Mémoire présenté par la Délégation coréenne

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CONFÉRENCE DE LA PAIX



MÉMOIRE


PRÉSENTÉE PAR


LA DÉLÉGATION CORÉENNE



PARIS, AVRIL 1919
CONFÉRENCE DE LA PAIX



EXPOSÉ DES REVENDICATIONS DE LA NATION ET DU PEUPLE CORÉENS POUR LEUR LIBÉRATION DU JOUG JAPONAIS ET POUR LE RÉTABLISSEMENT DE LA CORÉE EN ÉTAT INDÉPENDANT, PAR LA CONFÉRENCE DE LA PAIX DÉCLARANT NUL ET NON AVENU OU ABROGEANT LE TRAITÉ CONCLU À SÉOUL LE 22 AOÛT 1910 PAR LEQUEL LE JAPON ANNEXA L’EMPIRE DE CORÉE.




PARIS, AVRIL 1919
TABLE



Exposé :

Les revendications de la Corée 
 1
II 
4,200 ans d’Histoire Nationale 
 1
III 
L’Indépendance de la Corée 
 1
IV 
« Transaction dans la liberté » 
 2
La Prusse et le Japon 
 2
VI 
Le Protectorat de la Corée 
 2
VII 
L’annexion de la Corée 
 3
VIII 
Japonisation et Prussianisation 
 3
IX 
Expropriation des propriétaires coréens 
 4
La langue et l’Histoire coréennes interdites 
 4
XI 
« Le contrôle » de l’éducation coréenne 
 4
XII 
« Le contrôle » des richesses coréennes 
 5
XIII 
Des armes 
 5
XIV 
Le Japon hostile au Christianisme 
 6
XV 
La Corée transformée en forteresse 
 6
XVI 
L’Œuvre Anglo-Saxonne en Extrême-Asie 
 6
XVII 
Le Japon Nation-Profiteuse 
 7
XVIII 
Le Japon contre le monde 
 7
XIV 
La politique continentale Japonaise 
 7
XX 
L’exécution de cette politique 
 7
XXI 
Une menace contre la France 
 8
XXII 
La Maîtrise du Pacifique 
 9
XXIII 
Les Japonaises « Prêtresses éternelles » 
 10


Appendices :

No
Traité d’annexion. 
 13
No
L’affaire de la Conspiration Coréenne 
 14




EXPOSÉ





Exposé des Revendications du Peuple Coréen en vue de sa Libération du Joug Japonais et pour le Rétablissement de la Corée comme État Indépendant.

I


Les Revendications de la Corée.

La Nation et le Peuple Coréens ont l’honneur de soumettre cette pétition à la Conférence de la Paix pour que soit déclaré Nul et Non Avenu le Traité du 22 Août 1910[1], attendu qu’Un seul Coréen — alors l’Empereur de Corée — fut obligé, sous la coercition japonaise, de livrer « complètement et d’une façon permanente, à S. M. l’Empereur du Japon, tous ses droits de Souveraineté sur toute la Corée », ainsi qu’une population de plus de 15 millions d’individus.

La présente pétition est de la compétence absolue de la Conférence de la Paix.

La Conférence s’est précisément réunie en vue de résoudre les litiges pendants devant la Communauté Internationale et en application des Quatorze Articles de M. le Président Wilson, dont le principe fondamental fut nettement défini par le Président lui-même, dans son Message au Congrès, le 8 janvier 1918 : « Le principe de Justice envers tous les peuples et toutes les nationalités et leur droit de vivre sur un pied d’égalité, de liberté et de sauvegarde les uns vis-à-vis des autres, quels qu’ils soient, forts ou faibles. »

En sa qualité d’Allié et d’État Associé, le Japon a expressément souscrit à ces Quatorze Articles basés sur le principe de Justice, qui doivent servir de base et de structure à la Justice Internationale qui sera établie par la Conférence de la Paix.

En conséquence, ce principe de justice est absolument violé par l’Empereur du Japon, quand il exerce d’une façon continue « tous ses droits de Souveraineté sur la Corée toute entière », et cela sans le consentement et même contre le vœu de la Nation et du peuple Coréens. Il est donc du ressort et du devoir de la Conférence de la Paix de déclarer la nullité du sus-dit Traité du 22 Août 1910.

II


4.200 ans d’Histoire Nationale.

Le peuple Coréen formait une Nation ayant sa propre langue et une civilisation toute nationale des plus développées bien avant que le Japon ne fût sorti lui-même de l’état barbare. Le Japon est redevable, aussi bien à la Corée qu’à la Chine — cette autre vieille civilisation qui, elle aussi, reçoit actuellement les terribles assauts de ce même Japon — de leur culture, du développement de leurs pensées et de leur idéal, qui ont contribué à la formation de son esprit et qui l’ont conduit à la prospérité.

La Nation Coréenne était vieille de plus de 4.200 ans, lorsque le Japon a accompli son Œuvre en Corée par le Traité du 22 août 1910. Et, sauf durant une courte période où sa liberté fut compromise, elle a toujours vécu pendant ces 42 siècles en Nation libre et indépendante, et formait un État nettement séparé et délimité en Extrême-Asie.

III


L’Indépendance de la Corée.

La continuelle existence de la Corée comme État libre et Souverain fut affirmée et reconnue par le « Traité de Paix et d’Amitié » conclu entre les Gouvernements de Corée et du Japon, à Séoul, le 27 février 1876.

L’Indépendance de la Corée, sous le nom de « Royaume de Chosen », fut reconnue également par les États-Unis d’Amérique dans le « Traité de Paix, d’Amitié, de Commerce et de Navigation » conclu avec le Gouvernement Coréen le 22 mai 1882, et qui contenait l’importante stipulation suivante : « Si une autre Puissance agissait injustement et oppressivement à l’égard de l’un de ces deux Gouvernements, l’autre exercerait ses bons offices afin d’aboutir à un arrangement amical et de démontrer ainsi leurs sentiments réciproques d’amitié ».

La Souveraineté Coréenne fut aussi reconnue et admise par la Grande-Bretagne, la France, l’Italie, la Russie et par d’autres Puissances dans des Traités de Paix et de Commerce respectifs conclus avec le Gouvernement Coréen.

Dans le Traité de Shimonoseki du 17 avril 1895, le Japon obligea la Chine à reconnaître définitivement « l’entière et complète indépendance de la Corée ».

L’Indépendance de la Corée était de nouveau affirmée et substantiellement garantie par le Japon et la Grande-Bretagne dans la première Alliance Anglo-Japonaise du 20 Janvier 1902.

