Mélanges/Tome I/40
LA FRANC-MAÇONNERIE DANS LA POLITIQUE
Nous croyons que l’on ne fait pas assez de cas de la franc-maçonnerie et du rôle qu’elle joue dans les affaires politiques du pays. En Europe, on le sait aujourd’hui, les loges maçonniques sont pour ainsi dire toute-puissantes. Ce sont elles qui gouvernent en France dans la personne des Ferry, des Paul Bert, des Gambetta, etc ; ce sont encore elles qui règnent en Belgique par l’organe des Frère Orban et consorts. En Espagne et dans bien d’autres pays leur influence est prépondérante. La guerre sauvage que l’on fait à l’Église est l’œuvre des sociétés sécrètes ; les efforts inouïs que l’on fait chez tant de peuples pour arracher la jeunesse, aux écoles chrétiennes afin de la corrompre par une éducation athée, c’est toujours l’œuvre des loges.
Nous ne voyons pas pourquoi notre pays échapperait à la peste maçonnique, tandis que les autres pays du monde en sont plus ou moins atteints.
On se plaît à dire que la franc-maçonnerie anglaise n’est pas dangereuse. C’est une erreur, assurément. Il peut se faire qu’elle ne soit pas aussi diabolique que le carbonarisme et la franc-maçonnerie française et belge ; mais elle est plus ou moins mauvaise. Toute société sécrète, dont les membres sont liés par un serment, est une œuvre non-seulement anti-religieuse, mais anti-sociale ; et aucun gouvernement, la question religieuse étant entièrement mise de côté, ne devrait tolérer de semblables organisations qui constituent un danger permanent pour l’État. Car, en supposant pour un instant que le but que se proposent les membres de la franc-maçonnerie anglaise et américaine, ne soit pas le renversement de toute autorité religieuse et civile, objet de la franc-maçonnerie française, il peut fort bien arriver, cependant, que nos maçons canadiens soient très nuisibles à l’administration de la chose publique. Nous savons qu’à Ottawa, par exemple, les loges exercent une grande influence, nous dirons volontiers une terrible influence dans la distribution des emplois publics, dans la nomination, dans la destitution des employés.
Mais nous sommes loin de penser que les loges canadiennes se bornent à ces questions d’emplois et de salaires ; nous avons tout lieu de croire qu’elles s’occupent activement, quoique très secrètement, de questions bien plus importantes.
Rien de plus facile pour quelques hommes habiles, imbus des idées subversives de la franc-maçonnerie française, de s’emparer de la direction des loges canadiennes et de s’en servir pour accomplir toutes sortes de mauvaises œuvres.
Il y a quelque temps, le Post, de Montréal, consacrait un article très sensé à ce sujet. Notre confrère a enregistré le bruit que pendant les prochaines élections fédérales les loges se proposent d’exercer leur influence d’une manière plus prononcée qu’à l’ordinaire. Les loges auront leurs candidats, partout où la chose sera possible, et tous les francs-maçons voteront pour ces candidats sans distinction de partis politiques.
Le Post s’élève avec raison contre cette entreprise maçonnique qui, si elle réussissait partout, pourrait nous mener très loin.