Mélanges historiques/06/09

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IX
LES FAMILLES DES FORGES, 1737-1740

Les travaux des Forges ayant été commencés par des Canadiens qui s’étaient improvisés fondeurs, marteleurs, charbonniers, etc., il fallut faire venir de France des gens du métier, comme nous l’avons vu dans les chapitres précédents. Il s’agit maintenant de nous faire connaître ces ouvriers et je dois mentionner ici M. Émile Demaizière, receveur de l’enregistrement à Mâcon, Bourgogne, qui a fait des recherches sur les familles que je lui signalais. Le registre des Forges et ceux des Trois-Rivières m’ont servi de base. M. Demaizières a retrouvé les traces de toutes les familles que je lui ai mentionnées. Nous lui devons tous des remerciements.

Le 16 mai 1738 fut inhumé aux Trois-Rivières un homme des Forges appelé Antoine Petit, fils d’Antoine, marchand bourgeois à Dufresne, diocèse de Dijon, en Bourgogne. Il avait dû arriver en 1737, peut-être auparavant. L’endroit me paraît être Duesmes qui comptait en 1909 environ 260 habitants, canton d’Aiguay-le-Duc, arrondissement de Châtillon-sur-Seine, Côte d’Or, Bourgogne, ou Fresne plutôt, car en 1730 on parle des forges de cet endroit et c’est dans le même voisinage.

Pierre-François Michelin et sa femme Claire Filet, paraissent être arrivés de France en 1737, sinon avant cette date, avec leur fille Louise, âgée de quatre ou cinq ans. Le 20 janvier 1738, il est dit ouvrier aux Forges dans l’acte de baptême de leur fils, Pierre-Henri, dont le parrain fut Pierre-Henri Lalouette ou Lanouette et la marraine Aimée Godard. Je retrouve ce Lalouette en 1744 comme chauffeur aux Forges. Cette année-là aussi il y a le baptême de Nicolas, fils de Pierre-François Michelin[1] et de Claire Filet.

François Godard et sa femme Gabrielle Viard, de Rochefort, diocèse de Dijon, Bourgogne, étaient aux Forges en 1737 avec quatre enfants : Marie-Anne, qui épousa Michel Chaillé cette même année ; Anne, mariée avec Jean Dautel en 1739 ; François, qui épousa Marie Blais, d’Yamachiche, en 1743, et Claude, marié en 1750 avec Agathe Couturier dit Labonté. Il faut lire à présent : Rochefort-sur-Brevon, localité de 268 habitants (en 1909), canton d’Aiguay-le-Duc, arrondissement de Châtillon-sur-Seine, Côte d’Or. Il y avait et il y a encore des forges en ce lieu. François Godard était, en 1737, maître-marteleur aux forges Saint-Maurice.

Je suppose que Charles Godard, chauffeur aux Forges en 1748, et sa femme Ursule Alary, qui figurent au registre des Forges, sont venus avec François Godard en 1737. Je ne vois pas qu’ils aient eu des enfants.

Jean Dautel, fils de Jean-Claude et d’Anne Gravelon, paroisse Sainte-Sienne, diocèse de Dijon, Bourgogne, maître-chauffeur aux Forges, épouse, le 2 mai 1739, Anne, fille de François Godard, maître-marteleur aux Forges. Sont présents : N. Champagne, Pierre Marchand et le frère Augustin Quintal, récollet, qui célèbre le mariage. Il y a dans l’arrondissement de Dijon à présent, Sainte-Sienne, sans aucune personne du nom de Dautel, mais non loin de là on rencontre Sainte-Sienne-sur-Vingeanne où vivent plusieurs familles d’Autel ou Dautel. De 1740 à 1758, notre Jean Dautel et sa femme font baptiser sept filles et trois garçons. Je vois aussi en 1743 Nicolas Dautel au registre des Forges[2].

Michel Chaillé, né en Canada, marié aux Trois-Rivières en 1737, avec Marie-Anne, fille de François Godard, des Forges, était chauffeur dans cet établissement. En 1744, on le qualifie de marteleur. En 1751, un ouvrier des Forges se nommait Jean-François Chaillé et, cette même année, il épousa Suzanne Trotocheau, aussi des Forges. En 1754 fut inhumé Joseph Chaillé, âgé de quarante ans. C’est Jean-François ci-dessus et sa femme qui ont été assassinés à la Pointe-du-Lac, le 20 octobre 1779, par des soldats américains en maraude.