En dernier lieu, dans le Traité d’Alliance défensive et offensive intervenu entre le Gouvernement Japonais et le Gouvernement Coréen en 1904, le Japon garantissait, une fois de plus, l’entière indépendance de la Corée, et cette dernière s’engageait à donner aide matérielle au Japon dans ses préparatifs de guerre contre la Russie.

IV


« Transaction dans la Liberté ».

Ce fut pour protéger et maintenir l’Indépendance et l’intégrité territoriale de la Corée que le Japon fit, soi-disant, sa première guerre continentale contre la Chine en 1894-95.

Le même but fut invoqué lorsque le Japon défia et vainquit l’Empire des Tsars en 1904-05.

La renommée universelle du Japon Invincible, à la suite de ces deux guerres, n’est imputable qu’au prétendu geste chevaleresque que l’on crut voir dans ces transactions au sujet de la liberté.

V


La Prusse et le Japon.

La fausseté des engagements pris par le Japon est pleinement démontrée maintenant, et il ne peut se disculper de sa mauvaise foi et de sa duplicité.

Comme la Prusse dans ses deux guerres contre l’Autriche et contre la France, le Japon prépara ses deux guerres contre la Chine et contre la Russie. Comme la Prusse devint la grande puissance militaire de l’Europe, le Japon est devenu la grande puissance militaire de l’Asie à la suite de sa Guerre Défensive contre les deux Puissances qui se trouvaient sur la route de ses ambitions continentales. Et l’on peut ajouter que la Prusse et le Japon sont les Puissances Modernes qui ont le plus profité de leur Politique militaire.

S’il y a quelque différence entre ces deux Puissances conquérantes, elle consiste en ce que le Japon jouit d’une plus grande immoralité. La Prusse conçut, prépara et gagna ses deux guerres afin d’assurer l’hégémonie en Europe de l’empire germanique. Elle n’aggrava pas son crime par l’assassinat d’une Nation dont elle avait garanti solennellement l’indépendance et l’intégrité. Elle n’accomplit pas ses grands desseins en faisant passer aux yeux du Monde sa politique de conquête et d’annexion pour une politique chevaleresque dont l’objectif était la protection d’un. peuple en danger !

Tout cela, et plus encore, fut accompli par le Japon !

VI


Le Protectorat de la Corée.

Quelques mois après le dernier des Traités où le Japon garantissait la perpétuelle indépendance et l’intégrité de la Corée, le Traité de Portsmouth était conclu, dans lequel le Japon obligeait la Russie à reconnaître que le Japon possède en Corée des Intérêts Militaires, Politiques et Économiques primordiaux et à s’engager à ne pas intervenir dans les mesures de Conduite, de Protection ou de Contrôle que le Gouvernement Impérial du Japon pourrait prendre en Corée.

Trois semaines plus tard, c’est-à-dire le 27 Septembre 1905, le second Traité d’Alliance entre le Japon et la Grande-Bretagne était publié. L’Indépendance de la Corée, qui était expressément reconnue dans le premier Traité d’Alliance Anglo-Japonaise, était omise d’une façon très significative dans le renouvellement de cette Alliance.

Cette sinistre omission fut rapidement suivie, vingt-sept jours plus tard, par la conclusion du Traité de Protectorat du Japon sur la Corée. Il ne faut pas oublier de remarquer que cette transaction est sans exemple dans l’histoire du Monde civilisé. (Voir la relation de ce crime dans « Tragedy of Korea » par MacKenzie et « Passing of Korea » par Homer B. Hulbert).

Le Traité de Portsmouth était à peine signé que le Marquis Ito arrivait en Corée et immédiatement prenait vis-à-vis des Coréens des Mesures de Conduite, de Protection et de Contrôle.

Ito, surnommé le « Bismarck du Japon », remplit les rues de Séoul de soldats Japonais, cerna le Palais d’un cordon de troupes et força l’infortuné Empereur et ses Ministres, sous la menace des baïonnettes, à signer le Traité de Séoul. Malgré tout cet appareil coercitif, le Traité ne fut signé ni par le Premier Ministre, ni par le Ministre des Affaires Étrangères Coréens. Ce Traité était donc nul, attendu qu’il n’était pas scellé non plus du Grand Sceau du Conseil d’État ni de celui du Ministère des Affaires Étrangères. Même sous la menace de la force, on ne put jamais trouver le Grand Sceau, et celui du Ministère des Affaires Étrangères fut, par un geste de désespoir, jeté dans un étang au moment ou le Ministre était conduit, sous escorte armée, par les Japonais à la Chambre du Conseil.

L’histoire de la Corée, durant ces cinq années de Protectorat, constitue un record d’actes frauduleux et de terrorisme qui ne se peut concevoir que d’un peuple comme le Japon, dont l’esprit est tout moyenageux, mais dont les méthodes sont toutes prussiennes dans leur cruauté et leur efficacité. C’est tout le raffinement de la barbarie mis en œuvre avec les procédés scientifiques modernes, pour faire périr lentement mais sûrement une Nation toute entière !

VII


L’Annexion de la Corée.

La Corée succomba rapidement, du reste. Pour employer les expressions. d’un écrivain français « le Japon couronnait son œuvre en Corée » par le Traité de Séoul du 22 Août 1910, qui annexait purement et simplement cet ancien Royaume florissant avec sa population de plus de 15 millions d’individus.

Le peuple Coréen, la Nation toute entière n’ont jamais cessé de protester et protestent encore contre cette suppression de la Souveraineté Coréenne, contre l’annexion et la transformation de leur Patrie en une simple province Japonaise !

VIII


Japonisation et Prussianisation.

Cette protestation n’est pas seulement fondée sur la destruction par la force des libertés des Coréens, mais encore sur l’application farouche en Corée, par les Japonais, des méthodes pratiquées par le tsarisme en Finlande et en Pologne-Russe, et par les Allemands, professeurs du Japon du reste, à Posen, au Schleswig-Holstein, et en Alsace-Lorraine, aussi bien que celles qui ont été exercées par le Turc en Arménie !

La politique de cruauté employée pour la prussianisation des Polonais à Posen, des Danois au Schleswig et des Français en Alsace-Lorraine a été dépassée, surpassée par celle appliquée pour la Japonisation de la Corée !

