L’Encyclopédie/1re édition/BAPTÊME des enfans

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BAPTÊME des enfans, (Théologie.) la question pour & contre le baptême des enfans, a été dans ce siecle extrémement approfondie en Angleterre. D’un côté M. Wall, dans son histoire du baptême des enfans ; & M. Whiston, dans son baptême primitif renouvellé, ont plaidé savamment la cause du baptême des enfans ; de l’autre, messieurs Gale & Emelyn se sont déclarés fortement contre cette opinion. L’ouvrage de M. Wall passe pour être le meilleur qui ait été fait en faveur du baptême des enfans, & il fut si bien reçu du public, qu’il valut à l’auteur des remercimens de la chambre-basse de l’assemblée du clergé ; mais M. Wiston avoue lui-même que les premieres lumieres qu’il a eues sur cette matiere de théologie, lui sont venues des remarques de M. Gale ; & M. Whitby reconnoit que l’ouvrage de ce savant, prouve qu’il est douteux si la coutume de baptiser les enfans a eu lieu constamment dans l’Eglise. M. Gale étoit à peine dans sa vingt-septieme année, lorsqu’il publia en forme de lettres le livre dont nous parlons, & comme il n’est pas connu des étrangers, nous en allons donner une courte analyse.

L’auteur observe d’abord que la dispute entre les pœdobaptistes & les anti-pœdobaptistes anglois (qu’il nous soit permis d’employer ces deux mots expressifs), peut se réduire à deux chefs : 1°. la maniere d’administrer le baptême, savoir si on doit le faire seulement par immersion : & 2°. les personnes à qui l’on doit l’administrer, si c’est seulement aux adultes, ou si l’on doit le donner aussi aux enfans. Il soutient qu’en ce que les décisions de l’Ecriture-sainte ont de clair, la pratique des anti-pœdobaptistes y est conforme, comme l’on en convient ; & que supposé qu’ils errent, ils prennent cependant le parti le plus sûr, en s’en tenant à ce qu’il y a de clairement décidé dans l’Ecriture. Il prétend que le mot grec baptiser, signifie toujours plonger une chose de quelque maniere que ce soit ; mais que dans l’usage le plus ordinaire il signifie plonger dans l’eau ; ce qu’il confirme par divers passages des anciens ; il remarque ensuite que les critiques assurent constamment que le vrai & propre sens du terme de βαπτίζω, est immergo, je plonge ; & que supposé que ce mot fût équivoque d’ailleurs, cependant en tant que rélatif au baptême, il est déterminé à signifier nécessairement plonger ; & cela par la pratique de S. Jean, des apôtres, & de l’église, qui pendant plusieurs siecles, a fortement pressé la triple immersion.

Il soutient aussi que l’ancienne Eglise, dans les premiers siecles, n’a point pratiqué l’aspersion, que tous ceux qui ont été baptisés du tems des apôtres, l’ont été par immersion ; qu’il ne paroît point que le baptême des Cliniques, ait été en usage qu’environ 250 ans après Jesus-Christ ; que dans ce tems-là on doutoit fort de sa validité, & que tout le monde convient qu’anciennement on a insisté sur la nécessité de l’immersion, comme étant la seule maniere réguliere d’administrer le baptême dans tous les cas ordinaires ; il passe ensuite à l’autre point de la question entre les pœdobaptistes & leurs adversaires : savoir, qui sont les personnes à qui l’on doit administrer le baptême ; si ce sont seulement les adultes, ou si l’on doit y admettre aussi les enfans.

Comme on ne peut point prouver par l’Ecriture, que les enfans doivent être baptisés, on a recours pour autoriser cet usage à la pratique de l’Eglise judaïque, & à celle des anciens chrétiens. Le docteur Gale répond, que dès que le baptéme des petits enfans ne peut se prouver par l’Ecriture, il en résulte que ce n’est point une institution de Jesus-Christ ; & que supposer qu’elle soit comprise dans une ou plusieurs expressions générales, c’est supposer ce qui est en question.

