Mémoires (Comte de Montrésor)

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Mémoires
Guyot-Frères (3p. 203).


MÉMOIRES DU COMTE DE MONTRÉSOR.


Retraite de Monsieur en Flandre; sa réception; les intrigues de la cour pendant son séjour, et son retour en France.

[1632] La nouvelle de la mort du duc de Montmorency, arrivée à Toulouse, ayant été portée à Monsieur à Tours, où il s'étoit retiré depuis son retour de Languedoc, voyant que, contre les espérances qui lui avoient été données par les sieurs de Bullion et Des Fossés, députés par le Roi pour le traité fait à Béziers, l'on avoit fait mourir de la sorte un homme si recommandable par sa naissance et par les importans services qu'il avoit rendus à l'Etat, Son Altesse s'étant promis que ses soumissions aux volontés du Roi obligeroient Sa Majesté à traiter avec moins de rigueur une personne de laquelle la vie lui étoit si recommandable, jugea, pour sa réputation, ne devoir pas demeurer en France après un sujet de déplaisir aussi sensible que celui qu'il avoit reçu en cette occasion. Elle ne mit point en doute d'être valablement déchargée de tout ce qu'elle avoit promis par son traité à Béziers, puisque, dans le temps qu'il se conclut, elle avoit dit et protesté aux députés du Roi, que s'il mésarrivoit dudit duc de Montmorency, contre les assurances reconfirmées de la part de Sa Majesté, elle le prendrait pour rupture, et ne tiendrait aucune des conditions aux-quelles elle s'etoit engagée, son intention étant de se soumettre pour la conservation d'un homme qui lui étoit si cher, et auquel elle avoit des obligations si particulières.

Ce furent les raisons les plus apparentes qui causèrent la sortie de Monsieur ; mais la plus véritable et la plus secrète fut celle du mariage que Son Altesse avoit contracté, au desir du Roi, avec la princesse Marguerite de Lorraine, que l'on a> oit tenu caché pour de bonnes considérations. Sa Majesté ni ses ministres n'en avoient eu aucune connoisfancecertaine, seulement des soupçons, l'affaire ayant été conduite si cou vertement, que les espions de la cour n'avoieut pu pénétrer si avant :aussi ne fut-il point parlé de cet article dans le traité de Béziers. Il n'y eut que le sieur de Umiliimi, apres que tout fut conclu et signé, qui t'avisa de demander au sieur de Puylaurens, principal confident de Son Altesse, si véritablement Monsieur étoit marié; lequel lui répondit qu'il ne l'étoit pas, ne jugeant nullement à propos ni convenable au bien des affaires de son maître de s'en ouvrir à lui, et de s'en expliquer autrement. Monsieur partit donc de Tours pour les raisons ci-devant représentées ; étant à Blois , il dépêcha le sieur de Saumery vers Sou Altesse de Savoie pour l'informer de tout ce qui s'étoit passé, et ménager par l'entremise du maréchal de Toiras sa retraite en Piémont, en cas qu'il en eût besoin. Ensuite Monsieur traversa la Beauce, futa Montereau-sur-Yonne, duquel lieu il écrivit au Roi par l'un de ses gardes, une lettre qui con- tenoit en substance les sujets et les raisons de son tloignement. Son Altesse, sans s'arrêter, prit le chemin de Champagne, accompagnée de sa maison, qui pouvoit faire en gentilshommes et domestiques cent cinquante chevaux. Use rendita Duu-sur- Meuse, petite place du duché de Lorraine, d'où elle envoya les sieurs Du Fargis à l'Infante, et vers le duc de Lorraine, Saint-Quentin , l'un de ses gentilshommes ordinaires. L'on ne disoit point encore si l'on iroit en Lorraine ou en Flandre; mais le lendemain ce doute fut éclairci, ayant pris le chemin de Namur, auquel lieu Monsieur se rendit en trois journées. [ 1633] Le comte de Sallazar, capitaine de la garde de cavalerie de l'Infante, fut celui qui le vint recevoir et lui faire des complimens. et une inimité d'offres de la part de cette vertueuse princesse, pour lui témoigner la véritable et sensible joie qu'elle avoit de le recevoir. Monsieur arriva le jour d'après à Bruxelles, et fut descendre au logis du comte de Sallazar, d'où il vint aussitôt au palais de l'Infante, de laquelle il fut traité avec autant de bonté, de témoignage d'affection et de tendresse, que s'il eût été son (ils, qui étoient les termes dont elle se servoit ordinairement lorsqu'elle vouloit exprimer l'amitié qu'elle avoit pour lui. Cette première audience finie, Monsieur fut conduit dans l'appartement qui lui avoit été préparé, qui étoit celui de l'archiduc, par les principaux de sa cour et de sa maison, auxquels elle avoit ordonné de le servir, et de lui rendre