Quoique l’instinct fondamental humain et les barrières géographiques s’opposent a son œuvre en Corée, le Japon est résolu à faire de ce pays, non seulement de nom, mais de fait, une province japonaise. Le Japon tente, par tous les moyens, d’y arriver en détruisant les racines les plus profondes du patriotisme coréen, telles que : l’amour du sol (propriété), la langue nationale et l’histoire du pays. Il contrôle de même très étroitement l’Éducation et la Richesse, ces deux forces qui pourraient paralyser et même détruire tout ce qu’il organise pour étouffer le patriotisme coréen.

IX


Expropriation des propriétaires Coréens.

En Corée le sentiment de la propriété foncière est très intense et est un des éléments du patriotisme Coréen. Cet instinct de la propriété chez le fermier et le paysan était un obstacle à la colonisation Japonaise, et les meilleures terres arables étant naturellement dans les mains des agriculteurs Coréens, l’expropriation de leurs propriétaires fut un des principaux buts de la politique Japonaise.

Pour ce faire, une Compagnie fut instituée sous la direction du Gouvernement Japonais, qui la subventionne d’une somme annuelle de 250.000 dollars prélevée sur le Trésor Impérial. Selon un article du « New-York Times » du 26 Janvier 1919, « le but de cette Compagnie est de coloniser la Corée avec les Japonais qui sont incapables de se créer une situation dans leur propre pays. Chacun de ces émigrants Japonais reçoit les frais de son transport en Corée, il lui est donné une habitation avec une portion de terrain à cultiver, des approvisionnements, des semences, etc. Cette Compagnie achète les terrains des fermiers Coréens. L’étendue de la Corée est de 82.000 miles carrés, avec 15 millions d’habitants, pour la plupart agriculteurs qui ne veulent pas se séparer de leur héritage ».

« C’est là que l’appui du Gouvernement Japonais », continue l’article, « intervient d’une façon tout à fait asiatique : toute l’organisation financière est centralisée à Séoul, à la "Banque de Chosen", sous le contrôle Gouvernemental. Cette puissante institution financière, comparable à la Banque d’Angleterre, à la Trésorerie des États-Unis, à la Banque de France, grâce à ses succursales, draine, comme intermédiaire, toutes les espèces du pays et fait baisser la valeur des terrains. D’autre part le Coréen, pour payer ses impôts et pourvoir aux besoins de son existence, doit réaliser ses terres ; de ce fait la baisse s’accentue rapidement, et les agents de la Banque, à l’affût de ces ventes, achètent ces terrains au cinquième de leur valeur réelle ».

« Plus du cinquième des terrains les plus riches de Corée », ajoute l’article, « est dans les mains des immigrants Japonais, qui en ont été pourvus grâce aux opérations de cette Banque. »

X


La Langue et l’Histoire Coréennes interdites.

Les Japonais remplacent systématiquement la langue coréenne par la langue japonaise. Dans les écoles, les enfants Coréens sont même obligés d’employer le Japonais pour saluer ou causer avec leurs professeurs Coréens. Dans les Cours de Justice, les Juges sont japonais et toute la procédure se fait en langue japonaise, au détriment du pauvre Coréen qui ne comprend rien à ce qui se dit ou à ce qui se passe.

L’enseignement de l’Histoire de la Corée est absolument interdit. L’emprisonnement, la torture, le bannissement sont les pénalités appliquées au Coréen qui tenterait de raconter aux enfants l’histoire ou les traditions nationales ; même les chansons et les contes populaires sont également interdits.

XI


« Le contrôle » de l’Éducation Coréenne.

C’est le contrôle de l’Éducation des Coréens qui frappe et qui révèle tout l’égoïsme de la politique Japonaise dans la péninsule Coréenne.

La Corée était renommée comme un pays de Lettrés. Le Coréen s’était donné tout entier à l’étude. Mais tout Lettré est un élément de résistance et de protestation contre la tyrannie Japonaise, surtout depuis que l’éducation conduit la pensée et l’idéal à dénier et contester le droit pour une Nation de tenir une autre Nation sous le joug d’une politique de servage.

De ce fait, non seulement l’histoire de la Corée fut interdite dans les écoles Coréennes, mais tout ce qui pouvait, par suite d’un calcul ou d’une arrière pensée, encourager ce que le Comte Teraoutchi — le proconsul Japonais qui annexa la Corée — appelait des idées dangereuses.

Cette politique d’éducation limitée explique pourquoi l’étudiant Coréen ne peut avoir libre accès au haut enseignement des Arts, des Sciences, du Droit, de l’Economie, de l’Industrie, etc. ; il lui est également interdit de façon formelle d’aller en Europe ou en Amérique chercher une éducation occidentale ou moderne, même à ses propres frais.

Cette même politique explique aussi la suppression, par la force, de 360 écoles chrétiennes et de centaines d’autres institutions privées d’éducation en Corée.

Les statistiques suivantes, publiées par le Gouvernement Général de Corée pour l’année 1917, illustrent encore mieux les méthodes Japonaises. Pour une population de 16.648.129 Coréens, les écoles établies par les Autorités Japonaises, où viennent seulement 86.410 élèves Coréens, sont ainsi réparties :

441 
Écoles primaires 
 avec 81.845 élèves
Écoles Primaires Supérieures 
 
avec 1.791 élèves
74 
Écoles Élémentaires d’Agriculture, de Commerce et d’Industrie 
 avec 2.029 élèves
École de Médecine 
 avec 253 élèves
École de Droit 
 avec 138 élèves
École Industrielle 
 avec 282 élèves
École d’Agriculture et Forestière 
 avec 72 élèves

soit au total 526 écoles pour 86.410 élèves.

Alors que, pour une population d’immigrants Japonais de 320.938 individus, les autorités ont établi 367 écoles spéciales Japonaises de toutes classes, et dont l’enseignement est suivi par 42.467 nippons, ainsi réparties :

342 
Écoles Primaires 
 avec 37.911 élèves
Écoles moyennes 
 avec 1.478 élèves
10 
Écoles Supérieures de Filles 
 avec 1.648 élèves
Collèges Supérieurs Commerciaux 
 avec 899 élèves
École Coloniale Orientale 
 avec 18 élèves
Écoles privées Techniques et Commerciales 
 avec 513 élèves

Les constatations qui précèdent justifient pleinement les rapports sur la politique Japonaise d’éducation en Corée, parus dans la presse américaine et qui n’ont jamais été démentis jusqu’à présent : « Sous le joug Japonais toutes les aspirations nationales sont étouffées (en Corée) et toutes les mesures sont prises pour enrayer le développement du patriotisme. Ceci est exécuté systématiquement de différentes façons. Un des plus puissants et des plus efficaces parmi les moyens employés par le Japon est la quasi-suppression de l’enseignement supérieur par suite des restrictions sévères appliquées à l’égard des Coréens. Par exemple, l’histoire de la Corée n’y est pas enseignée, et lorsque l’étudiant a fait quelques progrès dans ses études, il est obligé de quitter l’école !… etc. »

XII


« Le Contrôle » des richesses Coréennes.