Il prouve dans la lettre suivante, par le passage de S. Matthieu, chap. xxviij. vers. 19. que l’Ecriture ne laisse pas la question du baptéme des petits enfans aussi indécise que quelques-uns l’imaginent, & que la commission oblige indispensablement d’instruire ceux qu’elle ordonne de baptiser ; d’où il s’ensuit que les petits enfans ne peuvent être compris dans cette commission. Le mot grec μαθητεύειν ne signifie constamment qu’enseigner, & le mot μαθητὴς désigne uniquement des personnes du moins capables d’instruction ; ainsi que les plus judicieux interprètes de l’Ecriture l’ont toujours reconnu. Quand il seroit vrai que les Juifs & les Chrétiens baptisoient les petits enfans, les anti-pœdobaptistes ont cependant des raisons suffisantes pour ne point admettre cette pratique.

M. Gale va plus loin, il soutient que les raisons alleguées par les pœdobaptistes, ne démontrent point que ce fût la coutume des Juifs, du tems de notre Sauveur, de baptiser les prosélytes & leurs enfans ; & il produit plusieurs argumens pour justifier le contraire. Enfin il ajoute qu’en supposant qu’on pût prouver démonstrativement la vérité du fait, il ne doit pas servir de regle pour l’administration du sacrement de la religion chrétienne, cette pratique des Juifs n’étant point fondée sur l’Ecriture, ne devant point son origine à Moise, & n’étant appuyée que de la tradition des rabbins.

Il remarque dans l’onzieme lettre, que l’argument de M. Wall, tiré de l’autorité des peres, porte sur une supposition qu’on ne lui accordera pas aisément, je veux dire, que l’Eglise primitive n’a rien crû ni pratiqué, que ce qu’elle avoit reçu des apôtres ; mais, dit le docteur Gale, sans donner atteinte à l’honneur & à la probité des peres, leurs témoignages ne peuvent établir le baptême des petits enfans ; quand M. Wall multiplieroit encore davantage les citations tirées de leurs écrits : car si les peres ne prouvent que le fait, ou ce qui se pratiquoit dans l’Eglise, & non le droit ; & si l’Eglise n’étoit pas entierement exempte d’innovations, comment leur témoignage prouve-t-il que le baptême des petits enfans n’étoit pas une innovation, mais une institution de Jesus-Christ ?

Il est fâcheux de rappeller la mémoire des exemples de la fragilité humaine, dont la primitive Eglise elle-même n’a point été exempte. C’étoient des hommes sujets aux mêmes passions que nous ; il n’est donc pas surprenant qu’ils se trompassent quelquefois, ni que leur zèle pour la gloire de Dieu ne fût pas toujours éclairé : & quoiqu’il pût les empêcher de perdre ce que notre Seigneur leur avoit laissé de considérable à garder, il pouvoit cependant les exposer à ajouter bien des choses, qu’il n’avoit jamais autorisées. Les apôtres, au-contraire, ont suivi ses directions sans s’en écarter le moins du monde, parce qu’ils étoient assistés extraordinairement de l’esprit de Dieu.

Mais les chrétiens du siecle qui a suivi immédiatement, ont fait plusieurs additions, de l’aveu de Tertullien, dans son livre de corona. Eusebe, Hist. eccl. l. III. c. xxxij. rapporte, sur le témoignage d’Hégésippe, que l’Eglise se conserva tout le tems des apôtres comme une vierge chaste ; ... mais, dit-il, depuis que les apôtres eurent été enlevés .... les faux docteurs eurent la hardiesse de publier plusieurs erreurs permanentes.

Enfin, M. Gale dans sa derniere lettre, remarque que du tems de S. Cyprien, le baptême des petits enfans étoit en usage en Afrique, & qu’il y a peut-être pris naissance ; que les Africains étoient généralement de petits esprits ; que selon les apparences, l’église grecque n’avoit point encore reçu cette erreur ; que le baptême des enfans commença d’abord, ainsi que toutes les autres innovations, par quelques légers changemens dans le dogme, ce qui passa peu-à-peu dans la pratique, & parvint à la longue à ce degré d’autorité dont il jouit depuis si long-tems ; qu’enfin il doit en quelque façon son origine au zèle, mais à un zèle peu éclairé, semblable à celui qui engagea les plus anciens pœdobaptistes à donner la communion aux enfans. (D. J.)