François Marquet dit Périgord, natif de Chapelle-Bousquet en Périgord, s’était marié à Québec en 1706. En 1731, ce ménage était aux Trois-Rivières. Cinq de leurs enfants figurent dans les forges Saint-Maurice à partir de 1737 où je rencontre Louise mariée à Pierre Deschenaux. En 1739, Catherine épouse Pierre Chaillot. De 1743 à 1747, Pierre Périgord travaille aux Forges. À la Pointe-du-Lac, en 1749, Louise Périgord est mariée à François Dufresne. En 1771, Alexis Marquet dit Périgord, né en 1731 aux Trois-Rivières, marié en 1758 avec Thérèse Lafontaine, a des terres à la banlieue des Trois-Rivières.

Pierre Chaillot, fils de François et de Claudine Graillard, de Suerre-sur-Saône, diocèse de Dijon, Bourgogne, épouse aux Trois-Rivières, le 20 avril 1739, Marie-Catherine Marquet dit Périgord, Canadienne. Il est dit ouvrier aux forges Saint-Maurice depuis quelque temps. Le frère Augustin Quintal célèbre cette union. Il y a la signature de Joseph Aubry comme témoin. Le 30 septembre 1742, en l’absence du frère Quintal, le frère Bernard Bullet fait l’inhumation du corps de Pierre Chaillot « dans le cimetière des Forges ». Il est dit âgé de vingt-huit à trente ans, faiseur de charbon, écrasé par un arbre dans sa cabane de charbonnier[3].

Pierre Hastain dit Marineau, né à Beauport, marié en 1731 avec Catherine-Gertrude Lecompte de la Vimaudière, née à Montréal, était forgeron et le 25 octobre 1737, à l’enterrement d’un de ses enfants aux Trois-Rivières, il est dit habitant (ouvrier) des Forges. Son frère Louis, marié en 1734 avec Geneviève Martin surnommée Ladouceur, était charretier aux Forges en 1737. Le 26 janvier 1738, il fait baptiser sa fille Françoise-Madeleine, aux Trois-Rivières. En 1748, ce dernier ménage était encore aux Forges.

Pierre Martin, dont l’origine ne nous est pas connue, s’était marié, vers 1732, avec Marie-Catherine Chaillé, née au Cap-Santé en 1710. Ce ménage s’établit aux forges Saint-Maurice avec deux enfants vers 1737 et y vécut longtemps.

Il y avait un nommé Lacombe qui louait de la fabrique des Trois-Rivières un emplacement dans la commune, en 1730. Je rencontre un Lacombe se mariant aux Forges avec une femme du nom de Lachance en 1744. Enfin, Marie Grenier et son mari Jean-Baptiste-Gabriel Lacombe figurent aux Forges de 1748 à 1758, sans que je sache rien de plus sur ces personnes.

Gabriel Desmaisons, né en 1707, fils de Joseph et de Madeleine Desroches, paroisse Saint-Séverin, au Poitou, était employé aux Forges. Le 15 avril 1737, à Bécancour, il épousa Isabelle Dehornay dit Laneuville. Ce ménage a laissé un garçon qui s’est marié à Bécancour en 1757. Desmaisons mourut hydropique le 20 février 1742 à Sainte-Anne-de-la-Pérade, sous les soins du docteur Phlem.

Jean-Baptiste Délorme dit Deslauriers, fils de Hubert et d’Étiennette Suenau (décédés avant 1737), de la paroisse de Tréchâteaux, diocèse de Dijon, en Bourgogne, arriva au commencement de l’été de 1738, selon les apparences, pour prendre la charge de maître-fondeur et il eut une carrière honorable dans son état, jouissant toujours de la considération de ses concitoyens. Trois-Châteaux ou mieux Tréchâteaux et non pas Préchâteaux, est à présent Tel-Châtel, paroisse de 905 habitants (en 1909), canton d’Is-sur-Telle, arrondissement de Dijon, Côte d’Or. Le 31 janvier 1739, aux Trois-Rivières, Jean-Baptiste Délorme épousa Charlotte-Monique, fille du défunt François Sauvage, officier des troupes, et de Françoise Mouet de Moras. François Sauvage était sergent, marié aux Trois-Rivières en 1716 et décédé dans cette ville en 1736. Il était très considéré.

Pierre Marchand, fils de Valentin et de Claudine Albrant (décédés avant 1738) paroisse de Pierjus, diocèse de Besançon, en Franche-Comté, arriva aussi en 1738 comme chauffeur des hauts-fourneaux, et fut, avec Délorme, l’ouvrier le plus notable des Forges. Aujourd’hui, Pierjus est réuni à la commune de Beaujeux sous le nom de Beaujeux-Pierrejux, canton de Fresnes-Saint-Maunnies, Haute-Saône, non loin de Seveux, d’où venait François Caisse mentionné ci-après. Le 13 novembre 1740, aux Trois-Rivières, il épousa Marie-Charlotte Sauvage, sœur de madame Jean-Baptiste Délorme mentionnée ci-dessus.