Presque chaque famille aisée Coréenne est obligée d’avoir chez elle un contrôleur Japonais qui surveille la gestion de ses propriétés et de ses finances.

Les Coréens qui ont des dépôts en Banque — qui sont, du reste, toutes Japonaises — ne peuvent en retirer des sommes importantes sans être obligés d’indiquer au Directeur l’objet et l’emploi de cet argent.

XIII


Des armes.

Il est interdit aux Coréens de détenir ou de se servir d’armes à feu sous quelque forme que ce soit.

Il n’est pas sans intérêt d’ajouter qu’un investigateur Américain, au cours de ses enquêtes sur l’état de la Corée sous la domination Japonaise, constata qu’aucune famille Coréenne, en certains districts, ne pouvait avoir en sa possession le légendaire Couteau de cuisine Coréen en usage depuis des temps immémoriaux. Un seul de ces couteaux ne devait servir que pour cinq ou six familles ; encore fallait-il, lorsqu’on ne s’en servait pas, le suspendre à un endroit déterminé et bien en vue du regard vigilant du gendarme japonais. Cette curieuse constatation ne fut pas publiée par suite de sa non-opportunité à cette époque.

XIV


Le Japon hostile au Christianisme.

L’introduction du Christianisme en Corée étant apparue comme un danger, puisqu’il réveille par son enseignement la conscience du respect personnel et surtout condamne la soumission passive à l’autorité du Japon, le Gouvernement du Mikado considère l’œuvre des Missions chrétiennes en Corée comme nettement contraire et hostile aux intérêts vitaux Japonais. Aussi les Autorités Japonaises font-elles tous leurs efforts — particulièrement la police — pour enrayer et décourager l’œuvre de ces Missions.

Un fait significatif de cette hostilité des autorités Japonaises contre le Christianisme en Corée fut la cruelle persécution des Chrétiens Coréens impliqués dans l’affaire connue sous le nom de l’« Affaire de la conspiration Coréenne »[2].

Le fait de considérer le Christianisme comme un sérieux danger et une force hostile au succès des méthodes et de la politique Japonaise en Corée, n’est-il pas l’indice le plus sérieux de l’œuvre néfaste du Japon dans ce pays.

XV


La Corée transformée en forteresse.

Les Travaux Publics exécutés par le Japon l’ont été en vue d’achever complètement sa main-mise sur la Corée ; il a construit toutes ses voies ferrées dans le sens convergeant à la frontière afin de pénétrer dans la Mandchourie du Sud. Il a multiplié les routes dans le même ordre d’idées et construit d’importants bâtiments pour y loger l’innombrable armée de ses fonctionnaires qui dirigent le pays. Il a fait d’autre part, cela est incontestable, et pour la forme, quelques réformes au point de vue sanitaire dans certains centres urbains.

Sur tous les travaux de « développement et de progrès » quant à la vie matérielle en Corée, on peut lire — chaque année — dans le « Rapport » splendidement illustré et publié par le Gouvernement Général de Chosen (Corée) : « Aucune dépense ne doit être épargnée pour la préparation et la publication de ce Rapport Annuel, car c’est une des principales armes de la propagande Japonaise à l’Étranger ».

Mais, en dépit des réformes annoncées par le Rapport Annuel, les méthodes de la Politique Japonaise continuent impitoyables. Un article de fond du « Shin Nippon », journal Japonais qui eut le courage de critiquer les autorités Japonaises à propos de « l’Affaire de la Conspiration Coréenne » le prouve suffisamment :

« Le Comte Teraoutchi tente par tous les moyens d’enrayer la révolte des Coréens contre son Administration, même au détriment des intérêts péninsulaires de ses propres compatriotes. Sa censure, son service d’espionnage policier, sa législation ouvrière et industrielle, tout cela est inspiré par la crainte d’un réveil des Coréens. Le Gouverneur Général voudrait faire de la péninsule une vaste prison-forteresse et il considère tous les industriels et commerçants travaillant en Corée comme des hommes de troupe dont il restreint l’activité en les encasernant… »

Il ne faut pas oublier non plus que « la plupart des réformes, autant qu’elles sont des réformes, ont été accomplies aux dépens de la Colonie »[3]. Elles ont été, en effet, effectuées ou introduites aux frais des contribuables Coréens, dans l’intérêt et pour le bénéfice des résidents Japonais, pour qui les autorités Japonaises voudraient rendre le séjour en Corée des plus agréables.

XVI


L’Œuvre Anglo-Saxonne en Extrême-Asie.

Il n’existe pas de méthodes ou de moyens qui puissent égaler l’œuvre néfaste du Japon en Corée. Il n’y a aucune comparaison possible avec le but et l’esprit, aussi bien qu’avec les méthodes employées par les Anglo-Saxons en Asie :

Aux Indes, l’Anglais ne gouverne que dans l’intérêt de l’indigène. Il a certainement commis des fautes, peut-être en commet-il encore ; mais les Administrateurs de ces grandes régions de l’Asie ont conscience de leur devoir et l’accomplissent dans un réel esprit de sincérité.

Aux Philippines cela est encore plus frappant ; les Américains ne se sont pas contentés de diriger honnêtement, ils ont instruit et éduqué les Philippins, non seulement pour qu’ils puissent les aider ou les assister, mais encore pour les remplacer, éventuellement, dans le Gouvernement du pays. Les Américains avaient déjà en vue le retour possible à l’indépendance des Phillipins, et voyaient la solution finale nécessaire à la tranquillité internationale qui doit rendre le monde entier au bonheur et à la sécurité.

XVII


Le Japon « Nation profiteuse ».

Mais en Corée, les Japonais gouvernent et administrent dans un esprit opposé, en Nation-Maîtresse ou, mieux encore, en Nation-Profiteuse. Le bonheur et le développement de la Corée n’ont jamais été les buts de gouvernement du Japon.

XVIII


Le Japon contre le Monde.

