Mémoires de deux jeunes mariées/Chapitre 38

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Mémoires de deux jeunes mariées
Œuvres complètes de H. de BalzacA. Houssiaux2 (p. 132).


XXXVIII

DE LA VICOMTESSE DE L’ESTORADE À LA BARONNE DE MACUMER.


Septembre.

Ma chère, il y a pour toi à Chantepleurs une assez longue réponse à la lettre que tu m’as écrite de Marseille. Ce voyage fait en amants est si loin de diminuer les craintes que je t’y exprimais, que je te prie d’écrire en Nivernais pour qu’on t’envoie ma lettre.

Le ministère a résolu, dit-on, de dissoudre la chambre. Si c’est un malheur pour la couronne, qui devait employer la dernière session de cette législature dévouée à faire rendre des lois nécessaires à la consolidation du pouvoir, c’en est un pour nous aussi : Louis n’aura quarante ans qu’à la fin de 1827. Heureusement mon père, qui consent à se faire nommer député, donnera sa démission en temps utile.

Ton filleul a fait ses premiers pas sans sa marraine ; il est d’ailleurs admirable et commence à me faire de ces petits gestes gracieux qui me disent que ce n’est plus seulement un organe qui tette, une vie brutale, mais une âme : ses sourires sont pleins de pensées. Je suis si favorisée dans mon métier de nourrice que je sèvrerai notre Armand en décembre. Un an de lait suffit. Les enfants qui tettent trop deviennent des sots. Je suis pour les dictons populaires. Tu dois avoir un succès fou en Italie, ma belle blonde. Mille tendresses.