François Caisse dit Dragon, fils d’Étienne (décédé avant 1738) et de Michelle Mougin, paroisse de Saint-Feu, diocèse de Besançon, en Franche-Comté, arriva en 1738, comme maître-charron et fut avec Délorme et Marchand un ouvrier important des Forges. Le 16 octobre 1739, aux Trois-Rivières, il est parrain de François Beaupré. Sfeue ou Saint-Feu, ou mieux Seveux est un village de 729 habitants (en 1909) canton de Fresnes-Saint-Maunnies, Haute-Saône, encore aujourd’hui du diocèse de Besançon. Il y a là des forges d’une très grande importance. Ce n’est pas loin de Pierjus d’où venait Pierre Marchand. Le 20 novembre 1740, il épousa aux Trois-Rivières, Louise-Françoise Sauvage, sœur de mesdames Delorme et Marchand.

Joseph Aubry, fils d’Étienne et de Jeanne Fleuret, de la paroisse Saint-Brouin-les-Moines, diocèse de Dijon, en Bourgogne. On dit à présent Saint-Broingt-les-Moines, c’est une localité de 1,460 habitants (en 1909), commune du canton de Recey-sur-Ource, arrondissement de Châtillon-sur-Seine, Côte d’Or, chef-lieu, Dijon. J’ai une vue moderne de cet endroit. J’ai aussi l’acte de baptême d’un frère de ce Joseph Aubry sous la date de 1716, avec la signature du père Étienne. Joseph n’était pas marié lorsqu’il arriva aux Forges en 1738. Il épousa Josephte Chèvrefils en 1742.

Jean Aubry, natif de Châlons, diocèse de Langres, en Bourgogne, et sa femme étaient aux Forges en 1738. Elle se nommait Antoinette, née en 1700, fille de Nicolas Guéry et de Jeanne Pilois, du même Châlons. Ils amenaient trois enfants : Marguerite, Simon, Jacques. Marguerite épousa en 1751, à Yamachiche, Pierre Pineau ; Simon épousa en 1748, aux Trois-Rivières, Marie Beaudet ; Jacques épousa en 1749, aux Trois-Rivières, Antoinette Beaudet sœur de Marie. Jean Aubry avait la charge de maître-charbonnier, c’est-à-dire qu’il dirigeait la fabrication du charbon de bois pour les hauts-fourneaux. Châlons, lieu de sa naissance, n’a pas été identifié par les recherches que mon ami de Bourgogne a faites pour moi. Je pense que c’est Châtillon-sur-Seine, d’où venait Joseph Aubry. Au mariage de Simon, fils de Jean, on écrit Deschalons. Aubry mourut vers 1745.

Nicolas Chaput, de la Pointe-aux-Trembles de Montréal, eut un fils, Jean-Baptiste, né en 1706, qui se maria avec Nicole Guéry et ils eurent deux filles : Suzanne, qui épousa Antoine Hérard, aux Trois-Rivières, le 9 novembre 1738, et Denise mariée aux Trois-Rivières avec Jean-Nicolas Robichon, le 13 mai 1741. Je note que, au mariage de Suzanne, sa mère Nicole Guéry ou Guenin, ou Gueny, est dite native de la paroisse de Chalonée[4], diocèse de Langres. Il me paraît que la famille devait être aux Forges dès 1738. Le registre des Forges en 1746 et 1748 dit que Chaput y travaillait. Sa femme Nicole Guéry fut inhumée aux Trois-Rivières en 1749.

Nicolas Champagne, né vers 1704, fils de Nicolas et de Jeanne Buisson (Duisson, Luisson) paroisse de Dansevoir, diocèse de Langres, était au mariage de Jean Dautel, le 2 mai 1739, par conséquent il datait de 1738 au moins dans la colonie. On le qualifie de commis aux Forges. Il figure souvent comme parrain. Belle écriture. Dansevoir renferme de nos jours (1909) 761 habitants ; c’est une commune du canton d’Arc-en-Barrois, arrondissement de Chaumont, Haute-Marne. Langres (ancienne Champagne) est aussi dans la Haute-Marne. En 1746, il est contremaître aux Forges. L’année suivante, le 18 septembre, il épousa Élisabeth, fille de Maurice Bériau et de Catherine Boismenu, de la ville de Québec, mais cette famille demeure alors aux Forges. Mgr Tanguay[5] fait naître leur fille Élisabeth à Québec, le 11 mars 1751, mais c’est en 1750. Champagne avait été inhumé aux Trois-Rivières le 26 décembre 1749.

