Mélanges historiques/06/05

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V

LA FAMILLE POULIN, 1710-1725.

Au cours des années 1710-15, il y a dans la correspondance officielle plusieurs mentions relatives au désir que les Trifluviens ressentaient de développer l’agriculture dans le district et de voir les autorités se mettre à l’œuvre pour exploiter les gisements de fer. Le gouverneur Galifet[1] revient plus d’une fois sur ces deux sujets.

Le 24 mai 1714, René Godefroy de Tonnancour est nommé juge aux Trois-Rivières, remplaçant Le Chasseur décédé le 1er  septembre 1712, et Jean-Baptiste Poulin de Courval devient procureur du roi, au même tribunal.

Le 17 novembre 1720, aux Trois-Rivières, dans la maison de madame veuve Lemaître, Pierre Poulin, notaire, dresse le contrat de mariage de Louis Godefroy, écuyer, sieur de Normanville, officier des troupes, fils majeur de feu Joseph Godefroy, écuyer, sieur de Vieux-Pont, qui était aussi officier des troupes, et de défunte dame Catherine Poulin, fille de Maurice Poulin. Ce Pierre Poulin[2] était fils de Michel et de Marie Jutras. La première personne mentionnée comme témoin est dame Marie-Anne Chesnay (Chéné) veuve de Pierre Lemaître. Cette femme signait parfois « Lottinville » du nom d’une seigneurie que son père avait possédée à la côte de Beaupré et ses enfants, fils de Lemaître, se sont partagés entre Lemaître et Lottinville par la suite.

Au contrat ci-dessus on voit les témoins suivants : de la part de Normanville, Joseph Godefroy, écuyer, sieur de Vieux-Pont, officier des troupes et dame Françoise Véron, son épouse ; le sieur Jean-Baptiste Godefroy, écuyer, et dame Jeanne Véron, son épouse ; demoiselle Charlotte Godefroy, épouse du sieur Longval ; demoiselle Josephte Godefroy, frères et sœurs du marié ; le sieur Jean-Amador Godefroy, écuyer, sieur de Saint-Paul, oncle du marié ; demoiselle Renée Godefroy, veuve de Pierre Le Boulanger, sieur de Saint-Pierre, tante du marié ; le sieur Jean-Baptiste Poulin sieur de Courval, conseiller du roi et son procureur en la juridiction des Trois-Rivières, avec dame Madeleine Forestier, son épouse, étant oncle du marié du côté maternel ; messire René Godefroy, écuyer, seigneur de Tonnancour, conseiller du roi et lieutenant-général (juge) des Trois-Rivières ; messire Jacques L’Hermitte, écuyer, chevalier de l’ordre militaire de Saint-Louis, lieutenant de roi en cette ville et gouverneur, avec dame Marie Chevalier, son épouse ; le sieur Jacques Hertel, écuyer, sieur de Cournoyer, lieutenant dans les troupes ; avec dame Marguerite Godefroy, son épouse ; demoiselle Geneviève Godefroy, veuve d’Augustin Galimard, écuyer, sieur de Champlain ; le Père Hyacinthe Pellefresne, supérieur des Récollets de cette ville, y faisant fonctions curiales ; le sieur Jean-Baptiste Jutras ; dame Marie Jutras, veuve du sieur Michel Poulin, oncle du marié ; demoiselle Charlotte et demoiselle Marguerite Le Boulanger, cousines germaines du marié. De la part de la mariée : le sieur Louis Lemaître avec Claire Duguay, son épouse ; les demoiselles Madeleine, Louise et Charlotte Lemaître, frère et sœurs de la mariée.

Le contrat prescrit communauté de biens, chacun payant ses dettes antérieures. La mariée apporte une maison et emplacement « en cette ville sur le bord de la place » (d’Armes) qu’elle reçut de sa mère. Le marié douaire sa future de mille francs. Les signatures se donnent en présence de Michel Mouet, écuyer, sieur de Moras, officier dans les troupes, et de Claude Crevier, tous deux demeurant aux Trois-Rivières.

Signatures : Normanville, Marguerite Lemaître, Marie-Anne Chenay, L’Hermitte, Marie Chevalier-L’Hermitte, Hyacinthe Pellefresne, Amador Godefroy, Godefroy, Courval, G. de Vieuxpont, Marie Jutras, Marie-Madeleine Forestier-Courval, G. de Tonnancour, Cournoyer, Marie de Godefroy, Françoise Véron-Godefroy, Jeanne Véron, Madeleine et Louise Lemaître, Jutras, Marguerite et Charlotte Le Boulanger, Moras, Charlotte Lemaître, Claude Perrier, P. Poulin, notaire. Ce dernier était greffier de la cour de justice et, comme tel, il enregistre le présent acte le 30 décembre 1720.

Les Godefroy, les Hertel, de noblesse canadienne, les Moras, les L’Hermitte, les Galimard, de noblesse de France, avaient droit au titre d’écuyer qui était alors fort en honneur. Galimard, de la Champagne, se faisait appeler sieur de Champlain et il faut dire qu’il y avait en France plusieurs localités qui portaient ce nom, mais Galimard n’était pour rien dans notre seigneurie de Champlain.

