Mélanges/Tome I/20

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imprimerie de la Vérité (Ip. 57-59).

ÉDUCATION


LA QUESTION VITALE


4 août 1881


Il n’y a pas de question plus importante, pour nous, Canadiens-français, que celle de l’éducation. De cette question dépend l’avenir de notre pays. Il faut donc l’étudier avec soin.

Il nous importera peu de coloniser, d’améliorer notre système d’agriculture, de construire des chemins de fer, de favoriser l’établissement d’industries nationales, de travailler, en un mot, à notre avancement matériel, si nous négligeons l’œuvre, plus vitale encore, de l’éducation de nos enfants.

Beaucoup de gens prétendent que notre système scolaire est loin d’être parfait, que nous sommes très arriérés sous ce rapport, et qu’il nous faut des réformes radicales.

Sans vouloir discuter ces assertions aujourd’hui, sans vouloir dire que notre système d’instruction publique n’est susceptible d’aucune amélioration, nous affirmons qu’il y a un point qu’on ne saurait mettre en doute : c’est que dans toute loi sur l’éducation, dans tout projet d’amélioration, il faut, en premier lieu, tenir compte des droits imprescriptibles de l’Église.

Tout projet de réforme qui méprisera ces droits devra être rigoureusement écarté.

Les réformateurs de notre système scolaire tombent ordinairement dans l’erreur déplorable de croire, ou de dire, que notre éducation est trop catholique, qu’elle est trop sous le contrôle du clergé. Il faut bien se convaincre d’une chose, c’est que jamais l’éducation d’un peuple ne saurait être trop catholique, et que le contrôle du clergé est la meilleure garantie que puissent avoir la famille et la société. Quand les réformateurs seront parfaitement persuadés de cette vérité, et quand ils s’appliqueront sérieusement à mettre ce principe fondamental en pratique, ils pourront s’attendre à voir leurs projets bien accueillis. Mais pas auparavant.

Dans notre pays il existe une foule d’idées très fausses et très dangereuses en matière d’enseignement. Et ces idées sont malheureusement partagées par des hommes à qui leur position sociale donne une influence considérable.

Ailleurs, en France et en Belgique, par exemple, on applique à l’éducation de la jeunesse les théories les plus anti-chrétiennes et les plus anti-sociales. Exclure Dieu de l’enseignement, bannir toute idée de religion de l’école, élever une race d’athées et de libre-penseurs, voilà le travail diabolique qu’on fait dans d’autres pays. Ces idées perverses ont pénétré, dans une certaine mesure, au Canada, et si nous n’y prenons garde, elles y pénétreront de plus en plus.

En toutes choses, le mal n’arrive pas à sa dernière expression d’un seul coup. Lorsque nous voyons un arbre, une maison s’écrouler, nous savons que l’œuvre de la décomposition y a été longue et lente. Le dehors paraissait solide, mais le cœur de l’arbre, les appuis de la maison étaient pourris.

Faisons attention aux premiers symptômes du mal. Ce n’est plus le temps de fermer à clé la porte de l’écurie lorsque le cheval a été volé, dit un proverbe populaire.

Le peuple canadien-français n’a pu se conserver dans le passé et ne pourra se conserver à l’avenir, que grâce à son éducation catholique et à la surveillance exercée sur son instruction par le clergé. Ne permettons donc pas que l’on restreigne, en aucune façon et sous quelque prétexte que ce soit, l’action bienfaisante de l’Église sur nos écoles et nos collèges.