Édouard Hambleton, fils de Jean et de Judith Daul, de Dublin, Irlande, marié avec Esther Cook, veuve de Pierre Provost, de Londres, Angleterre, était maître-chauffeur aux Forges dès 1738 puisque le 23 avril 1739 ils font baptiser leur fils Claude-Édouard. Le parrain fut Claude Périchon et la marraine Anne Godard. Le 20 mars 1741 fut inhumé Nicolas qui était né la veille. Le 2 avril suivant on enterre Marie-Joseph, fils des mêmes mais dont l’âge n’est pas indiqué. Aux Trois-Rivières, le 4 novembre 1742, Hambleton se remaria avec Marguerite Duruau née dans cette ville en 1714. En 1743 et 1744, deux enfants de cette union naquirent et furent inhumés peu après. Le 19 août 1745 fut baptisé Pierre qui se maria au Détroit en 1773, avec Josette Petit. Claude-Édouard, né en 1739, nous échappe.

Le 29 avril 1738, le président du conseil de la marine et des colonies fait savoir à MM. de Beauharnois et Hocquart que le nommé Duchesne, ouvrier entendu dans la fabrication des fers, passe au Canada pour s’y établir et il conseille de l’employer à la compagnie des forges Saint-Maurice. Je n’ai aucune autre trace de cet homme.

Extrait du registre des baptêmes, mariages et sépultures de l’église et paroisse de Colmier-le-Haut, pour l’année 1712 : « L’an 1712, le 13 janvier, je sousigné, Maurice Séjournant, prêtre curé de Colmier-le-Haut, ai baptisé en l’église du dit lieu, Laurent Girardot, fils de Claude Girardot et de Jeanne Bourgeois, laboureurs (cultivateurs) à Préfontaine, né le 12. Son parrain a été Laurent Poullot fils de défunt François Poullot et de Marguerite Isselin, laboureurs, demeurant à Chambain, et sa marraine Étiennette Parny fille de Didier Parny et d’Anne Isselin, laboureurs à Préfontaine. Auquel baptême étaient présents Laurent Roy, recteur d’école, et François Clément, maréchal (ferrant ou vétérinaire) du dit lieu, qui ont signé avec nous. » Coulmier est dans le diocèse de Langres, Champagne. C’est (en 1909) une localité de 257 habitants, canton d’Auberive, arrondissement de Langres, Haute-Marne. Le nom de Girardot n’existe guère plus à Coulmier-le-Haut, mais on le retrouve en très grand nombre dans la vallée de l’Anjou et principalement dans les villages de Chameray, Rochetaillée et Saint-Loup de l’Anjou. Le 9 novembre 1738, Laurent Girardot épouse aux Trois-Rivières Anne Trotocheau, fille de Louis et d’Anne Raffay, des forges Saint-Maurice. Ce ménage a vécu aux Forges, et on voit les enfants aux Trois-Rivières, à la Pointe-du-Lac, ailleurs aussi.

Louis Tourtochaux (devenu Tertochau et Trotocheau) né en 1686, paroisse de Vaux, diocèse de Dijon, Bourgogne, était marié avec Anne Raffay. Ce ménage a dû arriver de France en 1737 ou 1738, avec trois enfants : Anne, Suzanne, Louis. Ce dernier devait être encore au berceau[6]. Vaux-Saules est un lieu de 527 habitants (en 1909), canton Sainte-Seine-l’Abbaye, arrondissement de Dijon. De 1700 à 1715 on y a trouvé, par les registres, un Claude Tortochaud et un Pierre Tortauchaud. À Francheville, non loin de là, il y avait des forges en 1701 et une famille Tortochaud. Ces localités sont dans la Côte d’Or. Le 25 septembre 1720, à Vaux, « fut baptisé Louis, fils de Jean Tourtochaux, « manouvrier » (qui travaille à la journée) demeurant à Cinq-Fonds, et de Françoise Guyot. » Il était né ce même jour et a eu pour parrain « Louis Baunis, laboureur à Cinq-Fonds et pour marraine Françoise Charmée, manouvrière à Chéneroilles, de la même paroisse, » déclarant ne savoir signer. (Signatures) Claude Tourteauchaux, Petitot, Tribolet, Duthu, Petitot, Derepas, prêtre. Ce Louis n’est pas le Louis qui vint au Canada.