Le terme de « lieutenant de roi » (pas du roi) signifie un officier qui sert de doublure au gouverneur. Ainsi, L’Hermitte se trouvait à remplir les fonctions de gouverneur en l’absence de Charles Lemoine de Longueuil[3]

Du mariage de Michel Poulin avec Marie Jutras étaient nés, aux Trois-Rivières, cinq garçons qui ne doivent pas être oubliés dans cette étude : Pierre, né en 1684, marié vers 1718 à Madeleine-Louise Le Boulanger, de Saint-Pierre ; il fut marchand, notaire, greffier ; sépulture après 1735.

Michel, né en 1688, ordonné prêtre en 1713 ; décédé en 1760, étant le doyen des chanoines. Il portait le nom de Courval.

Jean-Baptiste, né en 1690, pas connu d’ailleurs.

François, né en 1692, marié à Thérèse de Couagnes. Il portait le nom de Francheville. Il n’eut pas d’enfant et mourut vers 1733.

Louis, dit Courval. Paraît avoir vécu à Terrebonne.

Jean-Baptiste Poulin de Courval, né en 1657, était substitut du procureur du roi aux Trois-Rivières en 1709. Le procureur du roi était René Godefroy de Tonnancour. Ce dernier étant nommé juge en 1714 la charge de procureur du roi passa à Courval qui la conserva jusqu’à sa mort survenue le 16 février 1727. Par son mariage avec Mlle Cressé il était seigneur de Nicolet.

Le 4 avril 1725, Pierre Poulin, notaire, rend foi et hommage « pour le fief Saint-Maurice situé dans la rivière des Trois-Rivières », appartenant à lui et deux de ses frères, savoir : Pierre, notaire, substitut du procureur du roi, la moitié. Michel, curé de Varennes, un quart. François Poulin de Francheville, marchand à Montréal, un quart. Il n’est pas fait mention de Jean-Baptiste, baptisé le 15 août 1690, ni de Louis.

Pierre Poulin appuie son titre de propriétaire avec ses deux frères sur l’acte du 14 août 1676 que j’ai cité. Il déclare qu’il n’y a pas d’habitant dans la censive mais que le domaine est établi de vingt arpents de front sur toute la profondeur, avec maison de pièces sur pièces, de 30 x 25 pieds, une grange de 40 x 20 pieds, une étable de 25 x 20 pieds de pieux debout. Il y a aussi quarante arpents de terre labourable.

Maurice Poulin, l’ancêtre, avait eu dans la ville un emplacement de vingt toises en superficie que son fils Michel échangea pour pareille étendue avec les Pères Récollets. Ce nouveau terrain avait été donné aux Pères par Guillaume Pepin et formait partie d’un plus grand morceau concédé par le gouverneur d’Ailleboust au dit Pepin, le 6 juin 1650. En 1725, Pierre Poulin, fils de Michel, déclara que le lot ainsi obtenu des Récollets contenait vingt-deux pieds et demi de front sur la rue Notre-Dame avec vingt toises de profondeur sur la rue Saint-François-Xavier, tenant au nord-est à cette dernière rue, au sud-ouest au sieur de Longval, par devant les dites rues et par derrière aux sieurs Jacques Duguay[4] et Jean Leclerc. Pierre Poulin ajoute qu’il y a sur la rue Saint-François-Xavier vingt-neuf toises de front sur quinze de profondeur, concédées à Michel, son père, par Frontenac et Champigny, le 22 septembre 1693, sur lesquels Guillaume Pepin a cédé au sieur Mouet de Moras vingt-trois pieds rue Notre-Dame sur quarante de profondeur et que Moras y a bâti, rue Notre-Dame, une maison de pièces sur pièces de trente-deux sur vingt-cinq pieds. Ce texte ne me paraît pas clair mais on peut localiser assez correctement ces deux ou trois lopins de terre.

Dans sa déclaration du 5 avril 1725, Pierre Poulin dit que, le 14 août 1644, le titre d’une terre de quarante arpents en superficie fut accordé par M. de Montmagny et ratifié par la Compagnie de la Nouvelle-France le 29 mars 1649, en faveur de Marin de Repentigny sieur de Francheville, lequel laissa cette propriété à sa veuve, Jeanne Jallaut, qui la passa à son second mari Maurice Poulin. En 1725, cette terre renfermait vingt arpents labourables, le reste en bois debout et fredoches. Pierre, Michel et François Poulin, frères, ont chacun un tiers du tout. Les voisins sont : au sud-est Pierre Le Pelé, au nord-ouest Pierre Boucher, et, par devant, la rivière des Trois-Rivières.


  1. Sur Galifet voir les Mélanges historiques, vol. V, pages 76-80.
  2. Il signait Poulin.
  3. Le « lieutenant de roi » était donc un personnage qui remplaçait le gouverneur lorsque celui-ci manquait. Assez souvent il servait de frein pour arrêter la marche des plus hauts fonctionnaires, gouverneurs compris, car il était porteur de pleins pouvoirs secrets qu’il ne faisait connaître qu’en temps et lieu. C’est le régime de Louis XIV pur, avec tous ses défauts. Montréal, Québec et les Trois-Rivières avaient des « lieutenants de roi » ; il n’en fut plus mention sous le régime anglais. (Bulletin des recherches historiques, 1907, p. 191.)

    Vers 1698-1700 il y avait à Plaisance, Terreneuve, l’ingénieur L’Hermitte qui nous a laissé de bons dessins des lieux.

  4. Ou Dugué, ou Duguet, anciennes épellations.