Mémoires de la ville de Dourdan/Philippe Auguste

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Philippes Auguſte,
autrement Dieu-donné.

Si Dourdan a deu receuoir quelque aduentage pour auoir eſté le ſejour des Roys, c’a eſté particulierement en conſideration de Philippes Auguſte, qui y a laiſſé beaucoup plus de marques de ſon affection que les autres, & lequel recogneu grand en toutes ſes actions, ne ſera iamais preſumé ſ’eſtre attaché à vn lieu qui ne le meritaſt & qui n’euſt toutes les circonſtances neceſſaires, pour arreſter le plaiſir d’vn cœur Royal : Vne ſeule choſe l’incommodoit, & reſtreignoit ſes plaiſirs ; ſçauoir eſt la donation des bois de Louye cy-deſſus, d’autant qu’iceux ſeruants de retraitte à la plus-part de toute ſorte de beſtes, (pource qu’ils ſont dans le milieu de la foreſt,) & luy par vne tres-grande retenuë n’y voulant aller, il perdoit pluſieurs bonnes occaſions de ſa chaſſe. C’eſt pourquoy, & afin d’auoir pleine liberté dans le pays, il les retira & les reünit à ſon Domaine, apres toutesfois auoir recompenſé d’ailleurs les Religieux : La preuue de ceſte reünion ſera cy-apres inſerée ſoubs Sainct Louys, qui remit les choſes en leur premier eſtat.

Sa pieté & ſa retraitte ordinaire à Dourdan l’inuiterent à faire baſtir vne Chappelle dans le chaſteau laquelle il dota de quinze liures pariſis à prendre ſur ſa Preuoſté du lieu, & laquelle il ordonna eſtre deſeruie par l’vn des Religieux qui ſeroit au Prieuré de ſainct Germain, ayant prealablement fait entre ſes mains le ſerment de fidelité. Voicy le tiltre de ceſte fondation, tel que ie l’ay peu recouurer.

Philippus Dei gratia Francorum Rex, omnibus præſentes literas inſpecturis ſalutem noueritis quòd nos ſtatuimus in perpetuum in caſtro Dordani quamdam capellam capellaneam, & volumus & concedimus Abbati & Conuentui ſancti Carauni Carnotenſis quòd vnus de Canonicis Prioratus ſui de ſancto Germano de Dordano celebrare … ſingulis diebus in predicta capella tali modo quòd Canonicus ille qui in eadem deſeruiret faceret fidelitatem nobis & hæredibus noſtris dictum caſtrum poßidentibus, & quotiens mutabitur ille Canonicus totiens faceret dictam fidelitatem : nos autem ſtatuimus quòd Canonicus ille qui in dicta capella deſeruiret, percipiat ſingulis annis quindecim libras pariſienſes in prepoſitura noſtra Dordani, recipiendas ſingulis annis, medietatem in feſto omnium ſanctorum, & medietatem in Purificatione beatæ Mariæ Virginis, & per quos dies præpoſiti noſtri Dordani diſtulerint facere dicto Canonico … prædictis quindecim libris per tres dies reddent … præſentem chartam ſigilli noſtri auctoritate precipimus roborari actum Pariſijs, anno Dominicæ Incarnationis 1222. menſe Aprili.

I’ay long temps douté de la validité de ceſte piece, pource que ie ne l’ay veuë en forme, & que d’autant plus vne choſe eſt deciſiue, elle doit eſtre eſpluchée, & exactement conſiderée : Mais i’en ay eſté eſclaircy par vn acte capitulaire que i’ay trouué en bonne forme au Threſor des Chartres de la Couronne dans la layette de Chartres 2 num. 5. par lequel l’Abbé Prieur & Conuent de ſainct Cheron lez Chartres, (d’où depend le Prieuré de ſainct Germain,) acceptent ceſte fondation & ſ’obligent pour deſeruir ceſte Chappelle de fournir l’vn des Religieux de leur Prieuré de Dourdan qui fera le ſerment de fidélité.

La fabrique de ſainct Germain de Dourdan eſt en tres-ancienne poſſeſſion du droict de meſurage dans la ville & fauxbourgs, qui luy vaut ordinairement ſix cens liures par an, ſans qu’aucun ſçache qui l’a donné ny d’où il eſt venu, à cauſe de la perte des regiſtres & tiltres de ceſte Egliſe : Mais quant à moy, ie conjecture que c’a eſté Philippes Auguſte, d’autant que le martirologe ou liſte de ceux qui y ont bien fait, commence par Nous prierons pour le Roy Philippes, à quoy ie crois qu’il faut adjouſter, Auguſte, d’autant que ie ne trouue point qu’aucun autre Philippes ſe ſoit tant arreſté à Dourdan pour y faire ceſte liberalité.

La Royne Alix ou Adelle mere du Roy continua apres la mort de Louys ſon mary ſes voyages à Dourdan, y eſtablit ſa principale demeure comme en vn lieu Royal qui auoit eſté chery par ſon mary, & qui eſtoit ſouuent frequenté par le Roy ſon fils : qui fut cauſe que les Religieux de Louye (qui auoient meilleur moyen de la gouuerner) gaignerent tellement ſes bonnes graces, qu’elle leur donna vingt muids de bled de rente à prendre ſur la ſeigneurie de Chalou, qu’elle donna à ceſte charge aux Cheualiers de l’Ordre de ſainct Iean de Hieruſalem, qui en paſſerent à l’heure meſme vne recognoiſſance par acte capitulaire que i’ay icy tranſcript.

In nomine ſanctæ & indiuiduæ Trinitatis, Amen. Frater Amio Magiſter Militiæ Templi extra mare totúmque eiuſdem Militiæ Capitulum, vniuerſis fidelibus ad quos literæ præſentes venerint ſalutem in Domino : Notum fieri volumus vniuerſis præſentibus pariter ac futuris, quod cum Venerabilis Francorum Regina Adella Ludouici piæ memoriæ Chriſtianißimi Francorum Regis vxor, quamdam villam chaloium dictam, quam adquiſierat aſſentiente concedente & laudante filio ſuo Illuſtrißimo Francorum Rege Philippo, nobis in eleemoſinam contuliſſet, à nobis impetrauit, quod ſingulis annis donauimus viginti modios frumenti Fratribus de Loya iuxta Dordanum, qui ſunt de Ordine Grandiſmontis, ab eiſdem Fratribus in feſto ſancti Remigij in granchia chaloij recipiendos, ad modium chaloij, & decem libras pariſienſes, ab eiſdem annuatim apud Templum Pariſius in craſtino Circonciſionis Domini recepiendas. Actum publicè apud Templum Pariſius, anno ab Incarnatione Domini milleſimo centeſimo octuageſimo tertio.