Le 9 novembre 1738, aux Trois-Rivières, Anne, fille de Louis Trotocheau et d’Anne Raffay, « paroisse de Vaux diocèse de Dijon, à présent de la paroisse des Trois-Rivières », épouse Laurent Girardot des forges Saint-Maurice. Suzanne se maria à la Pointe-du-Lac, en 1751, avec Jean-François Chaillé[7], déjà mentionné ; elle et lui furent assassinés en 1779, en même temps que Louis Pothier, sa femme et leur fille, par des maraudeurs américains. Louis, qui a fondé la famille actuelle des Trotocheau, se maria aux Trois-Rivières en 1763, avec Françoise-Véronique Bourgoin, née dans cette place en 1740. Elle mourut l’année suivante et il épousa en 1766, à Nicolet, Louise Trudel, qui paraît être née en 1732 à Saint-Augustin, district de Québec. Quant à Louis, le père Trotocheau, il fut inhumé aux Trois-Rivières en 1763.

Pierre Hérard, fils de Vincent et de Catherine Dubaston, paroisse d’Aulnoy, diocèse de Langres, employé aux forges Saint-Maurice, épouse, le 9 novembre 1738, Suzanne, fille de Jean Chaput et de Nicole Guenin, ou Guéry, déjà mentionnés. Il est dit au registre que Nicole Guenin était de la paroisse de Chalonée (?) aussi du diocèse de Langues, ce que Mgr Tanguay ne connaît pas. Elle devait être parente de la femme de Jean Aubry qui se nommait Antoinette Guenin ou Guéry ou Gueny, et venait de Châlons, diocèse de Langres. Les Chaput étaient de la Pointe-aux-Trembles de Montréal. Suzanne était sœur de madame Jean-Nicolas Robichon, mentionnée plus loin. À Aulnoy-d’Arbot on n’a trouvé aucune trace du nom d’Hérard dans les registres de 1700 à 1740. C’est un canton d’Auberive dans la Haute-Marne. Il y a Ormoy-sur-Aufre, canton de Château-Villain, aussi Haute-Marne, dans le voisinage de Dansevoir, où l’on pourrait faire des recherches. De 1744 à 1758, Hérard et sa femme firent baptiser quatre enfants. Hérard étant décédé, sa veuve se remaria en 1759 avec Antoine Tara ou Thara, des Forges.

Pierre Labonne ou Labône, fils de Serbert et de Madeleine Berrousse ou Berton[8] paroisse Duchesne, diocèse de Moulin, en Bourbonnais, demeurant aux forges Saint-Maurice, épouse, le 27 juillet 1739, Madeleine de Nevers, fille de François et de Madeleine Piché, famille canadienne. Le frère Augustin Quintal, missionnaire des Forges, célébra le mariage en présence du sieur de Cressé, qui signe « Cressé » tout court. De 1740 à 1752, ce ménage a fait baptiser cinq enfants. Cressé, c’est Poulin déjà mentionné.

François de Nevers dit Boisvert, d’une famille de Sainte-Croix de Lotbinière, était marié avec Madeleine Piché dit Dupré, de la Pointe-aux-Trembles de Québec, et en 1739, ce ménage se trouvait aux Forges. Le 27 juillet de cette année, leur fille Madeleine épousa Pierre Labonne, aussi des Forges.

Louis-Michel Houde, natif de Lotbinière, était employé aux Forges. Le 7 avril 1739, il épousa à Bécancour, Geneviève Lemay. De 1740 à 1753 ils firent baptiser cinq enfants aux Trois-Rivières, Bécancour et Lotbinière. En 1760, Houde était veuf.

François-Bonaventure Grenier, né à Lotbinière en 1700, épousa en 1727 Marguerite de Nevers dit Boisvert, née au Canada. On trouve ce ménage aux forges Saint-Maurice de 1738 à 1751.

Pierre Dasylva dit Portugais, né à Québec en 1715, charretier aux Forges, est parrain en ce lieu, le 3 août 1738, de Pierre, « fils de Bonaventure Grenier et de Marguerite Nevers, habitants des Forges. » Le 12 janvier suivant, il épouse Ursule, fille de François Dupuis et de Marguerite Bayard dit Lamontagne[9].

Jean-Baptiste, fils de François Dupuis et de Marguerite Bayard dit Lamontagne, des Trois-Rivières, épousa dans cette ville, le 25 octobre 1739, Catherine, fille de Jean-François Constantineau et de Louise Mat, aussi des Trois-Rivières. Pierre Bouvet, témoin. Le frère Augustin Quintal célébra le mariage. Dupuis était charretier aux Forges, où il a toujours vécu par la suite, ainsi que son frère Antoine.

