L’Encyclopédie/1re édition/GRIMACE

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GRIMACE, s. f. (Peinture.) Je regarde comme trop essentiel à l’intérêt de l’art de la Peinture, de recommander la simplicité dans les imitations de la nature, pour ne pas insister encore sur ce principe intéressant à l’occasion d’un mot dont l’usage a peut-être droit de devenir plus fréquent que jamais dans les Arts.

Artistes qui voulez plaire & toucher, soyez donc persuadés que les figures qui grimacent, soit pour paroître avoir des graces, soit pour joüer l’expression, sont aussi rebutantes dans vos ouvrages aux yeux équitables d’un spectateur instruit, que les caracteres faux sont odieux dans la société pour les honnêtes gens.

Je sai que vous pouvez m’objecter que presque toutes les expressions que vous envisagez autour de vous sont ou chargées ou feintes, que presque tout ce qu’on appelle grace est affectation & grimace : ce sont-là des obstacles qui s’opposent au progrès de l’art ; il faut les connoître, & sans perdre le tems à s’en plaindre, mettre ses efforts à les surmonter.

Refléchissez, pénétrez-vous des sujets que vous traitez, descendez en vous-mêmes, & cherchez-y cette naïveté des graces, cette franchise des passions, que l’intérêt que vous avez à les saisir, vous fera trouver.

Un intérêt mal-entendu qu’on envisage apparemment dans la société, à se tromper les uns & les autres, y introduit l’affectation des grimaces ; celui que vous avez à ne vous pas séduire vous-mêmes, vous fera dévoiler la vérité.

Etudiez les grands modeles, ils ne doivent leur réputation & leur gloire qu’à la simplicité & à la vérité ; plus ils sont exempts de grimace, plus leur réputation doit augmenter.

Lisez aussi & relisez continuellement le petit nombre d’auteurs anciens, dans lesquels la simplicité de l’imitation triomphe des usages, des préjugés, des modes, des mœurs & des tems. Article de M. Watelet.