Mélanges/Tome I/83
CE QUE NOUS ONT VALU LES TRAITÉS
Nous sommes loin de partager toujours la manière de voir du World, de Toronto ; mais notre confrère a publié, le 30 août, un article que nous serions prêt à signer. Il s’agit encore du « lien colonial. » Notre confrère de Toronto est loin d’être aussi enthousiaste que certains confrères de Québec.
Le World jette un coup d’œil sur l’histoire du Canada et fait voir ce que nous ont valu les traités que l’Angleterre a faits à notre intention.
D’abord, par le traité de Paris de 1763, le Canada fut cédé à l’Angleterre. Le Canada alors comprenait le territoire qui forme aujourd’hui les États de l’Ohio, de l’Indiana, des Illinois, du Michigan, du Wisconsin et une partie du Minnesota.
Tar le traité de 1783, confirmant l’indépendance des États-Unis, l’Angleterre a abandonné tout le territoire au sud, et à l’ouest des grands lacs. La fière Albion renonçait ainsi à une partie énorme du riche domaine qu’elle avait obtenu de la France vingt ans auparavant.
Vint ensuite le traité de 1814, après la guerre de 1812. La Grande Bretagne, dit le World, avait des complications européennes sur les bras, et les Canadiens durent, se défendre à peu près seuls. La métropole, continue-t-il, nous envoya quelques troupes régulières, des officiers et un petit nombre de vaisseaux. Presque tous les vaisseaux furent capturés et l’armée régulière fut battue à plate couture à la Nouvelle-Orléans. De leur côté, les Canadiens avaient pris possession d’une partie du Maine, d’une partie du Michigan et du territoire qui forme aujourd’hui les États du Wisconsin et du Minnesota. Mais par le traité de Gand, tout ce vaste territoire fut remis aux États-Unis, et avec la cession de ce territoire s’évanouit notre dernier espoir d’avoir un accès facile à l’Atlantique et aux territoires du Nord-Ouest. Les Américains ne remirent rien, car ils n’avaient rien pris.
Ensuite, nous avons le traité d’Ashburton de 1841 par lequel fut réglée la question de la frontière du Maine. Le plénipotentiaire anglais n’était pas à la hauteur de la mission et il s’est laissé circonvenir par les Américains. Dans cette circonstance encore nous perdîmes une étendue considérable de territoire par l’insouciance de l’Angleterre.
En 1846 et en 1871, deux autres traités cédèrent beaucoup de territoire aux États-Unis.
En étudiant froidement l’histoire des traités conclus entre la Grande Bretagne et les États-Unis, on peut dire, sans exagération, que si tout le Canada n’a pas été cédé à la République voisine, c’est tout simplement parce que les Américains ne l’ont pas demandé.
Le World conclut en disant qu’il est grandement temps que le Canada ait voix au chapitre lors qu’il s’agira de conclure un traité qui le concerne. Nous partageons entièrement cette opinion.
Il est bon de faire ces petits retours sur notre histoire afin de connaître ce que nous a valu le lien colonial dans le passé, ce qu’il nous vaut aujourd’hui et ce qu’il pourra nous valoir demain.