Antoine Dupuis, frère du précédent, était aussi employé aux Forges. Étant veuf, il se remaria aux Trois-Rivières le 10 septembre 1741, avec Ursule, fille de Pierre Alary, Canadien.

Brigitte-Exupère, sœur de ces deux Dupuis, épousa le 9 mai 1740, Élie Manceau dit Lajoie. En cette occasion, le registre donne à la mariée le surnom de Jolicœur.

Pierre Bouvet, né à Québec en 1715, épouse aux Trois-Rivières le 7 janvier 1741, Catherine Bériau dit Lamarche, d’une famille des Forges. Il était maître-taillandier aux Forges depuis 1738 au moins. En 1739, il signe au mariage de Jean-Baptiste Dupuis, des Forges. De 1741 à 1759, ce ménage fit baptiser sept enfants.

Pierre Alary, natif de Lotbinière, employé aux Forges, se maria en 1739 avec Marguerite Houde, de la paroisse de Saint-Nicolas, près Québec. Au registre de l’église des Trois-Rivières, sous la date du 25 mars 1740, est inscrit le baptême de Pierre, fils de Pierre Alary et de Marguerite Houde. La marraine est Angélique Houde. L’acte ajoute que la cérémonie a eu lieu dans la chapelle Saint-Maurice, c’est la première mention de cette chapelle.

Jean-Baptiste Bériau, né à Québec en 1712, se maria aux Trois-Rivières, le 8 février 1739, avec Catherine Picard. Il était forgeron aux forges Saint-Maurice. Sa sœur Élisabeth, née en 1726, à Québec, épousa Nicolas Champagne contremaître des Forges. Son autre sœur Catherine-Louise, née en 1722 à Québec, se maria avec Pierre Bouvet, maître-taillandier aux Forges. Leur frère Joseph-Marie, épousa Josephte Beaudry en 1748. Tous ces mariages furent célébrés aux Trois-Rivières et aux Forges.

Simon Boin ou Bouin dit Dufresne, né à Lorette en 1717, marié aux Trois-Rivières le 8 février 1739 avec Catherine Pineau dit Laperle, Canadienne, paraît avoir été occupé aux Forges en 1738. Vers 1749, on le retrouve à la Pointe-du-Lac.

François-Pierre Beaupré, fils de Philippe et de Judith Saunier, paroisse Sainte-Croix, ville de Metz, en Lorraine, s’était marié à Québec en 1725 avec Thérèse Mercier et en 1738 ce ménage est aux Forges avec cinq enfants. Beaupré est maître-serrurier. Le 16 octobre 1739, ils font baptiser leur sixième enfant dont le parrain est François Caisse déjà mentionné. Quatre jours après, au registre de la paroisse des Trois-Rivières on voit l’acte de sépulture de « Pierre Beaupré, maître-serrurier des Forges, frappé hier d’un coup mortel qui lui a cependant laissé le temps de recevoir l’absolution et le sacrement de l’Extrême-Onction. »

Le 23 novembre suivant, la cour de justice étant assemblée se composait de Louis-Jean Poulin sieur de Courval (il signe Courval) seigneur de Nicolet, conseiller du roi, juge-en-chef du gouvernement des Trois-Rivières ; Louis-Joseph Godefroy de Tonnancour agissant comme procureur du roi ; Jean-Baptiste Fafard de la Framboise, substitut du procureur du roi. Le sieur Simonnet Lefebvre accuse Jean Brissard dit Saint-Jean, soldat de la compagnie de Cournoyer, d’avoir tué le nommé Beaupré et, comme on ne pouvait s’assurer de la personne du coupable, la sentence porte qu’il est condamné à être pendu en effigie et jeté à la voirie. Le sieur Alexis Fafard de Francheville appelle de ce jugement devant le Conseil supérieur de Québec. Le 23 janvier 1741, à Québec, la veuve Beaupré épousait Marc Lelièvre.

Sylvain Chabanac dit Berry, soldat de la compagnie de Longueuil, fils de Pierre et de Marie Guérinne, paroisse de Monay, diocèse de Bourges en Berry, « dans l’ancienne France », épouse aux Trois-Rivières, le 24 août 1739, Geneviève Dehornay dit Laneuville, native de Sainte-Croix de Lotbinière et « les deux époux habitent les Forges, » ajoute le frère Augustin Quintal qui célèbre le mariage. Je n’ai pas pu faire identifier l’endroit appelé ci-dessus Monay, par un ami de cette région de la France qui a vainement fait des recherches à ce sujet. En 1760, la veuve de Chabanac (pas d’enfant) se remarie avec Jean Lisieux, venu de l’Angoumois et qui demeurait aux Trois-Rivières depuis 1726.