En plus de toutes ces raisons qui concernent plus particulièrement les intérêts directs du peuple coréen, l’intérêt vital du monde entier se trouve en jeu dans cette question — plus spécialement les intérêts de la France en Extrême-Asie, ceux de la Grande Bretagne et des États-Unis également en Asie et sur le Pacifique — intérêt qui réclame et doit réaliser la désannexion de la Corée et la libération de son peuple du joug japonais.

Au point de vue des échanges et du Commerce, le Japon élimine progressivement les commerçants occidentaux et leur ferme le marché de la Corée, afin de s’en emparer entièrement, bien qu’il fût ouvert au Commerce mondial par les Puissances étrangères elles-mêmes, à la suite de leur Traité avec la Corée.

Cette élimination méthodique par le Japon des influences occidentales, est la suite raisonnée de son attitude dans le passé, et trouve toute son expression dans l’exemple de l’interdiction du droit de propriété pour l’Étranger sur le territoire japonais, ainsi que dans l’exclusion de toute influence étrangère par l’application déplacée de la doctrine de Monroe en Extrême-Asie.

XIX


La Politique Continentale Japonaise.

C’est dans les Buts-Éloignés de la politique Japonaise — réalisables éventuellement grâce à l’annexion de la Corée — que la France, aussi bien que l’Angleterre et l’Amérique, sera atteinte dans ses intérêts vitaux.

Le danger, pour le monde, réside précisément dans le « laisser-faire » dont jouit le Japon pour sa politique de conquête continentale.

Cette politique tend, avant tout, à l’hégémonie en Asie, par la domination et le contrôle sur la force et les richesses naturelles de la Chine — possibles seulement par le point d’appui continental que lui offre la Corée — par la maîtrise du Pacifique, au moyen de l’introduction des émigrants japonais en Australie et sur les côtes des États-Unis.

XX


L’Exécution de cette Politique.

La politique continentale du Japon a déjà trouvé en partie sa réalisation. dans les deux guerres victorieuses contre la Chine en 1894-95 et la Russie en 1905-04, et dans l’annexion de la Corée le 22 Août 1910.

La présence des Japonais en Corée rend pleine de difficultés la souveraineté chinoise en Mandchourie du Sud et dans la Mongolie Orientale intérieure. Si ces régions stratégiques venaient à tomber dans les mains des Japonais (plan de politique continentale du Japon), la conquête soit militaire, soit pacifique de la Chine et de ses 400.000.000 d’habitants serait inévitable.

Ceci n’est ni une hypothèse ni une prophétie, mais simplement ce qui ressort des plans et des intentions avérés du Gouvernement japonais et mis en lumière lors des fameuses vingt et une demandes que Tokio présenta à Pékin le 18 Janvier 1915 et que la Chine dut signer sous la menace d’un Ultimatum et de la guerre[4].

XXI


Une Menace contre la France.

La domination éventuelle de la Chine par le Japon — que l’assujettissement prolongé de la Corée faciliterait — est une menace certaine contre la France, puissance asiatique.

L’assujettissement de la Chine à un état militaire comme l’est organisé le Japon et l’obligation pour ce dernier, dans ce cas, de défendre les provinces du Yunnan — qui abondent en étain et commandent l’arrière de l’Indo-Chine — constituerait une menace politique et stratégique pour cette colonie française, qui est un élément essentiel de gloire et de prestige pour la troisième République.

Cette menace n’est pas une simple déduction stratégique, mais une réalité politique, c’est en effet un des trois principaux points secrets que le Japon veut atteindre.

La dette de la France envers le Japon date du jour de la révision du Traité de Shimonoseki de 1895, lorsque le Gouvernement de Tokio fut obligé de rétrocéder à la Chine la Péninsule du Liao-Tong, y compris la forteresse de Port-Arthur dont la cession « à perpétuité et en toute souveraineté » avait été concédée au Japon comme fruit de sa victoire sur la Chine.

La Russie, l’Allemagne et la France étaient intervenues toutes trois pour cette rétrocession qui rejetait les Japonais hors du continent.

Le Japon dut obéir, mais commença tout de suite à faire échec à la volonté de ces trois Puissances, la possession de la Péninsule du Liao-Tong étant pour lui le facteur essentiel de sa politique continentale qui lui permettait l’accès de la Mandchourie et de la Corée.

Non seulement les nécessités de sa politique, mais aussi l’idée de revanche entraînèrent le Japon dans la vaste préparation que l’on sait qui le conduisit à sa victoire contre la Russie en 1904-05 et qui lui fit reconquérir ce morceau perdu du territoire chinois.

La Guerre de 1914 lui fut une nouvelle ressource en vue de sa conquête continentale et de sa revanche à prendre contre l’Allemagne. Comme il avait défait et supplanté la Russie en Mandchourie Méridionale, le Japon battit l’Allemagne à Kiao-Tcheou et la supplanta dans la province du Chan-Toung.

Il est curieux de remarquer que cette Triple intervention, avant la guerre Russo-Japonaise, s’écrivait dans cet ordre : « Russie, Allemagne et France » ; depuis cette guerre et avant la défaite allemande de Kiao-Tcheou, c’était : « Allemagne, France et Russie » ; et que maintenant, lorsque les Japonais en parlent, ils adoptent ce nouvel ordre : « France, Allemagne et Russie ». Ainsi, dans un récent exposé « Du Cas du Japon », le Baron Makino déclare qu’il est nécessaire de faire ressortir que la rétrocession de la Péninsule du Liao-Tong fut due à la Force Majeure de la Protestation de la France, de l’Allemagne et de la Russie ? Le Vicomte Chinda, autre délégué japonais à la Conférence de la Paix, a cru également utile de faire ressortir que le peuple japonais considère cette intervention comme une « Triple Interférence indigne »[5].

Ces remarques peuvent paraître un peu futiles et méticuleuses au regard de l’esprit français, mais elles sont pleines d’enseignement et même de menace lorsque l’on connaît l’esprit étrange et subtil des Japonais.

Et il n’est pas de moindre importance de considérer que le fait d’une guerre victorieuse du Japon contre la France ferait appliquer tout le système politique et territorial du Japon à l’Indo-Chine, et rendrait le Japon maître de tout le Centre Asiatique et des Îles du Sud, que les publicistes japonais considèrent comme indispensables au plus grand Japon.

XXII


La Maîtrise du Pacifique.

La politique continentale du Japon est aussi bien une menace pour les puissances Anglo-Saxonnes que pour la France, sinon plus dangereuse.

