L’Encyclopédie/1re édition/GNOMON

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GNOMON, s. m. (Astronom.) est proprement le stile ou aiguille d’un cadran solaire, dont l’ombre marque les heures. Voyez Cadran.

Ce mot est purement grec, & signifie littéralement une chose qui en fait connoître une autre ; de γνώμη, connoissance : les anciens l’ont appliqué au stile d’un cadran, parce qu’il indique ou fait connoître les heures.

Le gnomon d’un cadran solaire représente l’axe du monde, ou, pour parler plus juste, l’extrémité du gnomon d’un cadran solaire est censée représenter le centre de la terre ; & si l’autre bout du gnomon passe par le centre du cadran ou point de concours des lignes horaires, le gnomon est alors parallele à l’axe de la terre ; & on peut le prendre pour cet axe même, sans erreur sensible : mais si le gnomon est dans toute autre situation par rapport au cadran, par exemple, s’il est perpendiculaire au plan du cadran, alors il ne représente plus l’axe du monde, à-moins que le cadran ne soit équinoctial ; mais l’extrémité ou la pointe du gnomon est toûjours regardée comme le centre de la terre.

Au reste, le mot de gnomon n’est plus guere en usage pour signifier le stile des cadrans ; on se sert plûtôt du mot de stile ou d’aiguille : on peut d’ailleurs reserver le mot de gnomon pour les cadrans qui n’ont point de stile, mais seulement une plaque percée d’un trou par où passe l’image du soleil. Voyez Cadran. Ces cadrans sont en petit ce que sont en Astronomie les gnomons dont nous allons parler.

Gnomon, en Astronomie, signifie à la lettre un instrument servant à mesurer les hauteurs méridiennes & les déclinaisons du soleil & des étoiles. Voy. Méridien & Hauteur.

Les Astronomes préferent le gnomon appellé par quelques-uns le grand gnomon astronomique, aux gnomons des cadrans, parce qu’il est plus exact.

C’est pourquoi les anciens & les modernes se sont servi du gnomon pour faire leurs opérations les plus considérables. Ulugh-Beigh prince tartare, petit-fils de Tamerlan, se servit en 1437 d’un gnomon de 180 piés romains de hauteur ; celui qu’Ignace Dante érigea dans l’église de S. Pétrone à Boulogne en 1576, avoit 67 piés de haut ; & M. Cassini en éleva un autre dans la même église, en l’année 1655. Voyez Solstice.

Elever un gnomon astronomique, & observer par son moyen la hauteur méridienne du soleil. Elevez un stile perpendiculaire d’une hauteur considérable & connue sur la ligne méridienne ; marquez le point où se termine l’ombre du gnomon projettée le long de la ligne méridienne, mesurez la distance de son extrémité, au pié du gnomon, c’est-à-dire la longueur de l’ombre : quand vous aurez ainsi la hauteur du gnomon & la longueur de l’ombre, vous trouverez aisément la hauteur méridienne du soleil.

Supposez, par exemple, que TS (Pt. Optiq. fig. 13.), est le gnomon, & TV la longueur de l’ombre ; comme le triangle rectangle STV donne les deux côtés TV & TS, l’angle V, qui est la quantité de la hauteur du soleil, se trouve par l’analogie suivante. La longueur de l’ombre TV est à la hauteur du gnomon TS, comme le sinus total est à la tangente de la hauteur du soleil au-dessus de l’horison.

L’opération sera encore plus exacte, en faisant une ouverture circulaire dans une plaque de cuivre, de sorte que les rayons du soleil passant par cette ouverture, viennent représenter l’image du soleil sur le pavé ; attachez cette plaque parallélement à l’horison dans un lieu élevé & commode pour l’observation. Faites tomber une ficelle & un plomb pour mesurer la hauteur qu’il y a du trou au pavé ; ayez soin que le pavé soit parfaitement de niveau & horisontal, & faites-le blanchir, afin de représenter plus distinctement l’image du soleil : tirez dessus une ligne méridienne qui passe par le pié du gnomon, c’est-à-dire par le point que marque le plomb. Marquez les extrémités K & I (fig. 57. Astronomie.) du soleil sur la ligne méridienne, & retranchez de chacune une ligne droite égale au demi-diametre de l’ouverture, savoir d’un côté KH (Pl. Astronom. fig. 57.) ; & de l’autre côté, LI ; HL sera l’image du diametre du soleil, qui étant coupée par le milieu en B, donne le point sur lequel tombent les rayons du centre du soleil. Ayant donc la ligne droite AB & la hauteur du gnomon avec l’angle A, qui est un angle droit, l’angle ABG, ou la hauteur apparente du centre du soleil, n’est pas difficile à trouver : car en prenant pour le rayon un des côtés donnés AB, AG sera la tangente de l’angle opposé B ; dites donc : le côté AB est à l’autre côté AG comme le sinus total est à la tangente de l’angle B.

Le rayon qui vient du centre du soleil ne tombe pas exactement & rigoureusement au point B, milieu de la ligne HBL. Il faudroit pour cela que les lignes GH, GL, fussent égales ; ce qui n’est pas & ne sauroit être : mais comme le trou G est fort petit par l’hypothèse, qu’il est placé à une grande hauteur, & que par conséquent les lignes GH, GL, sont fort grandes & la ligne HL extrèmement petite, puisqu’elle n’est que l’image du trou ; il s’ensuit que l’on peut regarder comme sensiblement égales, les lignes BH, BL ; B étant supposé l’image du centre du soleil.

Au lieu d’une plaque horisontale dans laquelle on fait un trou, on se contente quelquefois de faire un trou vertical à une croisée dont on supprime d’ailleurs entierement le jour. L’image de ce trou est celle du soleil ; & le milieu ou centre de l’image, est sensiblement celle du centre de cet astre : car cette image est la base d’un triangle dont l’angle au sommet est d’environ 32′. diametre apparent du soleil, & dont les côtés sont forts grands par rapport à la base.

De tous les gnomons astronomiques qui subsistent aujourd’hui en France, nous n’en connoissons point de supérieur à celui qui a été dressé par M. le Monnier dans l’église de S. Sulpice de Paris. Voyez-en la description au mot Méridien.

On verra dans cet article, & on peut voir d’avance dans l’histoire & les mém. de l’académie des Sciences pour l’an. 1743, en quoi consistoient les gnomons des anciens, quels étoient les défauts de ces gnomons, & quels sont les avantages de celui de S. Sulpice.

On a appellé quelquefois gnomon, en Géométrie, la figure MXOC (Pl. Géomét. fig. 5.), formée dans le parallélogramme AB, par les parallélogrammes de complément M, C & les triangles x, o, qui forment eux-mêmes un autre parallélogramme ; mais cette dénomination n’est plus guere en usage. Voy. Complément. Wolf, Harris, & Chambers. (O)