Mélite/Complément des variantes

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Mélite
(Édition Marty-Laveaux 1910)
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1010* [Ah ! si mon fou de frère en pouvoit faire autant,]
Qu’en ce plaisant malheur je serois satisfaite !
Si je puis découvrir le lieu de sa retraite,
Et qu’il me veuille croire, éteignant tous ses feux.
Nous passerons le temps à ne rire que d’eux.
Je la ferai rougir, cette jeune éventée,
Lorsque, son écriture à ses yeux présentée
Mettant au jour un crime estimé si secret,
Elle reconnoitra qu’elle aime un indiscret.
Je lui veux dire alors, pour aggraver l’offense.
Que Philandre, avec moi toujours d’intelligence.
Me fait des contes d’elle et de tous les discours
Qui servent d’aliment à ses vaines amours ;
Si qu’à peine il reçoit de sa part une lettre aw,
Qu’il ne vienne en mes mains aussitôt la remettre.
La preuve captieuse et faite en même temps
Produira sur-le-champ l’effet que j’en attends.


SCÈNE VI.

PHILANDRE.

Donc pour l’avoir tenu si longtemps en haleine,
Il me faudra souffrir une éternelle peine,
Et payer désormais avecque tant d’ennui
Le plaisir que j’ai pris à me jouer de lui ?
Vit-on jamais amant dont la jeune insolence
Malmenât un rival avec tant d’imprudence ?
Vit-on jamais amant dont l’indiscrétion
Fût de tel préjudice à son affection ?
Les lettres de Mélite en ses mains demeurées,
En ses mains, autant vaut, à jamais égarées,
Ruinent à la fois ma gloire, mon honneur,
Mes desseins, mon espoir, mon repos et mon heur.
Mon trop de vanité tout au rebours succède :
J’ai reçu des faveurs, et Tirsis les possède,
Et cet amant trahi convaincra sa beauté
Par des signes si clairs de sa déloyauté.
C’est mal avec Mélite être d’intelligence
D’armer son ennemi, d’instruire sa vengeance ;
Me pourra-t-elle après regarder de bon œil ?
M’oserois-je en promettre un gracieux accueil ?
Non, il les faut ravoir des mains de ce bravache ax,
Et laver de son sang cette honteuse tache ay.
De force ou d’amitié, j’en aurai la raison :
Je m’en vais l’affronter jusque dans sa maison az.
Et là, si je le trouve, il faudra que sur l’heure,
En dépit qu’il en ait, il les rende ou qu’il meure.


SCÈNE VII.

PHILANDRE, CLORIS.

philandre, frappant à la porte de Tirsisba.
Tirsis ! clor. Que lui veux-tu ? phil. Cloris, pardonne-moi.
Si je cherche plutôt à lui parler qu’à toi :
Nous avons entre nous quelque affaire qui presse.
clor. Le crois-tu rencontrer hors de chez sa maîtresse ?
phil. Sais-tu bien qu’il y soit ? clor. Non pas assurément ;
Mais j’ose présumer que, l’aimant chèrement,
Le plus qu’il peut de temps, il le passe chez elle.
phil. Je m’en vais de ce pas le trouver chez la belle bb.
Adieu, jusqu’au revoir. Je meurs de déplaisir.
clor. Un mot, Philandre, un mot : n’aurois-tu point loisir
De voir quelques papiers que je viens de surprendre ?
phil. Qu’est-ce qu’au bout du compte ils me pourroient apprendre bc ?
clor. Peut-être leurs secrets : regarde, si tu veux
Perdre un demi-quart d’heure à les lire nous deux.
phil. Hasard, voyons que c’est, mais vite et sans demeure :
Ma curiosité pour un demi-quart d’heure
Se pourra dispenser. clor. Mais aussi garde bien
Qu’en discourant ensemble il n’en découvre rien.
Promets-le-moi, sinon…
[philandre, reconnoissant les lettresbd.
Promets-le-moi, sinon…_Cela s’en va sans dire,
Donne, donne-les-moi, tu ne les saurois lire,
Et nous aurions ainsi besoin de trop de temps.]
cloris, resserrant les lettresbe.
[Philandre, tu n’es pas encore où tu prétends :]
Assure, assure-toi que Cloris te dépite
De les ravoir jamais que des mains de Mélite bf,
À qui je veux montrer, avant qu’il soit huit jours,
La façon dont tu tiens secrètes ses amours bg.


SCÈNE DERNIÈRE bh.

PHILANDRE.

Confus, désespéré, que faut-il que je fasse ?
J’ai malheur sur malheur, disgrâce sur disgrâce.
On diroit que le ciel, ami de l’équité,
Prend le soin de punir mon infidélité.
Si faut-il néanmoins, en dépit de sa haine,
Que Tirsis retrouvé me tire hors de peine :
Il faut qu’il me les rende, il le faut, et je veux
Qu’un duel accepté les mette entre nous deux ;
Et si je suis alors encore ce Philandre,
Par un détour subtil qu’il ne pourra comprendre,
Elles demeureront, le laissant abusé,
Sinon au plus vaillant, du moins au plus rusé bi. (1633-57)


Scène VI

Complément des variantes


*. Le chiffre placé au commencement d’une variante marque à quel vers du texte elle se rapporte.

aw. Si bien qu’il en reçoit à grand peine une lettre. (1644-57)

ax. Non, il les faut avoir des mains de ce bravache. (1648)

ay. Et laver dans son sang cette honteuse tache. (1644-57)

az. Je le vais quereller jusque dans sa maison. (1644-57)

ba. Ce jeu de scène manque dans l’édition de 1633.

bb. Je m’en vais de ce pas le voir chez cette belle. (1644-57)

bc. Qu’est-ce que par leur vue ils me pourroient apprendre ? (1644-57)

bd. Il reconnoit les lettres et tâche de s’en saisir, mais Cloris les resserre. (1633, en marge.)

be. Ce jeu de scène n’est pas indiqué dans l’édition de 1633.

bf. De les avoir jamais que des mains de Mélite (1648)

bg. En marge, dans l’édition de 1633 : Elle lui ferme la porte au nez.

bh. Dans les éditions de 1644-57 : scène viii.

bi. Ici finit le IIIe acte.