Les Impérialistes japonais déclarent hautement que le surcroît annuel de la population justifie l’extension territoriale inscrite dans le programme de la politique continentale de leur pays. Ils ajoutent que ce « surcroît exportable » (exportable margin) de la population doit être envoyé en Corée, en Mandchourie Méridionale, en Mongolie Orientale Intérieure et dans la Province historique chinoise du Chantoung.

L’émigration de ce « surcroît exportable » pourrait être un grave danger d’ici une cinquantaine d’années, si l’on ne s’apercevait pas que le Japon en fait délibérément une question de propagande exagérée afin de créer un courant d’opinion en sa faveur : considérant que l’émigration japonaise est une nécessité économique et politique impérieuse qui demande une solution immédiate (immediate relief).

La pensée politique japonaise est que cette « solution immédiate » se réalise par la Colonisation Japonaise en Corée, en Chine et éventuellement par l’émigration japonaise en Australie et en Amérique.

Mais les Japonais savent très bien qu’ils ne remplissent nullement les conditions physiques et morales pour cette colonisation soit en Corée, soit en Chine. Leur caractère d’Insulaires les rend absolument impropres à la vie continentale asiatique aussi bien qu’à la vie quasi-désertique de Mongolie.

Il y a certainement des régions habitables pour eux ; mais ces « places au soleil » ont été, depuis des siècles, et sont encore actuellement, surpeuplées par des populations chinoises.

Par conséquent le Japon devra envoyer vers d’autres points son « surcroît exportable », et les publicistes japonais ne font pas un secret que le vœu national est orienté vers les « terres promises » d’Australie et des États-Unis. Quoiqu’ils n’y puissent aller, ils sont décidés à y aller.

De même que le Japon s’était préparé à la guerre contre la Chine et contre l’Empire des Tsars, de même qu’il était prêt lorsque la bonne fortune mît l’Allemagne sur sa route, et qu’il attendait le moment où la France ferait amende honorable, en quelque sorte, en l’appelant à faire partie de la triple indigne interférence, le Japon est prêt dans son travail de préparation qui réalisera complètement ses plans de politique continentale, c’est-à-dire :

Une vive lutte contre les puissances anglo-saxonnes afin de transformer le Pacifique en un « bassin japonais » et de supprimer les lois restrictives contre l’immigrant japonais en Australie et aux États-Unis.

Une politique de conquête mondiale. Conception téméraire, audacieuse, rêve inconcevable, penseront les Anglo-Saxons ; mais de telles idées ne sont pas nouvelles dans l’histoire : la récente Grande Guerre et l’ambition germanique en font foi. Rappelons-nous que les dirigeants du Japon ont organisé leur pays d’après le style prussien, que leur politique continentale, c’est-à-dire leur politique de conquête mondiale, a déjà trouvé des applications et obtenu des résultats :

a) dans deux guerres couronnées de succès et qui ont fait du Japon la puissance militaire la plus grande en Asie, comme la Prusse devint par ses deux guerres la plus grande puissance militaire de l’Europe ;
b) dans l’annexion de la Corée ;
c) dans la substitution progressive des Japonais aux autorités chinoises de la Mandchourie Méridionale et de la Mongolie Orientale Intérieure ;
d) dans les tentatives faites en ce moment pour obtenir de la Conférence de la Paix que le Japon succède aux Allemands dans la Province Sacrée du Chantoung y compris le territoire de Kiao-Tcheou ;
e) dans l’assujettissement graduel de la Chine (avec ses formidables ressources en hommes et en richesses naturelles) à la domination japonaise, par les mêmes moyens qui firent de l’annexion coréenne une nécessité politique ; et
f) dans la possession par le Japon des « Îles du Sud au Nord de l’Équateur » qui rapproche le Japon à 2.000 miles à peine de l’Australie, lui offrant ainsi une base navale dont la position stratégique des plus puissantes lui fait dominer une importante région du Pacifique.

XXIII


Les Japonaises « Éternelles Prêtresses ».

La Nation et le Peuple Coréens ajoutent, enfin, et pour terminer, que l’imposition de la civilisation japonaise en Corée[6] et son expansion certaine à la suite de la politique continentale du Japon, en Asie et dans les régions du Pacifique, sont contraires aux intérêts du Monde et aux Progrès de la race humaine.

La vie japonaise est polluée par l’immoralité de la vie des sexes. Un observateur impartial étranger a pu dire en toute vérité que, « tandis que la prostitution infeste les cités de l’Occident, le Vice infeste les villes et les villages du Japon. Il n’y a pas que les Fonctionnaires du Gouvernement et les Narikin (nouveaux riches) qui soient les clients assidus des Geishas, mais encore les maîtres d’école ruraux.

On a constaté à un certain moment, que le Japon tirait plus de revenus de ses Geishas que de l’exportation de son charbon. Cette constatation fut basée sur ce fait que, lorsqu’un Japonais vend sa fille pour cet « usage », il reçoit une somme annuelle de 250 yens durant trois ans ; cette somme est équivalente, avec un intérêt de 5 %, à un capital de 5.000 yens. Avant la guerre il y avait à Irkoutsk 110 maisons de prostituées japonaises, on les trouvait en grand nombre dans toutes les villes de la Sibérie méridionale, à Khabarowsk, à Blagovestchensk, à Vladivostok etc. Actuellement une statistique modérée fixe le nombre des prostituées japonaises à 10.000 rien que pour la Mandchourie. On a calculé que les taxes consulaires payées par ces femmes couvrent complètement les frais de l’administration civile japonaise dans ce pays ; chacune de ces prostituées paie, en effet, une taxe consulaire de 3 dollars (mexicains) par mois.

On trouve également la prostitution japonaise dans tous les ports chinois ouverts au commerce extérieur, à Saïgon, en Indo-Chine, au Siam et à Bangkok, à Singapour — où, d’après un rapport, Il y a des « rues entières de prostituées japonaises » — à Pinang, aux Indes. On peut également citer textuellement cette note d’un voyageur britannique : « Il y a des rues entières de prostituées japonaises à Bombay, à Kurrachee. L’industrie est florissante et elle n’attend que l’occasion pour ramifier vers la Mésopotamie où elle sera d’une concurrence sérieuse ». « La prostitution est également des plus florissante à Bornéo, à Madagascar, à Zanzibar, en Afrique du Sud ; et il fut un temps où le monopole de la prostitution officielle, tout le long de la côte Australienne, était entièrement dans les mains des Japonais ».

