Mémoires d’une ex-palladiste parfaite, initiée, indépendante/19/Ma Manifestation Publique

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MA MANIFESTATION PUBLIQUE


Les quelques irréductibles de la presse, qui ont l’impayable Pacelli pour prophète, font semblant de croire et répètent à leurs lecteurs que j’ai subordonné et que je subordonne la manifestation de la vérité sur mon cas à l’obligation absolue de rendre d’abord justice à un homme attaqué à cause de moi. Je répète donc, à mon tour, ce que j’ai purement et simplement demandé : confrontation de M. Taxil avec ses ennemis catholiques pour les deux accusations qui sont d’un examen des plus rapides, quinze jours au maximum : exécution publique de M. Taxil par l’autorité compétente, s’il est coupable ; excuses publiques de ses calomniateurs, s’il est innocent. Et j’ai eu soin d’ajouter que, dans n’importe quel cas, je ferai ma manifestation publique. La Commission Pacelli, ne voulant pas accorder cela et n’ayant pas la franchise de le refuser nettement, a préféré sa dissolution et l’aveu de son incapacité. J’ai donc conseillé à M. Taxil de soumettre à l’Officialité du diocèse de Paris ces deux questions si faciles à régler ; il m’assure que sa requête sera déposée cette semaine. De mon côté, je fixe ma manifestation publique à la semaine de Pâques. Il est, par conséquent, bien certain que les juges ecclésiastiques à qui M. Taxil fait appel auront tout le temps nécessaire pour constater et dire s’il a été accusé par des dénonciateurs loyaux et véridiques ou s’il a eu le public outrage de haineux calomniateurs. Et ma manifestation publique se fera, même si l’autorité diocésaine répond à M. Taxil par une fin de non-recevoir ; ce que je refuse de croire. D’autre part, je pourrai ainsi prendre toutes mes dispositions ; et d’abord je remercie de plein cœur les deux Eugène de l’Univers, les Roussel de la Vérité (de Paris), Cardauns de la Volkszeitung de Cologne, Ciardi de l’Unità Cattolica de Florence, Kohler du Vaterland de Vienne, et tous les autres hannetons dont le tapage insensé vaudra à ma manifestation un éclat superbe et à ma personne une merveilleuse sécurité. Comment voulez-vous que les Palladistes me fassent assassiner après un si beau vacarme ?…

Or, ces aimables tapageurs ne pourront pas dire qu’on a négligé de les mettre en mesure de faire l’amende honorable qui les aurait préservés de l’avalanche du ridicule. Dans son numéro du 12 février, M. le chanoine Mustel s’adressait « à l’honneur, à la conscience, à l’esprit de justice de M. Eugène Veuillot lui-même. » Et il ajoutait : « Qu’il veuille bien se faire la peine, — elle sera petite, et, après tout, il ne fera, en prenant cette peine, que remplir un devoir, — de vérifier ces deux accusations : la Diana de Villefranche, et la vente des livres impies de M. Taxil. Pour la première, nous croyons pouvoir lui promettre d’aider ses recherches. Pour la seconde, nous, nous engageons à payer à raison de dix francs le volume, si petit qu’il soit, jusqu’à concurrence de dix volumes, tout livre impie ayant pour auteur M. Léo Taxil et remis en vente soit par sa femme, soit par toute autre personne, avec sa connivence ou son autorisation, même tacite.

Aussitôt cette proposition publiée, M. Taxil écrivait à M. le chanoine Mustel cette lettre, qu’il est utile de reproduire après la Revue Catholique de Coutances, du 19 février :


« Mon cher Monsieur le Chanoine,

« Comme complément à ce que vous dites dans votre dernier numéro (page 155, lignes 9 à 12), je vous prie de vouloir bien publier la déclaration que voici :

« Non seulement mes anciens ouvrages contre la religion, que j’ai publiquement rétractés, n’ont jamais été réimprimés avec mon consentement ; — mais encore je suis convaincu qu’aucune réimpression clandestine, c’est-à-dire effectuée contre mon gré, n’a été faite, attendu que, dans le monde de la librairie, on sait bien que je n’aurais pas épargné les contrefacteurs.

« En 1890, un éditeur de la rue Saint-Benoît, à Paris, M. Simon, crut pouvoir se permettre de réimprimer un roman anticlérical intitulé : Par la grâce du Saint-Esprit, écrit en collaboration avec M. Fernand Laffont, dont il avait eu l’autorisation. Dès que j’en fus avisé, je fis sommation à l’éditeur d’avoir à mettre sa marchandise au pilon, et il s’exécuta immédiatement ; car j’avais eu soin d’acheter la part de propriété de mon collaborateur. Voilà un fait des plus probants, n’est-ce pas ?