Élie Manceau ou Moussin ou Limousin dit Lajoie, né en 1715, fils de Pierre et de Madeleine Hibout ou Héliot, de la paroisse Saint-Surin de Bordeaux, était soldat dans les troupes de la colonie. Le 9 mai 1740, aux Trois-Rivières, il épousa Brigitte-Exupère Dupuis dont les deux frères demeuraient avec elle aux Forges. Lajoie, comme on le nommait le plus souvent, était employé aux Forges. Sa descendance existe encore.

Jean Mantenet, natif de Nesle, diocèse de Langres en Champagne, était fils de Jean et de Blaise Baquet. Aujourd’hui c’est Nesle-et-Massoult, une localité de 404 habitants en 1909, canton de Laignes, arrondissement de Châtillon-sur-Seine, Côte d’Or. On a constaté que vers 1730 il y avait des familles Mantenet à Nesle. Mantenet était employé aux forges Saint-Maurice en 1738 ou même en 1737. Le 12 janvier 1739, il épousa Madeleine-Françoise Béchard à Bécancour. De 1740 à 1753, ce ménage fit baptiser huit enfants.

Au baptême d’Angélique, fille de Jean Aubry et de Antoinette Guéry, des Forges, le 7 décembre 1739, la marraine est demoiselle Angélique Perrault et le parrain Jean-Baptiste Simonnet, lesquels signent avec le Frère Augustin Quintal « missionnaire des Forges. » Cette marraine, née à Québec en 1724, était fille de François Perrault et de Suzanne Pagé de Carcy (décédée à Québec en 1733). Ses frères et sœurs, au nombre de six, vivaient peut-être à Québec ; en tous cas, le père François, marchand forain, se tenait dans la région des Trois-Rivières.

François Thomas dit Tranchemontagne, né en 1706, fils de François et de Catherine Ribard, du diocèse de Rouen, Normandie, était sergent de la garnison des Trois-Rivières lorsque, en 1734, il épousa Madeleine-Catherine, fille des défunts Aubin Maudoux et Madeleine Provencher de Saint-François-du-Lac. La mariée demeurait au Cap-de-la-Madeleine où eut lieu le mariage. En 1740, ce ménage était aux Forges où Thomas travaillait à la fabrication du charbon de bois. Il signe nettement sur un témoignage en 1757 : François Thomas[10]. Son fils François, né aux Trois-Rivières en 1735, s’établit à l’île Dupas après son mariage avec Pétronille Le Boulanger dit Saint-Pierre et de lui sont descendus les Tranchemontagne de Berthier.

Ignace Adam (signait Adam tout court) était le petit-fils de Jean, notaire à la côte de Lauzon, et fils de Jean-Baptiste, de Batiscan. On le voit aux Forges en octobre 1740, avec sa femme Françoise Baribault dit Beaupré. Ils s’étaient mariés à Batiscan en 1736 et en 1749 on les retrouve à Batiscan.

Nicolas Mergé, que je vois aux Trois-Rivières en 1741, puis chauffeur aux Forges en 1744, m’échappe après cette dernière date.

Jean-Nicolas Robichon, né le 2 août 1714 (pas 1700) à Edreville, fut baptisé de suite à Xerigny, près de là. C’est dans la Côte d’Or, Bourgogne. Le père de l’enfant se nommait Nicolas et la mère Marie Dubois. Parrain : Jean Valantin ; marraine, Marie Maçon, tous deux de Saint-Mouzé, localité voisine où la famille Robichon demeurait plus tard, vers 1737. Jean-Nicolas était marteleur aux forges de Courtinon, dans le voisinage de Saint-Mouzé, en 1738. Le 2 janvier 1740, il s’engagea au sieur Olivier de Vezain pour trois années et le service de deux forges au Canada, à raison de mille francs par an. Après ces trois ans, lui et sa mère auront leur passage gratuit pour rentrer en France.

Dans le cours de cette année 1740, Jean-Nicolas et sa mère sont aux forges Saint-Maurice. Le 13 mai, il épouse Denise Chaput, Canadienne, dont la famille est déjà mentionnée ici. Ils ont élevé six ou sept enfants.

