Mélanges/Tome I/04

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imprimerie de la Vérité (Ip. 12-13).

QUESTIONS RELIGIEUSES

25 août 1881


Le rédacteur de l’Événement continue à discuter les questions religieuses sur ce ton de persiflage qui lui est particulier ; dans son zèle, il porte le débat sur un terrain plus large, où il nous est parfaitement permis de le suivre. Tant qu’il s’est agi de la seule question universitaire, nous avons cru devoir nous borner à flétrir la forme des écrits de l’Événement.

Mais dès que M. Fabre nous parle de libéralisme, d’impiété, etc., nous sommes parfaitement à l’aise pour lui répondre, car ces questions sont entièrement distinctes de la question universitaire, et il n’y a aucune raison au monde qui nous empêche de les discuter.

M. Fabre commence par établir un parallèle saugrenu entre M. Chapleau et Mgr  Bourget ; nous disons saugrenu, car le rédacteur de l’Événement est loin d’être spirituel quand il traite les questions graves.

M. Chapleau, dit-il, est allé à Paris pour vanter notre pays, tandis Mgr  Bourget se rend à Rome pour « dissiper la bonne opinion qu’on a de notre esprit religieux, » pour « représenter au Saint-Père que cette province, qu’il croyait la plus fidèle à l’enseignement catholique, y est en réalité rebelle. »

D’abord, M. Fabre ne connaît pas plus que nous le but de la visite de Mgr  Bourget à Rome. Il y a eu des on dit à ce sujet, mais il n’y a rien d’officiel.

Ensuite, si le vénérable prélat se rend auprès du Saint-Père pour lui démontrer qu’il y a dans notre province du libéralisme catholique ; qu’il s’y propage des idées subversives, des doctrines perverses ; qu’il y a plusieurs de nos journalistes et de nos hommes publics qui se disent catholiques et qui ne le sont pas du tout, il n’aura aucune difficulté à établir sa preuve. Pour le faire, il n’aurait qu’à produire une collection de l’Événement, par exemple.

L’Événement s’attriste à la pensée que Rome va savoir que « nous ne sommes plus catholiques selon le véritable esprit de l’Église. » Ce nous est beaucoup trop large si M. Fabre veut l’appliquer à tout le pays ; s’il le restreint à lui-même et à la misérable école qu’il a contribué à former, alors sa phrase est strictement vraie.

Ce qui est triste, ce n’est pas le fait que Rome va savoir que nous avons au milieu de nous des hommes comme M. Fabre, qui ont travaillé pendant des années à gâter l’esprit de notre population ; car il est bon que Rome connaisse nos plaies sociales afin de pouvoir y porter un remède efficace. Ce qui est vraiment triste, c’est le fait que ces hommes là existent réellement, et qu’ils font depuis trop longtemps leur œuvre de démoralisation.

En terminant, nous dirons au rédacteur de l’Événement que son article est une injure sanglante jetée à la face du Saint-Père ; car il donne clairement à entendre que Rome ne pourra peut-être pas juger sainement la question et qu’elle est exposée à prendre pour des vérités prouvées, de simples assertions qui, au dire de l’Événement, sont parfaitement absurdes. Ce n’est pas ainsi que l’on agit là-bas. Si cet auguste tribunal déclare que certains personnages, parmi nous, ne sont pas dans la bonne voie, que certaines idées qui se propagent dans notre province, sont dangereuses, ce sera parce que la chose lui aura été prouvée.

Alors, qu’est-ce que M. Fabre aurait à dire ?