Mémoires de John Tanner/Poésies

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Traduction par Ernest de Blosseville.
Arthus Bertrand (2p. 407-416).


POÉSIES INDIENNES.
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I.


CHANT POUR LE METAI OU POUR LA MÉDECINE DE CHASSE.


Cette chanson et les trois suivantes sont chantées par le principal chef du Metai, avec accompagnement de son bwoin-ah-keek, ou tambour.


0 mes amis, assis autour de moi, je donne maintenant toute mon attention au Metai.

Qui fait couler cette rivière ? C’est l’Esprit ; il fait couler cette rivière.

Examinez-moi bien, mes amis, examinez-moi, et comprenez que nous sommes tous compagnons.

Qui a fait marcher le peuple ? Un oiseau a fait marcher le peuple.

Je vais me mettre en marche, et, si j’aperçois quelque animal, je tirerai sur lui.

Je frappe votre cœur, j’atteins votre cœur, ô animal ! C’est votre cœur que j’atteins, c’est votre cœur.

Je me rends semblable au feu.

Je puis attirer l’eau, d’en haut, d’en bas et d’autour de moi.

Je peux rendre semblable aux morts ; je l’ai fait pour un homme.

Je peux rendre semblable aux morts ; je l’ai fait pour une femme.

Je peux rendre semblable aux morts ; je l’ai fait pour un enfant.

Tel je suis, tel je suis, mes amis, tout animal, tout animal, je le frappe juste, mes amis.


II.


CHANT POUR LE METAI SEUL.


Je me promène aux heures de la nuit.

J’entends votre voix ; vous êtes un méchant esprit.

Maintenant je vais m’élever au dessus de la terre. Je suis chat sauvage, sachez-le ! je suis chat sauvage ; je suis bien aise de vous voir tous chats sauvages.

Je suis un esprit ; tout ce que j’ai, je vous le donne dans votre corps.

Votre langue vous tue ; vous avez trop de langue.


III.


CHANT POUR LA CHASSE DU CASTOR ET LE METAI.


Je m’assieds par terre dans la loge du Metai, dans la loge de l’Esprit.

Vous devez jeûner deux ans, mon ami ; vous devez jeûner quatre ans, mon ami.

Quittez vos vêtemens, femme, quittez vos vêtemens.

Qui fait que le peuple se promène ? C’est moi qui vous appelle.

Je puis vous tuer avec ceci ; un.chien même, je peux le tuer avec ceci.

Je frappe ton cœur, homme, ton cœur.

Je peux tuer le loon[1] blanc, je peux le tuer.

J’ouvre une peau de loup et la mort doit en sortir.


IV.


CHANT POUR LA MÉDECINE DE CHASSE, ET
RAREMENT POUR LE METAI.


(Cette longue chanson religieuse est en haute considération chez les Indiens.)


Je désirais naître, je suis né, et quand je fus né, je fis tous les esprits.

J’ai créé les esprits.

Na-na-bush s’est assis sur la terre, son feu brûle pour ; jamais.

Quoique vous parliez mal de moi, mes amis sont d’en haut, mes amis.

Je puis me servir de beaucoup d’espèces de bois pour rendre un ours incapable de marcher. Je pense de vous que vous usez du we-nis-zebug-gone (espèce d’arbre vert) ; je pense cela de vous.

Ce que je prends, c’est du sang, ce que je prends.

Maintenant j’ai quelque chose à manger.

Esprits, je couvre ma tête, en me couchant, pour dormir.

Je remplis ma chaudière pour l’esprit.

Il y a long-temps que vous êtes des esprits, depuis que je suis descendu sur la terre dans le vieux temps.

Je vous prépare pour un ours, je vous prépare.

C’est un esprit qui vient à la fois du ciel et de la terre.

(Ici les Indiens se mettent à danser.)


Je suis celui qui donne le succès, parce que tous les esprits m’assistent.

La plume, la plume, c’est là ce qu’il me faut ! la plume !

Qui est esprit ? Celui qui a marché avec le serpent, marché sur la terre, celui-là est un esprit.

Maintenant ils vont manger quelque chose, mes femmes ; maintenant je leur dis qu’ils vont manger.

Cette ocre jaune, je vais l’épurer.

Maintenant je vais préparer mon oiseau ; quelquefois je le préparais, et quelquefois il était animé.

Il n’est pas d’animal que je ne puisse tuer, parce que le tonnerre à la grande voix vient à mon aide ; il n’est pas d’animal que je ne puisse tuer.

Je prends un ours, je prends son cœur.

Un serpent à sonnettes fait du bruit sur les poteaux de ma cabane, il fait du bruit.

Les quatre bâtons dont je viens de me servir appartenaient à un Shawneese : quand je les ai frappés ensemble, ils ont été entendus dans tout le pays.

Je m’élève de la terre, je descends du ciel, je vois l’esprit, je vois les castors.

Je peux faire venir un vent d’est et le faire passer sur la terre.

(Cela se chante quatre fois.)


Je me suis assis, et la terre au dessus et au dessous m’a contemplé.

Je peux tuer un ours, je peux le tuer.


V.


CHANSON POUR LA MÉDECINE, ET QUELQUEFOIS
POUR L’AMOUR.


Je ne sais pas ce que fait la longue lune, Manito.

C’est une peinture qui fait de moi un Manito. Je peux faire avaler une flèche à un chef.

Je me cache et je m’assieds avec une femme dans un lieu secret. Je parle de votre cœur.

Je prends vos entrailles, je prends votre graisse, je prends votre intestin droit.

(Cela s’adresse à un moose.)


Je peux la rendre honteuse, parce que j’entends ce qu’elle dit de moi !

Quoiqu’elle dorme bien loin, quoiqu’elle dorme de l’autre côté.

Je tire votre cœur en haut, voilà ce que je vous fais.

Il n’est pas d’animal que je ne puisse tuer.

La peau d’un homme mort est Manito.

Fût-elle dans une île éloignée, je peux la faire venir à la nage, fût-elle dans une île éloignée.


VI.


CHANT DE CHI-AH-BA, CÉLÈBRE MEDECIN OJIBBEWAY,
DANS L’ADMINISTRATION DE SES REMÈDES.


J’entends tous le monde, mais je me fais serpent noir, mon ami ; c’est moi qui parle assis là sur la terre.

Qu’est-ce que j’introduis dans votre corps ? Ce sont des peaux de serpens que j’introduis dans votre corps.

Je suis Manito. Les racines des arbrisseaux et des herbes m’ont fait Manito.

Les serpens sont mes amis.

Sous la terre le chat sauvage est mon ami.


VII.


CHANT DE MÉDECINE DE GUERRE.


Je me lève.

Je prends le ciel, je le prends.

Je prends la terre, je la prends.

Je marche à travers le ciel, je marche. La femme de l’Orient m’appelle.


VIII.


CHANT DE DÉPART DES GUERRIERS.


Ne pleurez point, mes femmes, sur moi qui vais mourir.

Si un homme se regarde comme un grand guerrier, je me regarde comme lui.



FIN.


  1. Rara avis in terris nigroque simillima cycno