

Le plaiſir, je ne le connois point encore ; la douleur, je ne ſouhaite pas l’expérimenter ; mais pour la crainte, elle me ſaiſit déja.

Tullie.

Au-deſſous de ce membre, il y a une bourſe garnie & entourée de petits poils friſés, & que la nature ſemble avoir mis-là pour conſerver la chaleur de cette partie, qui n’en doit jamais manquer. Or dans cette bourſe il y a deux petits globes qui ſont les marques de la virilité : ils ne ſont pas d’une rondeur fort réguliere, mais ils ſont fort durs ; & plus ils ont de fermeté, plus ils ſont capables de donner du plaiſir. On les appelle vulgairement teſticules ou couillons. Il s’eſt trouvé des perſonnes en qui la nature a été ſi libérale de ces tréſors, qu’ils en ont été pourvus de trois ; comme Agathocle, Tyran de Syracuſe : & il y a encore une noble & illuſtre famille en Italie, dont tous les deſcendants ont ce même avantage. Avoue avec moi, Octavie, que les femmes de ces Athletes ſont heureuſes, & ont bien du bonheur, puiſqu’il n’y a rien de plus doux & de plus capable d’appaiſer la douleur que l’entrée précipitée du V.., nous cauſe, que cette ſuave liqueur, ce doux nectar, cet élixir précieux, qui ſort avec abondance des veines poreuſes de ces petites boules de chair. Cette liqueur s’appelle ſemence, foutre, ſperme, &c ; & de tous les animaux, il n’y en a point en qui elle abonde davantage que dans l’homme : or imagine-toi de quelle pluye ſont arroſées les femmes de ceux qui ſont ſi bien partagés.

Octavie.

Peut-être, Tullie, que Pamphile en aura auſſi trois, & j’ai ſujet de le croire ; car comme je t’ai dit, il m’arroſa avec tant de profuſion, que non-ſeulement mes cuiſſes & mon ventre juſques au nombril en furent mouillés, mais même ma chemiſe & mes jupes.

Tullie.

Cela n’eſt pas ſurprenant ; car ce ſeroit une choſe honteuſe à un jeune homme comme lui, de faire un ſacrifice à Vénus, ou plutôt à la beauté, ſans répandre ſur la victime cette céleſte roſée avec abondance. Cette liqueur eſt comme la ſalive du V.. de l’homme ; elle eſt ſi remplie d’eſprits, qu’elle ſort avec véhemence, & eſt portée quelquefois à trois pieds de la perſonne dont elle part. Repréſente-toi donc, Octavie, l’excès du plaiſir que l’on reſſent, quand, après pluſieurs ſecouſſes & fréquentes agitations, cela vient à ſe décharger dans la matrice, & la remplit de cette divine ambroiſie. Ah ! cela cauſe un chatouillement & une ſi douce démangeaiſon de la partie, que nous en tombons en extaſe, nous en perdons l’uſage de nos ſens, & notre ame ſemble abandonner toutes ſes fonctions, pour goûter avec nous ou plutôt pour s’enivrer de l’excès de cette volupté. Ah ! Octavie, il n’y a point de terme qui puiſſe t’exprimer comme il faut, la nature de ce contentement.

Octavie.

Je ne me laſſerois jamais, ma Couſine, de vous entendre ; & votre entretien eſt ſi charmant, que je ſouhaite qu’Oronte ſoit ſouvent abſent, afin de trouver l’occaſion de paſſer de ſemblables nuits avec vous. Quoi, vous bâillez ?

Tullie.

Oui, mon enfant, je m’endors, & je ne puis plus réſiſter au ſommeil.

Octavie.

Continuons notre entretien ; pourquoi s’endormir ſi-tôt ? accordez cette grace à celle qui vous careſſe.

Tullie.

Tu ne ſais ce qui t’eſt néceſſaire, petite folle : tu as plus beſoin de repos que moi ; il faut que tu ſaches que la nuit prochaine tu ne trouveras pas le ſommeil dans les fureurs & les embraſſements de Pamphile : c’eſt pourquoi repoſe toi, afin de prendre des forces pour ſoutenir, en vraie fille de Vénus, tous les aſſauts qui te ſeront donnés.

Octavie.

Je ferai ce que tu voudras, mais plutôt pour te complaire que pour aucun intérêt que je prenne dans ma ſanté ; elle eſt, Dieu merci, aſſez bonne pour n’avoir pas beſoin de tous ces ménagements. Dors donc à préſent, je te promets de garder le ſilence.

Tullie.

Donne-moi un baiſer, mon cœur, auparavant que je ferme les yeux.

Octavie.

Prends, voilà ma bouche, mes levres & tout mon corps je le mets en ta puiſſance : contente-toi.

Tullie.

Ah ! baiſers capables de donner de la jalouſie aux Dieux ! ah ! que ces embraſſements ſont remplis de tendreſſe ! que ces attouchements ſont délicieux ! Permets-moi, ma petite femme, de dormir avec toi, comme Mars repoſoit avec Vénus : que je couvre d’une main cette partie ſi aimable & ce mont conſacré à l’amour ; que je touche de celle-ci ton derriere, & ces feſſes ſi blanches & ſi fermes. Voilà qui eſt bien, ne remue donc point. Auſſi-tôt que je ſerai éveillée, je te promets de continuer notre entretien. Dors, mon petit cœur.

Octavie.

Dors toi-même : tu es une étrange cauſeuſe ; tu veux repoſer, & tu ne ceſſes de faire la folle, & de badiner.



Chorier - L’Académie des dames, 1770, Vignette-03
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