La population du Canada venait de l’ouest de la France, et surtout de la partie agricole de ces contrées. Les ouvriers des Forges se sont recrutés dans l’ouest de la France, uniquement dans les hameaux qui entouraient les mines de fer et les usines métallurgiques. C’est le fer en grain qui est le plus répandu dans le sol de la Bourgogne, comme autour des Trois-Rivières. Les forges de Bourgogne et Franche-Comté forment un groupe industriel très ancien, mais les méthodes qu’on y suivait en 1730 ne dataient guère de plus de cinquante ans ; elles provenaient de la Suède où Colbert avait envoyé des ouvriers pour les initier aux pratiques des Suédois réputés les plus experts dans la fonderie, le martelage du fer. Courtépée dans sa Description du duché de Bourgogne, parle des forges de ce pays en 1777 :

« Dans les environs de Châtillon-sur-Seine, il y a celles de Vauvey, Villote, Chameçon, Rochefort, Ampilly, Voulain, Essarois, Vucolles, Liguerolles, Gurgy, Cour-l’Évêque, Sainte-Colombe, etc… » « Les fers qui sortent de ces forges sont presque d’une même essence, de qualité aigre, excepté celles de Chameçon et de Rochefort, dont les fers sont bons et fort doux. Celui de Liguerolles, Gurgy et Villote est plus dur et plus cassant. Les forges de Villars et de Marcy donnent des fers de la meilleure qualité et passent pour les premiers de la Bourgogne. Les forges de l’Abergemont, Moloy, Courtinon, Compasseur, Villecomte, Diénay, sont aussi en réputation de fer fin. Elles ont assez d’afflouage et de bois, excepté celle de l’Abergemont et de Diénay qui n’ont que le cours d’eau, mais elles consomment les mêmes qualités de mines que les autres et ne manquent pas de bois, étant à portée d’acheter ceux qui les avoisinent en quantité.

« La forge de Pelleray, à deux lieues de Sainte-Seine, fournit d’assez bons fers, mais il y a peu de bois et les mines sont trop éloignées ; on en vient souvent prendre jusqu’au Val-Suzon. L’on fabrique de bons fers marchand et fonderie en quantité dans la forge de Tréchâteaux, qui dépend de la direction de Dijon, quoique située dans la généralité de Champagne. On y peut fabriquer quatre cent milliers de fer par an, sans chômage, de même qu’à Marcy, Moloy, Villecomte, Courtinon, Compasseur et Buffon. Toutes les autres donnent moitié moins, excepté celles du Charollais, dans chacune desquelles on peut faire trois cents milliers de fer par an sans accident. »

Tarsul, c’est Courtinon et aussi Compresseur : Tarsul ou Compasseur. Diénay annexe de Villecomte sur l’Ignon. Depuis Pelleray jusqu’à Diénay, plusieurs forges et fourneaux sur l’Ignon, qui tombe dans la Telle à Tréchâteaux qui est « une belle forge ». Marcy est sur la Telle. Dansevoir est voisin des forges d’Arc-en-Barrois. Pelleray sur l’Ignon était en activité avant 1687. Quant à Bèze, on parlait de ses forges en 1435 et en 1619. Celles de Fontenelle furent construites en 1629 et en 1658.

Les forges de Lenglay, canton de Recey, furent établies à Froidvent en 1508. Elles appartiennent aux Chartreux. Montigny-sur-Aube posséda des forges en 1202 ; celles de Gissez-sur-Ouche datent de 1211, 1413 et 1601.


  1. Michelin était un chasseur très adroit et l’on a raconté sur lui des légendes plus ou moins exagérées.
  2. Probablement un frère ou cousin de Jean Dautel.
  3. Cet accident semble avoir eu lieu le 2 juillet car, dès le 3 juillet, on fit un procès-verbal de l’affaire où l’on mentionne François Thomas, des Forges, qui périt avec Pierre Chaillot. Une fille posthume de ce dernier naquit le 7 novembre suivant.
  4. Ce doit être Châlons où il y avait des Guéry ; dans ce cas elle doit être parente d’Antoinette Guéry, ci-haut mentionnée.
  5. Dictionnaire généalogique, vol. II, p. 611.
  6. C’est ce Louis qui continua la lignée.
  7. Pas Caillé, comme nous l’avons déjà vu ailleurs. Les Caillé sont une autre famille étrangère aux Chaillé.
  8. Mgr Tanguay, Dictionnaire généalogique, vol. V, p. 56.
  9. Dasylva était encore aux Forges en 1748. Cette famille était au pays depuis 1680 ou environ et laissa une nombreuse descendance.
  10. Nous croyons plutôt maintenant que c’est son fils François, alors âgé de vingt-deux ans, qui signa ce témoignage. Car, aux archives judiciaires de Québec, nous avons vu un document (No 1286) où il est dit que François Thomas, père, fut tué aux Forges en 1742.