« En voici un autre, plus probant encore : — Au lendemain même de ma conversion, MM. Firmin et Cabirou, imprimeurs à Montpellier, se trouvaient avoir exécuté depuis quelques semaines, pour le compte de la Librairie Anticléricale, un important tirage d’un autre roman impie écrit en collaboration avec M. Jules Fréval et intitulé Tous Tartufes ! Les feuilles tirées, qui allaient être brochées, formaient un total de mille kilogs, si j’ai bonne mémoire. Or, j’étais alors créancier de MM. Firmin et Cabirou pour une somme de 3.000 francs, dans le compte courant que j’avais avec ces messieurs. Pour empêcher la mise en vente des mauvais livres, je fis l’achat de tout le stock contre l’abandon de ma créance, et ces mille kilogs de marchandise anticléricale furent mis au pilon. Le fait doit être à la connaissance de Mgr l’Évêque de Montpellier, à qui je vous prie d’envoyer le numéro de votre Revue contenant ma présente lettre.

« Si M. Eugène Veuillot ou n’importe qui peut produire quelque exemplaire de mes anciens livres impies, imprimé depuis ma rétractation (23 juillet 1885), je lui en offre, moi, mille francs par ouvrage, qu’il s’agisse d’un volume ou d’une simple brochure. Seulement, vous pouvez en être sûr, ce nouveau défi ne sera pas relevé ; car, à l’Univers, on sait parfaitement à quoi s’en tenir.

« Veuillez agréer, mon cher monsieur le Chanoine, l’expression de mes sentiments bien respectueux et dévoués.

« Léo Taxil.
 »


Voilà qui est bien net. Les maladroits fielleux de la rue Cassette sont mis au défi. Ils n’apporteront aucun de ces volumes ou brochures qu’ils affirment réimprimés. Dans leur sotte haine aveugle, ils n’ont même pas pensé à se tenir le simple raisonnement que voici : « Si M. Taxil est l’extraordinaire mystificateur, que nous croyons, il est impossible de le supposer assez niais pour fournir une telle arme contre lui ; mais s’il a commis ces actes de duplicité si aisés à constater, il est le dernier des imbéciles, et alors comment aurait-il pu mystifier pendant douze ans le monde entier ? » Pas moyen de sortir de là, pourtant, ô suave Eugène Veuillot !… Allons, l’oncle et le neveu, apportez les volumes et brochures devant l’Officialité de Paris ! ou bien, présentez, en tête de vos colonnes, vos humbles excuses, pour avoir menti sciemment !…

Ils n’apporteront rien, dis-je, et ils ne s’excuseront pas.

Donc : au lundi de Pâques, 19 avril, à Paris. L’oncle et le neveu, vous serez convoqués, non seulement par lettre, mais aussi par voie d’affiches. Vous viendrez, devant un public de journalistes, répéter que vous avez acquis, par les confidences de Moïse Lid-Nazareth, votre digne ami, la conviction que Miss Diana Vaughan n’existe pas. Et si le prophète Pacelli veut prendre part à la petite fête, qu’il ne se prive pas de ce plaisir ; je m’engage à lui rembourser ses frais de voyage.

Le signor Pacelli entre les deux Eugène, quel délicieux tableau pour l’assistance !…

Ma première manifestation publique aura lieu devant les représentants de la presse. Des cartes seront envoyées aux principaux journaux d’Europe et des États-Unis, assez à temps pour qu’ils puissent aviser leurs correspondants parisiens, sans distinction d’opinions politiques ou religieuses. Conférence avec projections : des documents fort intéressants passeront sous les yeux du public. Si le signor Pacelli ne peut venir, je le supplie de m’envoyer sa photographie. Pietro, je vous en conjure, ne me la refusez pas ! car vous méritez que je montre en projections votre intelligente tête dans les principales villes d’Europe et des États-Unis.

À Washington, j’aurai le plaisir de renouveler connaissance avec Miss Liliana Pike.

Dans le prochain fascicule, je publierai mon itinéraire.

D. V.



La première conférence de Mies Diana Vaughan à Paris, 19 avril, aura lieu le soir, dans la grande salle de la Société de Géographie, 184, boulevard Saint-Germain.