De Yunanfou à Ourga

Il faut ajouter une note concluante, extraite d’une article récent paru dans le « North China Daily News », le plus grand journal de l’Extrême-Orient, et dont les révélations obligèrent le Gouvernement japonais, par l’intermédiaire de son Ambassade à Londres, à promettre d’importantes réformes :

« Partout la prostitution japonaise, dont l’extension systématique depuis Yunanfou jusqu’à Ourga est d’une évidence indiscutable de la part de nos Alliés Asiatiques, marche de pair avec la vente de la morphine.
La morphine, que l’on ne pourra bientôt plus acheter en Europe, se trouve manufacturée dans des laboratoires tout à fait modernes au Japon et à Formose. Durant ces dernières années, le Japon acheta tout le marché de production de l’opium de Perse pour le convertir en morphine, l’opium persan contenant un pourcentage de morphine supérieur à celui de l’opium des Indes.
La production de l’opium augmente en Corée. Sa culture, il est nécessaire de le signaler, a suivi immédiatement la fermeture des Fumeries de Shanghaï (par les autorités chinoises). Des fonctionnaires japonais procurent les graines, et le pavot pousse sous la protection japonaise en Mandchourie ; ce qui est une autre source d’approvisionnement en morphine, et l’on peut ajouter en opium, pour les besoins de l’administration japonaise de Formose ».




APPENDICES





No. 1

L’ANNEXION DE LA CORÉE

Le traité suivant fut signé à Séoul le 22 Août 1910 :

S. M. l’Empereur du Japon et S. M. l’Empereur de Corée, en vue des relations spéciales et étroites entre leurs Pays respectifs, désirant augmenter le bien-être commun des deux nations et assurer la paix permanente en Extrême-Orient, et étant convaincus que ces buts pourront être le mieux atteints par l’annexion de la Corée à l’Empire du Japon, ont résolu de conclure un traité de cette annexion et ont nommé à cet effet pour leurs plénipotentiaires, savoir :
S. M. l’Empereur du Japon,
Le Vicomte Masakata Teraoutchi, son résident général,
Et Ye-Wan-Yong, son Ministre Président d’État.

Lesquels, par suite des conférences et délibérations mutuelles, sont convenus des articles suivants :

Article premier. — S. M. l’Empereur de Corée fait la cession complète et permanente à S. M. l’Empereur du Japon de tous les droits de la souveraineté sur la totalité de la Corée.

Art. 2. — S. M. l’Empereur du Japon accepte la cession mentionnée dans l’Article précédent et consent à l’annexion complète de la Corée à l’Empire du Japon.

Art. 3. — S. M. l’Empereur du Japon accordera à L. L. M. M. l’Empereur et l’ex-Empereur et à Son Altesse le Prince Héritier de Corée et à leurs Épouses et Héritiers, des titres, dignités et honneurs qui sont appropriés à leurs rangs respectifs, et des dons annuels seront faits pour maintenir ces titres, dignités et honneurs.

Art. 4. — S. M. l’Empereur du Japon accordera aussi des honneurs et traitements appropriés aux membres de la Maison Impériale de Corée et à leurs héritiers autres que ceux mentionnés dans l’article précédent ; et des fonds nécessaires, pour maintenir ces honneurs et traitements leur seront octroyés.

Art. 5. — S. M. l’Empereur du Japon conférera la pairie et des dons pécuniaires à ceux des Coréens qui, à cause des services méritoires, sont considérés dignes de ces reconnaissances spéciales.

Art. 6. — Par suite de l’annexion ci-dessus mentionnée, le Gouvernement du Japon, prend le gouvernement et l’administration de la Corée et s’engage à accorder l’entière protection aux personnes et propriétés des Coréens qui obéissent aux lois en vigueur en Corée et à accroître le bien-être de tous ces Coréens.

Art. 7. — Le Gouvernement du Japon, autant que les circonstances le permettent, emploiera dans les services publics du Japon, en Corée, ceux des Coréens qui acceptent le nouveau régime loyalement et de bonne foi et qui y sont dûment qualifiés.

Art. 8. — Le présent traité, ayant été approuvé par S.M. l’Empereur du Japon et par S. M. l’Empereur de Corée, produira son effet à partir du jour de sa Promulgation.

En foi de quoi, etc……

No. 2.

« L’AFFAIRE DE LA CONSPIRATION CORÉENNE »

Les extraits suivants sont tirés d’une étude intitulée : « L’Affaire de la Conspiration Coréenne » publiée à New-York le 20 Novembre 1912. Ce travail fut : « le résultat d’une conférence des Représentants de toutes les Organisations de Missionnaires des États-Unis…… en relations en Corée avec des personnalités laïques et dont les conseils et avis, sont tout à fait impartiaux, étant donné leur renommée mondiale et leur désintéressement des choses religieuses qui donnent toute garantie. »

****

« L’attention du monde civilisé a été mise en éveil par toutes les difficultés qui naissent en Corée, et tout particulièrement par l’arrestation et mise en jugement d’un nombre considérable de Coréens chrétiens sous l’inculpation d’un complot d’assassinat du Comte Téraoutchi, le Gouverneur Général Japonais. Ces évènements ont soulevé de graves questions concernant directement les peuples d’Occident. Il est certain qu’au point de vue du Droit International et des Rapports Diplomatiques ces questions relèvent directement du Japon ; mais il est vrai également que l’on peut dire des Nations comme des individus qu’aucun de nous ne vit pour soi-même. L’humanité a dépassé le stade où il restait indifférent à ce qu’un gouvernement pouvait faire sur une race sujette. »

****

« Il est de toute évidence que, depuis plus d’un an, le parti Militaire japonais se trouve au Pouvoir. La Corée est envahie de gendarmes nippons, particulièrement dans le Nord. La police secrète y est omniprésente. Les espions s’infiltrent dans tous les milieux coréens ainsi que dans toutes leurs réunions. Toute organisation coréenne est suspecte de desseins révolutionnaires. Nous ne savons pas ce qu’elles peuvent penser, mais on peut dire que chaque contrée d’Asie est remplie de Guilds, de sociétés de toutes sortes, dont la plupart ont plus ou moins des tendances politiques. Les Coréens se mettraient au ban de l’humanité si quelques-uns d’entre eux ne songeaient pas — comme l’ont toujours fait depuis que le monde est monde, les populations asservies ou assujetties — à se concerter en secret afin de juguler les conquérants étrangers et de les rejeter au dehors. »

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« Les Missionnaires et les principaux chrétiens coréens se sont toujours abstenus résolument de tout mouvement politique. Il fut enseigné aux chrétiens que l’Église n’avait rien à faire avec la politique…… cette détermination prise par les Missionnaires et les chrétiens coréens fut tellement inébranlable qu’il était courant d’entendre les Coréens païens incriminés les chrétiens comme faisant cause commune avec les ennemis de leur Patrie ; et l’on disait aux Missionnaires que, sans leur présence, la révolution serait faite depuis longtemps ? »

****

« Les Missionnaires sont des hommes puissants en Corée. Quoiqu’ils ne puissent contrôler l’activité politique des centaines de mille de chrétiens coréens, ils ont toujours usé de leur grande influence pour persuader aux Coréens de se soumettre à la loi japonaise. Il a été souvent dit, en effet, que, sans la présence des Missionnaires, une révolution aurait éclaté au moment de l’annexion de la Corée par le Japon. Les Japonais le savent parfaitement, mais ils ne peuvent admettre une situation où il est dans le pouvoir d’étrangers de faire ou de ne pas faire une révolution parmi leurs sujets. La fierté nationale japonaises exige la suprématie japonaise sur les territoires du Japon. Un fonctionnaire japonais qui se voit supplanté par un missionnaire Américain devient immédiatement plus ou moins inconsciemment jaloux et il est capable de tout pour détruire cette situation préjudiciable au Japon ! »

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« Vers la fin de 1911, les suspicions des Japonais contre l’Église (chrétienne) commencèrent à se manifester par l’arrestation des principaux chrétiens coréens…… Un grand nombre d’hommes et d’enfants furent jetés en prison où ils restèrent des mois sans nourriture ni vêtement pour l’hiver, sans connaître ce dont on les accusait ; tout conseil d’avocat leur était interdit ! les arrestations eurent lieu partout et une grande quantité de ces chrétiens furent jetés dans les geôles…… le nombre de ces individus arrêtés et conduits à Séoul fut, d’après la « Séoul Press » du 9 Avril 1912, de 150. »

****

« …… les autorités japonaises annoncèrent qu’elles avaient découvert une conspiration : le principal chef d’accusation contre ces hommes et ces jeunes gens était leur participation à un complot en vue d’assassiner le Gouverneur Général Comte Téraoutchi et qu’à la suite d’un premier interrogatoire sommaire par la police, ils avaient fait des « aveux » de culpabilité. Le procès public commença le 28 Juin 1912, devant la Cour de District de Séoul…… il est regrettable que ce procès prit un tel caractère, qu’il renforça toutes nos craintes des méthodes japonaises. La procédure fut tout particulièrement impressionnante pour un esprit occidental. Il fut interdit aux avocats de la Défense de communiquer avec leurs clients jusque peu avant les débats publics, c’est-à-dire, des mois après que l’Accusation eut préparé son instruction par des interrogatoires secrets des prisonniers. Lorsqu’il fut permis aux avocats défenseurs d’approcher leurs clients, l’entretient avait lieu en présence d’un agent de la police, de sorte que le pauvre prisonnier était sous l’empire de la crainte de ce que pourrait lui faire le geôlier, après coup, s’il disait des choses susceptibles de lui déplaire. Les énormes et volumineux dossiers de l’affaire ne furent jamais communiqués en temps utile à la défense, si ce n’est que trop tard pour qu’elle pût étudier à fond ou vérifier les faits allégués. À l’audience, toutes les questions posées aux témoins le furent à la merci et à la guise du Président. Le Jury étant inconnu au Japon, la durée du procès démontra que les juges avaient leur opinion faite avant les débats et qu’ils étaient en fait à la fois juges, jurés, huissiers-audienciers etc…… au fur et à mesure que le procès avançait l’hostilité et l’attitude peu équitable de la Cour étaient manifestement apparentes. Les innombrables questions posées par les juges n’étaient que des pièges tendus à ceux qu’ils jugeaient. Au moindre lapsus d’un Pasteur, le Président le traitait de « Pasteur de la doctrine mensongère de Jésus » en le congédiant aussitôt péremptoirement, et la Cour entière de s’esclaffer…… La perversion de la justice devint si grande et si manifeste que, le 17 Juillet suivant, le Conseil de la Défense refusa en bloc de continuer, et déclarant « qu’elle se voyait dans l’obligation d’exprimer son opinion que le procès ne suivait pas la procédure normale conformément à l’Art. 41 du Code d’Instruction Criminelle, pour l’Honneur de la Justice Impériale et pour la garantie de la Défense » ; la Défense demanda également la récusation du Président Tsukahara et de ses Assesseurs et l’introduction à nouveau de la cause par devant d’autres juges. La Cour dut suspendre le procès. Il fut interjeté Appel pour aller en Cour Supérieure, pour la désignation d’autres juges. L’Appel fut rejeté. Après un certain délai le procès fut repris, le 23 Août, et terminé en un temps étonnamment court de 4 jours. Les juges ne rendirent que le 28 Septembre leur jugement qui condamnait à la prison 105 des inculpés : 6 condamnés à 10 ans de prison, 18 à 7 ans, 39 à 6 ans, 42 à 5 ans…… Parmi ceux qui furent condamnés à 10 ans de prison se trouvait le Baron Yun-Chi-Ho, Président du Collège Méthodiste Méridional à Songdo, et Vice-Président du Y.M.C.A. coréen. »


FIN





Herbert Clarke, Printer, 338, rue Saint-Honoré, Paris
  1. Voir Appendice No 1.
  2. Voir appendice no 2.
  3. « L’Affaire de la Conspiration Coréenne » par A.J. Brown, New-York.
  4. La Délégation Chinoise, croyons-nous savoir, demandera l’abrogation de ces Traités qui soumettent par la force la Chine à la domination Japonaise.
  5. « Washington Star », 20 Février 1919.
  6. Peu de temps après l’annexion, le gouvernement japonais permettait à ses agents de voyager dans tout le pays pour y vendre de la morphine et développer la morphinomanie parmi les Coréens. Puis vinrent les prostituées. Il y a actuellement des milliers et des milliers de prostituées, venues du Japon, qui contaminent la société coréenne avec ces terribles vices sociaux dont la race japonaise a la tare proverbiale. Il y a aussi les Bains Publics, institués par les Japonais, dont la promiscuité est effrayante. Tout cela est une dangereuse menace pour la moralité coréenne et fait pour débiliter les générations futures. La Corée et son vieil idéal de vertu sont en très grand péril, grâce à la morphine, à la prostitution, au Bains Publics, au jeu, etc……, importés par les Japonais ! (Extrait d’un ouvrage écrit récemment sur « la Question Coréenne » par J.E. Moore, citoyen Américain, né en Corée).